Si l’imprimante 3D grand public telle que nous la connaissons aujourd’hui bénéficie d’une diversité de matériaux qui s’est considérablement étoffée depuis quelques années, les filaments à haute résistance restaient jusqu’alors l’apanage des machines professionnelles. Selon l’armée américaine cela pourrait bientôt changer grâce à un nouveau type de filament développé en partenariat avec l’université du Delaware. Dans un article publié dans la revue scientifique Advanced Engeneering Materials, les protagonistes expliquent comment ils ont mis au point un matériau permettant d’imprimer sur le terrain avec une imprimante bon marché des pièces suffisamment solides pour un usage militaire.
Si les quelques machines déployées par les armées en Opex leur sont d’un grand secours pour fabriquer en urgence des pièces dans des lieux isolés, il s’agit le plus souvent de systèmes industriels particulièrement coûteux et imposants. La possibilité de transformer des imprimantes 3D bon marché en un outil de fabrication de qualité militaire, pourrait apporter encore plus de réactivité et de souplesse sur les théâtres d’opération.
« produire des pièces aux propriétés mécaniques concurrentielles par rapport aux plastiques moulés par injection »
C’est pour répondre à cette problématique que des chercheurs de l’équipe Emerging Composites de l’armée américaine dirigée par le Dr Eric D. Wetzel, et l’université du Delaware ont eu cette idée de développer un filament à double matériau (DM), comprenant de l’acrylonitrile butadiène styrène (ABS) avec un noyau en polycarbonate (PC) en forme d’étoile.
Fabriqué selon un procédé d’étirage thermique, ce filament composite est utilisé comme matière première dans une imprimante FFF classique pour créer des pièces solides en 3D avec une mésostructure composite ABS/PC. Les pièces sont ensuite consolidées par une cuisson de 24 à 48 heures dans un four. Le résultat obtenu serait 15 fois plus résistant aux fractures que des pièces moulées en ABS. Cette solidité résiderait dans le coeur en polycarbonate du filament ainsi qu’à leur cuisson, dont les chercheurs américains disent vouloir réduire la durée à quatre heures.
« En soumettant ces pièces à des températures de recuit intermédiaires entre les températures de transition vitreuse de l’ABS et du PC, on obtient un corps solide dont la ductilité est comparable à celle de l’ABS moulé par injection… » commente le Dr Eric D. Wetzel. « Le squelette en PC des spécimens fabriqués à l’aide du filament DM résiste au fluage et à la relaxation du polymère afin de maintenir une géométrie précise de la pièce pendant le recuit. Ce nouveau filament de DM peut révolutionner la fabrication d’additive permettant aux imprimeurs à faible coût de produire des pièces aux propriétés mécaniques concurrentielles par rapport aux plastiques moulés par injection. »
Les chercheurs ont installé une ligne de fabrication pilote qui permettra de produire de plus grandes quantités de filament au cours des prochains mois afin de fournir des échantillons de matériaux à divers partenaires de l’armée. L’armée américaine serait également à la recherche de partenaires industriels pour commercialiser sa technologie pour une utilisation au-delà des applications militaires.