
Gicleur à chaudière d’un navire méthanier imprimé en 316 L (crédits photo : Desktop Metal)
Longtemps associée à des équipements coûteux et encombrants basés sur l’utilisation de lasers et de poudres, la fabrication additive métallique connaît un renouveau depuis quelques années. Plusieurs start-up innovantes dont le fabricant américain Desktop Metal, proposent aujourd’hui des imprimantes 3D à bas coût inspirées du moulage par injection de métal (MIM). Des solutions plus compactes, qui par leur procédé d’extrusion de matières chargées en métal, rendent plus facile et abordable l’impression 3D de métaux. C’est le cas du 316 L, un acier inoxydable dont les très bonnes caractéristiques mécaniques en font un candidat idéal à de nombreuses applications industrielles. Ingénieur d’applications chez KREOS, le distributeur des solutions de Desktop Metal en France, Floris TER BEEST a accepté de nous faire découvrir ce matériau en 10 questions.
« Sa forte concentration en Chrome et en Molybdène en font une matière très résistante à la corrosion, et peut donc être utilisé dans de multiples domaines »

Floris TER BEEST
Bonjour Floris, pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours et nous expliquer en quoi consiste votre rôle d’ingénieur applications ?
Bonjour Alexandre, merci ! J’ai toujours été attiré par la fabrication en général, cela m’a mené à faire un DUT Génie Mécanique et Productique, suivi d’une formation en management et gestion d’entreprise, et d’un bachelor en Marketing et Communication. En parallèle je me suis intéressé à l’impression 3D, en concevant et fabriquant moi-même ma première machine. Par la suite j’ai investi dans de multiples imprimantes pour créer mon entreprise de fabrication de pièces pour la restauration de voitures anciennes, mon autre passion. Après quelques années d’activité j’ai cédé mon activité à deux jeunes lancés dans la même activité, qui sont aujourd’hui experts dans ce domaine.
Cela m’a permis de me concentrer au mieux sur mon poste actuel : Ingénieur Application chez KREOS. Ce poste consiste à accompagner les équipes commerciales dans la réponse au besoin du client. Cela passe par la réalisation de chiffrages, de calculs de ROI, mais aussi d’essais de nouvelles matières pour développer notre panel produit.
C’est un poste qui demande une très bonne connaissance des nombreux moyens de production actuels (usinage, emboutissage, moulage, etc etc), car il faut comprendre le besoin du client, ses contraintes actuelles, ses objectifs et ses connaissances en matière de fabrication additive.
1 . Présentez-nous l’acier 316L, les différentes appellations sous lequel on le retrouve et la composition de ce métal dit austénitique ?
Quand on parle d’acier inoxydable, on parle souvent de 304 ou 316L, qui est d’ailleurs son nom le plus commun. Sa forte concentration en Chrome et en Molybdène en font une matière très résistante à la corrosion, et peut donc être utilisé dans de multiples domaines, d’où son appellation commune. Il n’est pas ou peu magnétique, et sa faible teneur en carbone en fait un matériau utilisable dès la sortie du procédé de frittage, inutile de le tremper.

