
Pierre et Thibault Benne
Si le chemin est encore long avant que l’impression 3D ne viennent supplanter les techniques de production traditionnelles de masse, elle trouve de plus en plus d’échos auprès des entreprises à la recherche de nouvelles solutions pour la fabrication de pièces en petites et moyennes séries. Raccourcissement des cycles de développements et de production, souplesse de conception, capacité de personnalisation et capacité à produire des formes géométriques complexes… les atouts offerts par l’impression 3D ont déjà séduit nombre d’entreprises. Bien qu’en France, ces dernières aient pris un retard inquiétant dans leur transformation digitale, certains dirigeants perçoivent le changement comme une opportunité.
Une vision partagée par BENNE, société tarnaise spécialisée dans les convoyeurs, qui depuis quelques mois a fait le pari de l’impression 3D. Responsable marketing et communication de l’entreprise, Thibault Benne nous dévoile les tenants et aboutissants de cette réorientation stratégique.
« montrer que nous restons toujours à la pointe de la technologie, d’innover, de proposer de nouveaux services pour nos clients… »

Thibault Benne
Thibault bonjour, pourriez-vous vous présenter et définir vos fonctions chez BENNE ? Quelles vos missions ?
Bonjour, Thibault Benne, 25 ans, je viens de finir mes études (Bachelor à l’EGC de Montauban puis un master par alternance à l’IFAG Toulouse). J’ai officiellement intégré l’entreprise en septembre 2015 en tant que Responsable Marketing et Communication, mes missions au sein de BENNE SA sont diverses et variées.
Je m’occupe de l’organisation des salons (en moyenne quatre par an), de notre communication (gestion d’un compte Google Adwords, publicité sur des sites internet, gestion et mise à jour de nos sites internet, mailing, presse / magazine, réalisation de brochures, d’objets publicitaires, communication interne, communiqué de presse, etc.), veille permanente pour trouver de nouveaux clients / fournisseurs / partenaire grâce à divers outils (magazine, site internet, face to face, prospection sauvage, bouche à oreille, etc.), suivit / relance et visite de nos clients, … Développement de l’export, visite de nos clients, prospection, réalisation de devis, etc.
Quelle est la genèse de votre entreprise et quelles sont ses activités ?
L’entreprise a était créée, il y a bientôt 100 ans (1er novembre 1919) par mon arrière-grand-père (Gaston BENNE), à l’époque nous réalisions des « Becs Auer » (c’est une pièce métallique des lampes à gaz) et enfin des « Raus » et « peignes de tissage. Mon grand-père et mon père ont tous les deux travaillés dans cette entreprise.
En 1985, mon père a décidé de créer BENNE SA, il se lance dans la fabrication des bandes transporteuses et courroies. En 1990, nous avons fabriqué nos premiers convoyeurs, entre cette date et aujourd’hui nous avons procédé à de nombreux investissements, pour être fabricant à 100% en interne en France. De ce fait, nous avons acheté une chaudronnerie (composée de nombreux équipements, découpe laser automatisée, presse automatisée, poste à souder, cabine de peinture à poudre, de microbillage, etc.) un atelier de mécanique (tour, fraiseuse) et un bureau d’études composé de 15 personnes.
Je cite seulement ces trois points, mais d’autres services sont vitaux comme : des ingénieurs pour réaliser des devis, des automaticiens pour la programmation des convoyeurs, des monteurs pour installer les systèmes de convoyage chez nos clients, un service communication, etc.

Fortus 450mc de Stratasys
« En voyant la vidéo de cette voiture rouler, j’ai tout de suite pensé à un convoyeur imprimé en 3D »
En juin dernier, Benne a fait l’acquisition d’une imprimante 3D. Qu’est ce qui a motivé cette décision ?
C’était un projet que je souhaitais voir se réaliser depuis début 2014, ayant vu plusieurs objets imprimés en 3D dont une voiture fonctionnelle, cela m’a rassuré sur la dureté et la résistance de ces matériaux. En voyant la vidéo de cette voiture rouler, j’ai tout de suite pensé à un convoyeur imprimé en 3D. Mais comme c’était un investissement important, le projet était reporté.
Fin 2014 nous avons subi un violent incendie (1/4 de l’entreprise détruit) mais nous nous en sommes servi pour repartir sur des bonnes bases, des nouvelles machines, des locaux flambants neufs répondant aux dernières normes européennes … et … cette imprimante 3D. C’est surtout notre volonté de rester à la pointe de la technologie qui a motivé cet achat.
Parlez-nous un peu de cette machine. De quel modèle s’agit-il et sous quelle technologie fonctionne t-il ?
C’est une fortus 450mc du fabricant Stratasys, technologie FDM (dépôt de fil).
Volume de la machine : environ 1m de large et de profondeur sur 2m de haut
Volume d’impression : 406 mm * 355 mm * 406 mm

Premier convoyeur imprimé en 3D
A quelles applications se destine cette imprimante 3D et avec quels matériaux travaillez-vous ?
Cette imprimante nous permet d’imprimer trois typologies de pièces :
– Des pièces dites de « communication, test ou encore aident à la fabrication » ; on retrouve dans cette catégorie des objets promotionnels, des pièces d’aide à la vente pour nos commerciaux (à titre d’exemple : une carte de visite de la 3D en 3D) des pièces pour nos machines de fabrication, des tests d’impressions, ou encore le trophée de nos 30 ans.
– Pour nos clients ; des pièces aussi diverses que variées, ils nous envoient leurs fichiers CAO puis nous les imprimons.

