Les nombreuses actions menées actuellement pour répondre à la pénurie de matériel médical liée à la crise du Covid-19, ne portent pas uniquement sur les accessoires de protection. Répondant à un appel du gouvernement français, plusieurs consortiums et collectifs se sont mobilisés dans le but de produire rapidement des appareils de réanimation. À Nantes, un collectif de plus de 250 bénévoles appelé Makers For Life, a réussi la prouesse de concevoir en quelques semaines un respirateur artificiel d’urgence. Pour en savoir plus sur ce projet et comprendre dans quelle mesure l’impression 3D est intervenue dans la fabrication de cet appareil à bas coût open source, Primante 3D a interrogé l’un de ses protagonistes, HP France.
« c’est toute une chaîne de production et de distribution qui s’est mise en action pour pallier les tensions d’approvisionnement »
Nicolas Aubert bonjour, pourriez-vous nous présenter le projet Mak’Air ? Qui sont ses protagonistes ?
Le projet a été porté à la fois par le collectif MakersforLife, le CHU de Nantes, le CEA et la région Auvergne-Rhône Alpes, avec le concours de différents industriels tels que Renault et HP. Grâce au CEA et au centre d’innovation Y.Spot, cette mobilisation a été incroyablement efficace puisque le respirateur artificiel MakAir a été réalisé en cinq semaines. C’est un respirateur d’appoint conçu pour répondre aux besoins des patients affectés par le Covid-19 et qui doivent être placés en réanimation.
Ce respirateur peut également être utilisé lors des transferts entre hôpitaux par exemple. 27 composants critiques de ce respirateur sont imprimés grâce à la technologie HP Multi Jet Fusion et vont pouvoir ainsi être produites en série, très rapidement. Les essais cliniques sont en cours. Le CEA a joué un rôle clé dans ce projet puisqu’il a rassemblé et coordonné les expertises des industriels (Renault, Legrand, STMicroelectronics, Seb, etc.). Les infrastructures du Y.Spot ont été mises à disposition très tôt, au début du projet et c’est toute une chaîne de production et de distribution qui s’est mise en action pour pallier les tensions d’approvisionnement sur ce type de matériel médical.
Comment HP s’est-il joint au projet ?
HP est partenaire du CEA sur l’impression 3D depuis 2017. HP est également partenaire du centre d’innovation collaborative Y.Spot, inauguré en janvier dernier aux côtés d’autres industriels. La vocation de ce centre est d’accompagner les entreprises françaises dans l’adoption de l’impression 3D, depuis les besoins de prototypage, jusqu’à la production industrielle. La Multi Jet Fusion 5200 est d’ailleurs optimisée pour la production en volume.
Eu égard à l’urgence de ce projet, il était impératif d’utiliser une technologie performante et éprouvée, rapide, précise, capable de garantir une répétabilité et des propriétés mécaniques de qualité industrielle. La technologie HP est la seule capable de produire des pièces finales. C’est naturellement que HP a apporté sa contribution au travers de son expertise et de ses imprimantes installées au Y.Spot. Nous avions déjà pris part à d’autres projets solidaires tels que « Les Visières de l’Espoir » et plusieurs autres dans le monde, notamment aux Etats-Unis ou en Espagne. L’impression 3D est extrêmement flexible, agile et rapide. En situation d’urgence, ce sont des atouts considérables.
« Le principal défi était de répondre à l’urgence de la situation sans faire de compromis sur la qualité des pièces »
Quels sont les défis et les contraintes qui accompagnent la fabrication d’un tel dispositif médical ?
Ils sont nombreux et c’est pour cette raison que nous avons besoin de toutes les forces vives. Le principal défi était de répondre à l’urgence de la situation sans faire de compromis sur la qualité des pièces. Le CEA a permis de faire converger ses expertises. C’est une belle illustration du dynamisme de l’écosystème public-privé français et surtout de la solidarité de professionnels, comme de particuliers.
