Nous sommes en 2023 et le virage pris par l’impression 3D dans le domaine spatial ne se dément pas. À un point tel que plus aucun des nouveaux moteurs de fusée ne se fait aujourd’hui sans l’aide de cette technologie. Le point d’orgue cette année étant sans nul doute le décollage réussi de Terran 1, la fusée presque entièrement imprimée en 3D de Relativity Space. Respectivement basés à Reims et au Luxembourg, Latitude et Saturne Technology font eux aussi partie des acteurs importants de cette révolution.
Dans la région écossaise de Saxavord, située au nord des îles Shetland et désignée comme la future base de lancement européenne, ce dernier a récemment franchi une nouvelle étape en obtenant la certification de ses moteurs en métal imprimés en 3D. Un feu vert qui concerne également son partenaire Latitude, une entreprise française qui développe Zéphyr, un petit lanceur qui embarquera 10 de ses moteurs.
Fraîchement implantée à Reims, la pépite tricolore qui s’est faite connaître sous le nom de Venture Orbital Systems en 2019, ambitionne de conquérir le secteur des micro-lanceurs spatiaux pour nanosatellites. L’autre particularité du français, réside dans son offre de service de lancement sur mesure, à la fois flexible et rapide. Le délai entre la réservation et le tir, pour des orbites classiques ou spécifiques situées à environ 700 km de la Terre, ne serait que de six mois seulement.
En utilisant une petite fusée de 17 mètres, et dont la capacité d’emport varie de 70 à 150 kilos (entre 500 et 700 kilos d’altitude), la société s’adapte aussi plus facilement aux besoins de ses clients. De plus, la jeune pousse s’engage à proposer des tarifs plus avantageux que ses concurrents, fixant le prix à 35 000 dollars par kilo, contre 70 000 à 80 000 dollars pour ses concurrents.
En plus d’être réutilisables et ré-allumables, les 10 moteurs Navier qui propulseront ce nano lanceur – 9 sur le premier étage et 1 spécialement adapté à la propulsion dans le vide spatial sur le second – présentent donc la particularité d’être fabriqués selon un procédé d’impression 3D métal par l’entreprise luxembourgeoise Saturne Technology.
« le coût diminue quant à lui, puisqu’il nécessite à la réalisation des produits finaux une quantité bien moindre de matière et d’énergie »
Cette nouvelle mise à feu réussie sonnent en tout cas comme un soulagement et une récompense pour les équipes de Latitude qui ont consacré deux ans de travail intense à la conception et au développement de ce moteur novateur. Grâce à l’impression 3D, elles ont pu contourner les limites inhérentes aux moteurs conventionnels qui sont généralement composés de centaines de pièces assemblées et soudées. La liberté de conception offerte par l’impression 3D permet de fabriquer celui-ci d’un seul tenant en accélérant le processus de fabrication et en supprimant les points de faiblesses. Le moteur Navier de Latitude, quant à lui, se compose uniquement de trois pièces principales : l’injecteur, la chambre de combustion et le col du moteur associé à la tuyère qui accélère le flux.
L’un des secrets de Saturne Technology pour matérialiser ses moteurs, réside dans l’utilisation d’une imprimante 3D à fusion laser sur lit de poudre (système SLM 500), qu’il combine à un alliage d’Inconel 718. En plus de permettre un fonctionnement du moteur à des températures bien supérieures à 700°C, ce métal apporte une grande résistance à l’oxydation et la corrosion.
L’autre intérêt de l’impression 3D pour l’Attitude est de pouvoir créer des pièces à la fois plus légères et plus solides grâce à l’optimisation topologique. Elle permet en outre de raccourcir drastiquement les délais de production, tout en augmentant la qualité par rapport à une fabrication industrielle traditionnelle.
« Le coût diminue quant à lui, puisqu’il nécessite à la réalisation des produits finaux une quantité bien moindre de matière et d’énergie. Pour ces mêmes raisons, l’empreinte carbone se voit également réduite : un enjeu de taille, en particulier dans ce secteur. » ajoute Walter Grzymlas, fondateur et CEO de Saturne Technology. « Avec la technologie d’impression 3D, c’est une véritable révolution industrielle qui est en marche. Solution dorénavant pleinement validée et éprouvée dans de nombreux secteurs, elle apporte une réponse adaptée aux défis présents, et futurs ».
Après une première mise à feu réussie en janvier 2023, une nouvelle étape clé vient donc d’être franchie par les deux partenaires avec de nouveaux tests concluants, cette fois-ci en poussant les moteurs au maximum de leur capacité. Forts de ce nouveau succès, les deux partenaires entendent tester, dès la fin de cette année, la version de vol. Ils misent sur un lancement effectif de Zéphyr fin 2024, avant de passer en phase pleinement opérationnelle avec jusqu’à une cinquantaine de lancements par an en 2030.