La pointe, c’est l’emblème de la danse classique. En apparence très fragile, ce chausson symbolise à lui seul cette discipline où l’impression de grâce et de facilité cachent une rigueur sans équivalent pour ceux qui la pratiquent. Derrière l’image d’Épinale de la ballerine en tutu rose et des garçons en collant, il y a l’exigence d’un véritable sport qui met les corps à rude épreuve.
Le travail sur pointe est une technique particulièrement éprouvante pour un danseur classique. Donner l’illusion d’un corps tout entier porté à la seule force du pied entraîne diverses liaisons. Ampoules, entorses, fractures et contusions sont quelques unes des nombreuses blessures causées par des mouvements répétitifs et extrêmes.
De cette problématique est né « P-rouette », un chausson de pointe imprimé en 3D, imaginé par certain Hadar Neeman, diplômé de l’Académie d’art et de design de Bezalel. En voyant les pieds meurtris d’une amie danseuse, le designer a eu l’idée d’utiliser l’impression 3D pour développer des chaussures qui seraient plus confortables pour les danseurs classiques.
Des chaussons parfaitement adaptés à la morphologie du pied
L’impression 3D a déjà fait la démonstration de ses bénéfices en podologie. Plusieurs start-up dont les français Scientifeet et Eden 3D par exemple, ont su exploiter cette technologie pour développer des semelles orthopédiques parfaitement adaptées au pied du patient. Hadar Neeman a su tiré profit de cette capacité de personnalisation pour créer des chaussons de pointe sur-mesure.
Habituellement les pointes sont fabriquées selon des techniques manuelles particulièrement longues. La boîte qui est cette partie renforcée au bout de la pointe qui permet au danseur de se tenir debout, nécessite plusieurs étapes de fabrication. Plusieurs couches de toile sont d’abord mises en forme puis plongées dans la colle. Le tout est ensuite renforcé par trois semelles rigides faites de cuir et de carton.
La méthode adoptée par Hadar Neeman consiste d’abord à numériser le pied du danseur à l’aide d’une application mobile. Grâce à ce scan le designer peut alors modéliser une semelle et une boîte en forme de treillis, parfaitement conforme à la morphologie de la personne (pied grec, carré, égyptien…).
Des pointes plus confortables et résistantes
Comme le laisse deviner les photos ci-contre, la partie supérieure de la chaussure en tissu (l’empeigne) est intégrée pendant l’impression. Elle peut alors être maintenue entre les deux couches imprimées. Il n’y a par conséquent aucun assemblage, ni colle, ni points de suture. Quant au matériau d’impression 3D utilisé pour la semelle et la boîte, il s’agit d’un polymère élastomère. Le corps de la chaussure a lui été fabriqué par un cordonnier, à partir de tissu en satin et de coton pour la doublure intérieure.
Selon Hadar Neeman, en plus d’être confortables, ses chaussures imprimées en 3D sont aussi beaucoup plus résistantes que les pointes classiques. Là où leurs homologues traditionnelles sont usées au bout de 10 ou 20 heures de danse, leur durée de vie serait multipliée par trois. Un aspect non négligeable au vue des budgets consacrés par certaines grandes écoles de danse.
A titre d’exemple l’Opéra de Paris dépenserait ainsi chaque année 350 000 € pour l’achat de ses chaussures. On ignore pour le moment si ces chaussons à la pointe de la technologie déboucheront sur une commercialisation. Une solution similaire dénommée The Pointeeshoe avait été récompensée en juin dernier par le prix 3D-Pioneers-Challenge.