Que pouvez-nous dire sur les matériaux utilisés et les bénéfices de l’impression 3D dans ce projet
Il s’agit de PA12 (polymères). Le premier bénéfice est la rapidité du processus. Nous avons été capables de faire des itérations journalières de prototypes, de les tester extrêmement rapidement et d’ajuster quasiment en temps réel pour arriver à un respirateur dans un temps record. Le second atout réside dans la capacité de produire en masse, sans compromis sur la qualité, et conformément aux certifications sanitaires. Enfin, la production « à proximité des besoins » est selon moi le troisième gros avantage de l’impression 3D.
« Le prix du respirateur MakAir sera de 1 000 € environ »
Que pouvez-vous nous dire sur les objectifs de production et le prix final du respirateur ? Quand les tests cliniques pourront-ils démarrer ?
Afin d’entrer en phase de production, les essais cliniques sont en cours sous la responsabilité du CHU de Nantes, selon un protocole de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). En attendant, tout se prépare pour lancer la production à grande échelle. Déjà produit à 50 exemplaires, le respirateur est prêt à être fabriqué en grande quantité par les industriels partenaires du projet, qui auront une capacité de plusieurs centaines d’unités par jour. Les objectifs de production sont de l’ordre de dizaines de milliers. Le prix du respirateur MakAir sera de 1 000 € environ.
Quels autres dispositifs médicaux liés au Covid-19 ont également mobilisé HP ?
HP a apporté son concours à plusieurs initiatives partout dans le monde. Cela concerne la production de pièces critiques et non-critiques tels que des masques, des ajusteurs de masques, des visières de protection en plexiglass, des poignées de portes « mains libres », ainsi que des valves pour respirateurs, et ce respirateur MakAir. HP assure également la coordination avec les organismes gouvernementaux, sanitaires et industriels de nombreux pays afin de garantir une approche synchronisée et efficace.
HP et ses partenaires mettent gratuitement à disposition sur un site les fichiers de conception validés pour de nombreuses pièces qui ne nécessitent pas d’assemblage complexe. Les concepteurs 3D et les makers qui souhaitent se joindre à la lutte contre la pandémie peuvent également y proposer de nouvelles applications.
« La 3D a permis de gérer l’urgence de la situation et de prendre le relais le temps que les moyens de production traditionnels soient opérationnels »
La crise économique engendrée par le Covid-19 a remis en exergue notre dépendance à la Chine et la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement. Dans quelle mesure l’impression 3D pourrait-elle selon vous jouer un rôle dans les prochaines années ?
Cette crise a permis de prendre conscience de deux choses : les sources de production uniques et le fait qu’elles soient délocalisées, qui engendrent les problèmes d’approvisionnement que vous évoquez. Dans ce contexte de crise, l’impression 3D a plusieurs atouts. Sa réactivité : elle permet de mettre au point très rapidement à partir d’un fichier CAO des modèles de substitution. Il suffit en effet de prendre le design d’une pièce en injection plastique et de le réadapter. Vous réalisez ainsi des premiers prototypes avec des itérations très rapidement.
Le second atout est sa proximité « avec le lieu où se trouve le besoin ». Notre excellent maillage de production chez HP nous permet d’éviter les temps de transports. Enfin, notre technologie HP Multi Jet Fusion permet une production à grande échelle, et surtout, elle dispose d’un procédé industriel certifié. Nous avons produit 150 000 pièces dans le monde en impression 3D pour les besoins du secteur médical dont 12500 visières imprimées en France (soit 15% de la production) dans le cadre du projet « Les visières de l’espoir ». La 3D a permis de gérer l’urgence de la situation et de prendre le relais le temps que les moyens de production traditionnels soient opérationnels. Les deux procédés complémentaires. L’impression 3D permet de réaliser une production à la demande, de localiser ou de relocaliser, et enfin de personnaliser.