L’étrange pouvoir de Norman est le deuxième film d’animation à avoir expérimenté l’impression 3D. Produit par les Studios américains Laika, ces derniers avaient déjà utilisé en 2009 une imprimante 3D pour la réalisation de Coraline, un autre film d’animation en volume. Laika est une compagnie spécialisée dans le Stop Motion : terme anglais que l’on pourrait traduire par « mouvement en arrêt » qui consiste à animer et créer du mouvement à partir d’objets immobiles.
A l’époque de Coraline ils étaient les premiers à inaugurer l’impression 3D, un procédé qui leur a permis de produire en masse des milliers de visages pour leurs figurines. Mais à l’époque l’imprimante 3D était encore limitée sur certains points, notamment sur le fait qu’aucun modèle n’imprimait en couleur. De ce fait et comme les visages des poupées devaient être peints à la main, il pouvait y a voir des variations de teintes d’un visage à l’autre.
Une imprimante 3D couleur pour L’étrange pouvoir de Norman
Un an plus tard la technologie s’est améliorée. Pour la réalisation de leur nouveau film d’animation « L’étrange pouvoir de Norman », les studios Laika décident d’investirent dans une imprimante 3D couleur, celle du célèbre fabricant 3D Systems : le modèle ZPrinter 650. Un investissement de 110 000 $ (le prix à beaucoup baissé depuis : 50 000 € aujourd’hui) dans une technologie traditionnellement utilisée par les fabricants pour imprimer des prototypes et des pièces industrielles. Cette imprimante fonctionne selon la technique du 3DP. Celle-ci consiste à déposer de fines couches de poudre (dans ce cas précis il s’agit de poudre de polymère), qui va être ensuite durcie en certains endroits par le dépôt de gouttes de glue pouvant si besoin être colorées. Il suffit ensuite de retirer l’excédent de poudre en brossant à la manière d’un archéologue ou en aspirant pour obtenir l’objet final. Dans ce cas précis, la pièce est ensuite replongée dans un bain de colle afin de la durcir encore un peu plus et de dynamiser les couleurs. La ZPrinter 650 contrairement à ses concurrentes qui impriment seulement en monochromie permet d’imprimer simultanément en plusieurs couleurs. De plus elle est beaucoup plus rapide que ses consoeurs (5 à 10 x) et possède une des résolutions les plus élevées du marché.
Le Stop Motion se simplifie et se modernise
Une technologie qui simplifie donc le Stop Motion et certains aspects de son processus. Laika a su mélanger ses méthodes de la vieille école avec un procédé plus moderne qu’est celui du prototypage 3D. Cela lui a permis d’avoir un rendu de meilleure qualité pour ses figurines et de réduire ses coûts de fabrication en éliminant certaines étapes longues et fastidieuses.
Parmi ces étapes de fabrication, la première pour les techniciens de Laika est de dessiner le croquis du personnage sur papier. A partir de ce dessin, des figurines sont ensuite sculptées dans de l’argile afin d’établir un moule dans lequel une armature articulée en métal va être placée pour actionner la marionnette. Les visages sont ensuite dessinés en 3D sur ordinateur, puis tous les mouvements faciaux et de prononciation y seront ensuite modélisés grâce à un logiciel appelé MAYA. Il s’agit d’un logiciel d’animation en 3D très utilisé par les professionnels du cinéma, celui-ci permet beaucoup de choses : animer les personnages, les habiller, créez des cheveux et des dynamiques à base de courbes, reproduire des mouvements de caméras et tout un tas d’autres effets visuels permettant de donner vie à l’image.
La 3D permet d’avoir un raccord parfait entre les différents visages et permet d’obtenir des transitions d’expressions très subtiles pour les personnages. Une chose totalement impossible avec la méthode classique de sculpture… Lorsque tout ce processus d’animation est fini, les modélisations en question sont transmises à l’imprimante 3D qui va les imprimer.
