Si la séparation entre des jumeaux peut se révéler parfois très difficile du fait de leur comportement souvent fusionnel, elle devient une nécessité vitale lorsqu’il s’agit de siamois. En effet, le taux de survie des enfants siamois ne dépasse pas les 20% dans les meilleurs cas, sachant que 40 à 60% d’entre eux naissent morts nés. Cette malformation plutôt rare qui ne concerne qu’une grossesse sur 100 000, résulte d’une anomalie de la grossesse gémellaire monozygote. Ce terme signifie que les jumeaux sont issus d’un seul et même œuf qui s’est séparé en deux. Dans le cas des siamois la séparation de l’œuf est incomplète, les fœtus vont donc se développer en étant accolés l’un à l’autre par certaines parties du corps. Pour une raison que l’on ignore encore, les filles représentent plus de 90% des cas.
A l’image de cette statistique, le 11 avril 2014, deux américaines du nom de Knatalye et Adeline sont nées avec cette malformation. Ces deux texanes âgés de 10 mois reliées par la poitrine et l’abdomen, ont du subir 26 heures d’opération pour être séparées. Si par chance les fillettes avaient chacun leur propre cœur, plusieurs de leurs organes vitaux tels que les poumons, les intestins et le colon étaient néanmoins communs ou très liés. C’est donc une procédure très délicate qui attendait l’équipe médicale du Texas Children’s Hospital en charge cette opération marathon.
« Avoir un modèle imprimé en 3D vous donne un aperçu de ce que vous allez rencontrer »
Etant donné l’importante préparation nécessaire en amont de l’opération, une réplique de la cage thoracique comprenant les poumons, l’estomac et les reins a donc été imprimée en 3D. Réalisé à partir d’une tomodensitométrie thoracique, le modèle 3D a beaucoup aidé les chirurgiens qui ont pu ainsi s’entrainer et intervenir ainsi plus rapidement le jour J avec des gestes opératoires plus précis.
D’après l’hôpital que j’ai pu contacter, la pièce a été imprimée sur une Objet500 Connex de Stratasys, une imprimante 3D multimatériaux fonctionnant selon la technologie Polyjet, procédé basé sur la photopolymérisation. L’impression a été réalisée par le Dr Jayanthi Parthasarathy dans le laboratoire Medscan de Dallas. Les os et le support ont été imprimés sur du Veroclear, une résine de plastique dure et transparente; et les organes comme le foie imprimés séparément sur du Tango,un matériau de type caoutchouc. L’ensemble du processus de fabrication a pris 6 jours soit trois pour la phase de modélisation et trois pour l’impression. Le foie a été conçu de manière à pouvoir être fixé et retiré de l’ensemble.
« Ce type de la préparation chirurgicale devient très important lorsque vous décidez d’intervenir sur des organes communs», a expliqué le Dr Rajesh Krishnamurthy, chef de la radiologie et de l’imagerie cardiaque de l’hôpital. «Avoir un modèle imprimé en 3D vous donne un aperçu de ce que vous allez rencontrer. Le modèle va très loin dans le niveau de détail. »
« Nous avons travaillé avec nos experts en radiologie pour construire un modèle 3D de leurs organes, afin de procéder à des simulations »
Programmée le 17 février dernier, l’opération a mobilisé pas moins de 26 cliniciens dont 12 chirurgiens, six anesthésistes et huit infirmières en chirurgie. L’équipe a travaillé pendant environ 23 heures sur Knatalye et 26 heures sur Adeline. La séparation officielle eu lieu au bout de 18 heures. Hormis une hémorragie du foie, l’opération s’est déroulée avec succès.
« C’est la première fois qu’une opération de séparation pour des jumeaux thoraco-omphalo-ischiopagus avec cette configuration si particulière, est couronnée de succès. » a déclaré le Dr Darrell Cass, chirurgien pédiatrique. « Cette opération n’était pas sans défis, les filles partageant plusieurs d’organes. Notre équipe se prépare depuis des mois. Nous avons travaillé avec nos experts en radiologie pour construire un modèle 3D de leurs organes, afin de procéder à des simulations« .
Knatalye et Adeline sont actuellement en soin intensif pour deux mois environs, leur date de sortie reste pour le moment indéterminée. Ci-dessous les moments forts de cette opération marathon.