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# 5 Jours autour de l’impression 3D pour la maintenance : Rencontre avec Nanovia et ses filaments PETG

La montée de l’impression 3D dans le domaine de la maintenance s’expliquent par les avancées machine et logiciel, mais aussi par l’élargissement sans précédent de matériaux dédiés disponibles. Fut un temps limitée par l’absence de matières compatibles avec les exigences industrielles, l’impression 3D permet aujourd’hui de reproduire très fidèlement, voire même dépasser les caractéristiques des matériaux et pièces d’origine. Or, dans certains secteurs, il est impératif de disposer de matériaux qui puissent répondre aux normes strictes des pièces de remplacement concernées, et à leur criticité. En France, l’un des acteurs qui s’est imposé comme l’une des références pour ce qui des matériaux d’impression 3D techniques et innovants, est Nanovia. Implanté à Louargat (22) en Bretagne, ce fabricant breton s’est fait des matériaux éco-sourcés une spécialité. Pour en savoir plus sur la manière dont ses produits peuvent bénéficier à des applications de maintenance, j’ai interrogé son Sales et Development Manager, Erwan Leneveu.

« Grâce à notre service d’impression, 50 bouchons ont été fabriqués en seulement 24h… Ce projet a permis à l’entreprise de maintenir l’exploitation de ses réservoirs sans interruption »

Erwan Leneveu

Erwan Leneveu

Bonjour Erwan. Nanovia compte aujourd’hui parmi les acteurs pionniers de l’impression 3D en France. Pour ceux qui vous découvriraient, pourrais-tu nous raconter la genèse de cette entreprise bretonne et autour de quelle philosophie elle s’est construite ?

Nanovia a été fondée en 2012 par Jacques Pelleter, l’actuel dirigeant de la société. Jonathan Lecoq, notre Responsable production, a été le premier à rejoindre la société. Ensemble, ils ont développé les premières références de notre catalogue. Notre PETG CF, une de nos matières phares, fut d’ailleurs développée à cette période.

J’ai rejoint l’aventure quelques années plus tard, en 2019, pour développer la gamme produit, internaliser l’intégralité du process, et par la suite, développer la vente de nos différents matériaux et procédés.

Dès le début de l’histoire, la volonté était de produire des matériaux innovants, pour l’industrie, avec des matériaux issus de ressources proches géographiquement. Ainsi, dans un souci de souveraineté, la quasi-totalité des charges que nous utilisons aujourd’hui pour nos matériaux composites sont sourcés à l’échelle nationale, et majoritairement en Bretagne (fibre de carbone, coquille d’huître, charges céramiques, etc).

Ce sourcing le plus local possible permet la simplification de la chaîne d’approvisionnement et la limitation du coût carbone lié au transport. Nous avons depuis, toujours la même vision produit, des matériaux haut de gamme, techniques, avec désormais une ouverture sur d’autres domaines d’activités, comme le luxe, la musique, le paramédical, le design, etc.

« Nous avons été acteur de différents cas d’applications, allant du filtre automobile pour les véhicules de collection (Austin Mini, etc.), à l’outillage composite de plusieurs mètres »

En 11 années d’existence, quels sont les matériaux et tendances qui ont marqué le parcours de Nanovia ?

Ces 11 ans d’existence nous ont permis de voir l’implantation du procédé dans l’industrie, sa démocratisation et aujourd’hui sa maturation. Ce secteur d’activité a connu beaucoup de changements, parfois très rapides, notamment au niveau des machines et de leurs développements (fiabilité, vitesse, prix, etc.).

La fiabilisation du couple machine / matériaux disponible aujourd’hui sur le marché permet aux utilisateurs de travailler facilement et sereinement avec une technologie industrielle qui était, il y a encore peu, réservée à une minorité de technophiles avant-gardistes. Nous sommes aujourd’hui fiers d’avoir pu être un acteur des différentes phases de transformation et maturation qu’a connu le secteur.

Nous concernant plus spécifiquement et d’un point de vue matériaux, voici les grandes phases que nous avons connues :

1 – Nos premiers cas d’applications, l’outillage et la maintenance

Un des premiers secteurs ayant porté Nanovia est la maintenance ainsi que la fabrication d’outillage ou gabarit. Notre gamme composite fibrée permet de réaliser des outillages de grande dimension, stable dimensionnellement et résistant thermo-mécaniquement.

Nous avons été acteur de différents cas d’applications, allant du filtre automobile pour les véhicules de collection (Austin Mini, etc.), à l’outillage composite de plusieurs mètres, assemblés en multiples tronçons, pour l’industrie aéronautique et automobile.

2 – Démocratisation du process et industrialisation

Avec le temps, le procédé s’est largement démocratisé. Aujourd’hui, la majeure partie de la matière que nous commercialisons n’est plus utilisée pour des pièces de maintenance, mais pour de la production de pièces en série, fonctionnelles, avec un cahier des charges pouvant être mécanique, chimique, esthétique, etc. C’est réellement devenu un procédé de fabrication industriel, au même titre que les procédés historiques comme l’injection, l’extrusion ou encore l’usinage.