Convoyeur avant montage
– Pour nos convoyeurs ; plusieurs parties des convoyeurs, jonction entre les différents
éléments, maintien des rouleaux, sabres, transferts entre deux convoyeurs, des goulottes, etc.
On travaille surtout avec de l’ABS, mas nous avons aussi de l’ASA, PC, NYLON, ABS-M30, ABS-M30i, ASA-1510 cc, ABS-ESD7, PC-ISO. Ce sont pour l’instant les seules matières que nous avons en stock, mais il nous est très facile de commander d’autres matières.
Comment se présentent les consommables de la Fortus ? Quel est leur coût et leur capacité ?
Ils sont stockés dans une bobine qui est-elle même insérée dans la machine, valeur moyenne de la bobine 500 €. Une bobine contient 1 500 cm cubes de matière.

Petits convoyeurs imprimés en 3D pour les clients
Les pièces imprimées nécessitent t-elles des post-traitements ? Lesquels ?
Non, il n’est pas obligatoire de les traiter.
Sinon deux types de traitements :
– Un bain d’eau (avec un peu de soude et des vibrations pour aller plus vite) pour enlever la matière support ce trouvant dans des endroits impossibles à atteindre avec les mains ou des outils, sinon elle s’enlève facilement à la main.
– Une cabine de microbillage pour donner aux pièces un rendu lisse ; nous n’avons pas encore investi dans cette cabine, car lors de la programmation, il est possible à l’opérateur de modifier le passage du fil pour obtenir un joli rendu final (valeur de la cabine ayant la même capacité que notre machine, environ 200€).

Pièce n°1 : taquets pour un convoyeur à biscuits
En prenant l’exemple d’une pièce, quelle est la durée d’impression ?
Cela varie du simple au quadruple en fonction de plusieurs paramètres :
– Si la pièce est pleine ou vide
– Volume de la pièce
– Épaisseur du fil lors de l’impression
– Présence ou non de matières support
– Position de la pièce lors de l’impression
Sinon 30 minutes pour la pièce numéro 1 et 20h pour la pièce numéro 2.
« la seule limite est l’imagination du dessinateur… »
Après plusieurs mois d’utilisation, quel est votre retour d’expérience ? Selon vous, quels sont les points forts et les points faibles de l’impression 3D par apport aux techniques conventionnelles ?
Point fort : possibilité de TOUT faire, la seule limite est l’imagination du dessinateur
Points faibles :
– le coût de la matière (mais elle est en diminution constante, d’ici quelques année, ça ne sera plus un problème)
– le temps d’impression (mais pour certaines pièces, c’est beaucoup plus rapide que les
méthodes conventionnelles), cela dépend de la complexité des pièces à fabriquer. A titre d’exemple la pièce 2 (la goulotte); aurait mis environ 5 jours soit 35h avec les techniques traditionnelles contre à peine une demi-journée de conception + 20 h de fabrication avec l’impression 3D.

Pièce n°2 : goulotte
« …plus la pièce est compliquée à fabriquer, plus elle sera intéressante à fabriquer en 3D. »
Et d’un point de vue économique ?
Il est difficile d’aborder l’aspect économique par rapport aux techniques traditionnelles, car c’est un appareil qui est capable de remplacer des machines avec des valeurs allant de 50 000 € à plus d’un million d’euros et nécessitant des matières premières, des ressources financières et humaines.
Cela peut varier dans les deux sens, pour certaines pièces, il est plus rentable d’utiliser les techniques traditionnelles et sur d’autres, l’impression 3D est plus intéressante. Mais d’un point de vu global, plus la pièce est compliquée à fabriquer, plus elle sera intéressante à fabriquer en 3D.
L’utilisation de cette imprimante 3D, requiert-elle des compétences particulières ? A t-elle nécessité une formation ?
Pour utiliser ce genre de machine, vous êtes obligés d’avoir un bureau d’études et des logiciels CAO. Ensuite, une journée de formation est conseillée pour apprendre à utiliser le logiciel fourni avec la machine et la machine en elle-même.
Nous avons pris cette journée, divisée en deux demi-journées espacées d’un mois, mais la prise en main de la machine par nos opérateurs a été rapide.

Goulotte pour le transfert de cachets d’aspirine
L’impression 3D a-t-elle fait naître de nouvelles ambitions ou de nouveaux projets pour votre entreprise ? Vous intéressez-vous par exemple à l’impression 3D métal ?
Actuellement pas beaucoup car nous avons la machine depuis 6 mois. Mais nous nous en sommes déjà servi en interne pour nous faciliter la vie, support écran d’ordinateur, réparation de nos machines avec des pièces imprimées en 3D. La machine nous permet aussi de communiquer, de montrer que nous restons toujours à la pointe de la technologie, d’innover, de proposer de nouveaux services pour nos clients, d’attirer plus de partenaires (salariés, financiers, fournisseurs, clients, visite d’entreprise, média, etc).
Pour les autres techniques d’impression, nous attendons de voir tout ce que peut nous apporter notre imprimante, mais si nous continuions sur cette voie, un nouvel investissement sera sûrement prévu en 2017. Sur quelle technologie je ne sais pas encore (frittage laser direct de métal ? frittage sélectif par laser ? stéréolithographie ? etc.) l’impression métal, je ne pense pas, car cette technologie est seulement à ses débuts.
- Benne a acquis la Fortus 450 MC de Stratasys pour 157 000 €. Le prix comprend l’installation de la machine, le transformateur, et l’autorisation d’utiliser toutes les matières sauf l’ULTEM (9085 et 1010).
Un grand merci à Thibault Benne et à l’entreprise d’avoir accepter de partager leur l’expérience ! Plus d’infos sur les différentes activités de l’entreprise et son actualité ici.
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