A partir de là c’est le processus de fabrication des têtes qui change…. En Stop Motion il existe deux types de têtes pour les marionnettes. Le premier est mécanique, semblable à un engrenage d’horloge, elle contrôle les mouvements du visage. La tête de Norman est composée de 78 pièces différentes y compris l’œil et les paupières qui fonctionnent mécaniquement. La deuxième est appelée remplacement. Ces têtes ont des visages retenus par des aimants, de sorte qu’ils peuvent être enlevés et remplacés pour créer une plus grande variété d’expressions.
Ces visages de remplacement sont habituellement fabriqués selon la méthode traditionnelle c’est-à-dire en argile, mais celle-ci présente des inconvénients. C’est une fabrication longue et coûteuse et les expressions que l’on veut attribuer à un visage sont limitées. Il est possible d’attribuer des expressions claires à un personnage comme la tristesse ou la joie, mais lorsqu’il s’agit d’émotion plus subtiles comme par exemple la déception ou la nostalgie, cela est bien plus compliqué.
« L’imprimante 3D était le chaînon manquant entre les ordinateurs et le Stop-Motion »
Mais l’impression 3d a changé tout ça, l’imprimante ZPrinter 650 a permis à Laika de produire en masse, avec une meilleur finition tout une multitude d’expressions faciales. Ainsi pour Le Pouvoir de Norman, plus de 8000 expressions différentes ont pu être obtenues avec une grande subtilité séparant chacune d’entres elles. Selon les calculs de Laika, il serait possible avec cette méthode de reproduire plus de 1,5 millions d’expressions différentes. L’imprimante 3D a permis de créer des milliers de détails aux personnages comme des tâches de rousseur, ce qui aurait été beaucoup plus fastidieux s’il avait fallu les peindre à la main.
Une fois terminé, les visages sont envoyés à une sorte de bibliothèque pour être catalogués parmi les quelques 30 000 visages dans des contenants Tupperware où un technicien va les classer. Les pièces consacrées aux dialogues et aux expressions (sourire, froncement de sourcils…) sont par exemple regroupées dans des catégories afin que le réalisateur n’ait plus qu’a consulter la bibliothèque pour retrouver l’expression correspondante. Les visages sont segmentés en deux morceaux (visage du haut et du bas) afin de permettre un très grand nombre de combinaisons d’expressions possibles.
Ainsi l’impression 3D a permis aux Studios Laika d’innover et de moderniser le Stop Motion. Grâce à la technologie ZPrinter de 3D Systems des centaines d’expressions de visages ont pu être imprimées rapidement et avec précision pour chacun des 62 personnages du film. Pour L’étrange pouvoir de Norman, pas moins de 3,77 tonnes de poudre et quatre imprimantes 3D ont été nécessaires pour un total de 572 jours de travail. (Il faut 24 images pour obtenir 1 seconde de film, environ 4 s sont tournées par jour)
Brian McLean (responsable création) : « Pour une si belle histoire, il fallait offrir à nos personnages une grande palette d’émotion et d’expressions faciales, nous devions par conséquent essayer quelque chose de nouveau. En utilisant une imprimante 3D couleur nous étions non seulement en mesure de pousser nos performances à un autre niveau, mais nous avons été aussi en mesure d’atteindre un niveau de détail et de subtilité dans les traits de visages, ce qui semblait impossible il y a quelques années. L’impression 3D combinée avec l’énorme somme de travail et le dévouement de nos artistes et techniciens a créé quelque chose de vraiment unique et magnifique. L’imprimante 3D était le chaînon manquant entre les ordinateurs et Stop-Motion. »
- Le prix de la ZPrinter 650 de 3D Systems avoisine les 50 000 €.
Les studios Laika récidivent avec The Boxtrolls
Pour la 3ème fois, la compagnie a employé l’impression 3D pour la production de The Boxtrolls pour fabriquer les visages des figurines.