3 – Des matériaux toujours plus techniques

Nous avons lancé une gamme de composites de céramiques et/ou métalliques, nous permettant d’explorer de nouvelles technologies et applications dans les domaines de l’aéronautique, du spatial, du nucléaire ou encore du médical.

a – Les céramiques denses

L’objectif de ces matériaux est d’apporter la simplicité du procédé FDM, à la technicité des matériaux céramiques. Nos axes de développements principaux sont aujourd’hui sur ce créneau, avec pour cible des pièces aéronautiques embarquées et fonctionnelles dans les prochaines années.

b – Les composites métalliques ou céramiques composites

Les plastiques présentent l’avantage de pouvoir être chargés en tout type de particules ou de fibres. Certaines poudres métalliques ou céramique présentes des propriétés bien spécifiques, notamment le blindage sur des spectres de longueurs d’ondes précises. Suivant la nature de la charge incorporée, nous sommes capables de produire des matériaux pouvant bloquer un rayonnement, sur une longueur d’onde bien ciblée.

Nous avons ainsi aujourd’hui plusieurs cas d’applications avec des matériaux utilisés pour du blindage aux rayons X, dans le but de protéger à la fois le patient et le matériel d’équipements d’imagerie médicale, aujourd’hui produits et commercialisés par un grand groupe international.

« Les fibres apportent un renfort mécanique notable sans augmenter la difficulté d’impression »

L’une des applications de l’impression 3D qui a connu une forte croissance ces dernières années, est celle de la maintenance. Quels produits avez-vous développés pour répondre à ce besoin ? Lesquels ont prouvé leur efficacité ?

L’impression 3D est parfaite pour cette application : réactive et techniquement accessible à tous (suivant la matière) tout en restant économiquement abordable. L’objectif a donc été de développer des matériaux combinant facilité d’impression et haute technicité.

Les matériaux composites excellent dans ce domaine. Les fibres apportent un renfort mécanique notable (par exemple, gain de 40% sur le module de Young entre un PETG CF et un PETG non renforcé de notre gamme), sans augmenter la difficulté d’impression.

D’autre part, les matières composites sont moins sensibles au phénomène de warping et garantissent une meilleure stabilité dimensionnelle.

Nous avons dans cette optique développé nos deux matières versatiles à large spectre d’applications, permettant de couvrir la majeure partie des besoins dans ce domaine : nos PETG fibres de Carbone et PETG fibres de Verre.

« Pour sa facilité d’utilisation et ses performances, cette matière est utilisée par les forces armées pour réaliser des pièces de maintenance, des prototypes mais aussi des pièces fonctionnelles »

Quelles sont les particularités de vos matériaux PETG CF et PETG GF ? Dis-nous en plus sur leurs données de résistance.

Historiquement, le PETG Carbone est une des premières références que nous avons commercialisées. Les fibres de carbone apportent un gain important des propriétés mécaniques (Module de Young +40%, Résistance maximale +30%, par rapport à son homologue non renforcé).

Pour sa facilité d’utilisation et ses performances, cette matière est utilisée par les forces armées pour réaliser des pièces de maintenance, des prototypes mais aussi des pièces fonctionnelles, en France et en OPEX. Ce composite est d’ailleurs labellisé UAF (Utilisé par les Armées Françaises).

Nous avons aussi de nouveaux marchés dans des secteurs d’activité où le critère premier n’est pas tant la résistance mécanique, mais plutôt l’esthétisme du produit. Les fibres de carbone apportent un rendu mat texturé, très apprécié dans le domaine du design, ou plus généralement dans les domaines nécessitant des pièces d’aspect.

Les retours sur cette matière sont excellents, le seul inconvénient remonté par nos clients étant son coloris unique noir imposé par la présence des fibres de carbone. Par suite de ce constat a été élaboré notre PETG fibres de verre. Ce composite est une déclinaison de notre version carbone.

Il a l’avantage de pouvoir être coloré à façon. Nous sommes ainsi capables, sur cette référence, d’intégrer parfaitement une coloration spécifique pour obtenir des pièces imprimées qui s’intègrent par leur couleur à un dispositif fonctionnel complexe tout en s’intégrant aux pièces environnantes.

« Ce sont des matières techniques, qui permettent de réaliser des pièces résistantes, sur toutes les imprimantes du marché, y compris les plus simples »

En termes d’équipements et de paramétrages, quelles sont vos recommandations pour ces PETG ?

La simplicité d’utilisation de ces matières reste un de leur plus gros point fort. Ce sont des matières techniques, qui permettent de réaliser des pièces résistantes, sur toutes les imprimantes du marché, y compris les plus simples.

Ces références ne demandent pas d’enceinte chauffée, des températures de buse et de plateau dans les standards des imprimantes les plus basiques, et ont la possibilité d’être imprimées à haute vitesse sur les dernières générations de machines très rapides.

« Pour l’entreprise, l’impression des pignons a non seulement permis de maintenir la production de l’usine sans interruption… »

Parmi les entreprises qui ont eu l’occasion d’éprouver ces matériaux, pourrais-tu nous donner des exemples concrets d’applications ? Qu’est-ce qui a motivé ces entreprises à se tourner vers l’impression 3D ? Sur les bénéfices observés par ces entreprises, quels sont-ils ?

La matière que nous commercialisons est un outil servant à nos clients pour réaliser de la pièce fonctionnelle. L’inconvénient de travailler des semis produits (filaments ou granulés) est que nous ne connaissons pas toujours l’application finale. De plus, lorsque nous avons accès à cette information, il est rare que celle-ci soit publique. Les pièces sont souvent soumises à confidentialité.

Aussi, dans l’industrie, chaque gain et process technologique est précieusement conservé. Mais j’ai deux cas d’applications très intéressants pour des pièces de maintenance avec notre PETG CF.

Exemple 1 : Fabrication de pièces de rechange en urgence en PETG carbone.

Pignon imprimé par Nanovia en PETG carbone

Pignon imprimé par Nanovia en PETG carbone

Une usine de fabrication mécanique utilise régulièrement une ponceuse industrielle sur ses projets. Malheureusement, le pignon de cette ponceuse s’est cassé. La nécessité de disposer d’un pignon de remplacement immédiat était donc cruciale pour éviter une interruption de leur production.

Dans ce cas, nous nous sommes dirigés vers du PETG renforcé de fibres de carbone pour imprimer les pignons en 3D :

– Bonne résistance à l’usure et à la fatigue
– Bonne stabilité dimensionnelle
– Résiste jusqu’à 80°C

Cela a permis de fabriquer des pignons de remplacement de manière rapide et efficace, offrant ainsi une solution de maintenance fonctionnelle.

Pour l’entreprise, l’impression des pignons a non seulement permis de maintenir la production de l’usine sans interruption, mais elle a aussi démontré l’efficacité de cette technologie pour résoudre des problèmes de maintenance imprévus dans des délais très courts.

« Sur un total de 50 cuves, 23 bouchons étaient déjà endommagés après cette période »

Voici un second exemple de pièce de maintenance avec notre PETG CF :

À gauche le bouchon de réservoir endommagé, à droite sa version imprimée en 3D

À gauche le bouchon de réservoir endommagé, à droite sa version imprimée en 3D (crédits de toutes les photos : Nanovia)

Une entreprise agro-industrielle située en Bretagne dispose de plusieurs cuves contenant des solutions chimiques. Elle a constaté qu’en moyenne, les bouchons de ces réservoirs présentaient des fissures au bout de cinq ans d’utilisation, les rendant inopérants. Sur un total de 50 cuves, 23 bouchons étaient déjà endommagés après cette période.

Le remplacement par des pièces neuves auprès du fournisseur d’origine n’était pas une solution durable : les bouchons auraient présenté les mêmes faiblesses 5 ans plus tard face aux agressions chimiques.

Face à ce constat, l’entreprise a fait appel à notre service afin de repenser et produire une pièce plus performante, à la fois résistante aux produits chimiques contenus dans les réservoirs, mais aussi aux contraintes extérieures (rayonnement UV, températures élevées jusqu’à 60°C, intempéries…).

En seulement une journée, un nouveau modèle de bouchon a été conçu puis imprimé en prototype. Le matériau retenu : du PETG renforcé en fibres de carbone. Ce matériau d’impression 3D de qualité industrielle offre une bonne résistance thermique (jusqu’à 80°C), ainsi qu’une haute résistance aux agents chimiques (huiles, acides, bases, graisses). L’ajout de fibres de carbone améliore non seulement la stabilité face aux UV, mais confère également une solidité mécanique accrue, réduisant fortement le risque de fissuration à long terme.

Grâce à notre service d’impression, 50 bouchons ont été fabriqués en seulement 24h. Ce projet a permis à l’entreprise de maintenir l’exploitation de ses réservoirs sans interruption, tout en illustrant le potentiel de la fabrication additive pour répondre rapidement à des enjeux de maintenance.

Cette intervention souligne l’intérêt stratégique de l’impression 3D dans la gestion des pièces de rechange en environnement agro-industriel. Elle permet de contourner les limitations des fournisseurs traditionnels et de gagner en autonomie, réactivité et durabilité.

« Nous sommes capables d’imprimer l’intégralité de notre catalogue, de la petite dimension au mètre cube »

Pour finir, comment faire si je suis intéressé par vos matériaux mais que je ne dispose pas d’imprimantes 3D, où que je souhaite juste imprimer des échantillons-tests ?

Nous avons récemment intégré un parc d’imprimante 3D nous permettant de réaliser des pièces, du prototype unitaire à la série de plusieurs milliers de pièces. Nos clients apprécient la réactivité de ce nouveau service.

Les bobines étant fabriquées à quelques mètres de l’atelier impression, tout risque et délai lié au transport est éliminé. Pour des projets techniques et confidentiels, cela permet également à nos clients de limiter les intermédiaires (fabriquant de matière, imprimeur, transporteur, etc.), tout est produit sur le même site.

Alexandre Moussion