À gauche la Studio System 2, à droite son four de frittage dédié (crédits photo : Desktop Metal)
2 . Quelles sont les qualités de ce matériau et ses applications dans l’industrie classique ?
Je mettrais d’abord en avant sa résistance à la corrosion qui est, je dirais, son atout principal. C’est un matériau très polyvalent et je suis certain que tous les lecteurs en ont déjà entendu parler car il est présent dans tous les domaines de l’industrie : beaucoup dans l’industrie chimique et alimentaire, mais aussi médicale et mécanique. Pas étonnant que ce soit toujours une des premières matières utilisées en impression 3D métal lorsqu’un nouveau procédé arrive sur le marché !
3 . À ce jour quels sont les procédés de fabrication additive compatibles avec le 316 L et sous quelles formes est-il employé ?
A ma connaissance, tous les procédés de fabrication additive métallique sont capables de mettre en œuvre le 316L. Les machines type FDM comme la Studio System 2 de Desktop Métal, les machines de frittage SLM, et même les machines de binder jetting comme ExOne et Shop System.
« 70 à 80% du coût d’une pièce est composée uniquement de la matière première, car on n’a pas besoin d’outillages, pas besoin de programmation… »
4 . En quoi est-il plus avantageux d’imprimer du filament 316 L que de faire appel à des techniques conventionnelles ?
Le sujet est vaste, il représente souvent les défis que nous rencontrons avec nos clients. Souvent les cas les plus pertinents sont ceux où l’on fabrique une pièce sur mesure, ou vraiment une petite série de pièces complexes, qui sont difficilement réalisables en méthodes de fabrication « traditionnelles ». En effet, en impression 3D, le coût d’une pièce est peu impacté par sa complexité, car on passe directement du fichier CAO (du design) au produit imprimé !
De plus, 70 à 80% du coût d’une pièce est composée uniquement de la matière première, car on n’a pas besoin d’outillages, pas besoin de programmation, et on a donc moins besoin de main d’œuvre. Je rajouterais une chose primordiale à retenir : aucune technologie n’est vraiment beaucoup mieux qu’une autre, et aucune technologie ne peut remplacer toutes les anciennes. Chaque nouveau procédé est toujours complémentaire de ceux qui existent déjà.
5 . À l’instar d’autres métaux, les pièces imprimées en 316 L avec la Studio System 2 nécessitent des opérations de post-traitement. Pourriez-vous nous en expliquer les étapes et l’équipement nécessaire ? Combien la pièce verte doit-elle perdre de masse pour pouvoir passer à l’étape suivante ?
Pour clarifier, lorsqu’on imprime du 316L sur Studio System, on doit ensuite délianter et fritter la pièce. Ces deux étapes obligatoires consistent à retirer le liant polymère utilisé pour l’impression, pour ensuite fritter le métal restant dans un four. Puisque l’on retire 100% du liant, la pièce rétrécit de l’ordre de 15 à 20%, selon sa masse et sa géométrie. Ce rétrécissement est entièrement maîtrisé par le logiciel Fabricate de Desktop Metal. Vous n’avez donc pas à vous en préoccuper.
Le déliantage peut être chimique et/ou thermique : il est donc nécessaire d’avoir les équipements adéquats. Le déliantage chimique peut être dangereux s’il n’est pas fait dans un environnement contrôlé, et la seule machine proposant cela de manière sécurisée est la délianteuse de Desktop Metal. D’ailleurs, Desktop Metal est maintenant le seul fabricant à proposer un processus en deux étapes avec le déliantage thermique dans le four de frittage. Un vrai plus pour la sécurité et pour la simplicité d’utilisation.
Le frittage quant à lui est complexe à maîtriser, le four doit fonctionner sous vide d’air, et permettre l’ajout d’un gaz neutre. Il doit aussi être capable de récupérer les vapeurs de liant et de les stocker dans un réservoir jetable. Ensuite, il y a le procédé de frittage lui-même à maitriser : le déliantage thermique, le frittage, le bon maintien aux bonnes températures, et aussi un refroidissement contrôlé. Comme vous pouvez le voir, les tenants et aboutissants sont nombreux !
« on doit avoir une pièce 100% métallique, qui soit conforme niveau dimensionnel et qui répond aux caractéristiques mécaniques demandées »
6 . Quels sont les équipements et fonctionnalités qui distinguent une imprimante 3D telle que la Studio System 2 de Desktop Metal, des autres systèmes FDM classiques, pour imprimer du 316 L et d’autres métaux ?
Faisant suite à ce qu’on a dit précédemment, la fabrication additive métallique indirecte est un procédé difficile à maîtriser si l’on part de 0. On imprime un mélange de polymères et d’acier, vous devez vous imaginer qu’à la fin, on doit avoir une pièce 100% métallique, qui soit conforme niveau dimensionnel et qui répond aux caractéristiques mécaniques demandées. Il y a donc beaucoup de choses qui rentrent en compte : la maîtrise de l’impression, certes, la maîtrise du déliantage (suppression du polymère), et au-dessus de tout : le frittage dans un four adéquate.
C’est la maîtrise de toute cette chaîne qui est importante à mes yeux, et c’est la proposition de valeur que fait Desktop Metal. Le fait que tout le procédé et tous les équipements aient été développés en interne, y compris le four de frittage, est clef dans la réussite de l’impression de pièces conformes.

Bâtonnet de 316 L (crédits photo : Desktop Metal)
7 . Dites-nous en plus sur les précautions à prendre, notamment en termes de paramétrages, lorsqu’on imprime avec ce métal.
Avec Studio System, nous utilisons des bâtonnets de matière, et non du filament, ce qui nous offre dès le départ du procédé plus de choix dans la composition de la matière (densité métallique, liants polymères utilisés, etc). Au niveau de l’impression en lui-même, rien de particulier comparé au FDM classique, mais il y a eu un gros travail sur les parcours et la maîtrise du procédé afin d’optimiser la densité de matière déposée. Aussi, avec l’intégration de la céramique en tant qu’anti-adhérant entre la pièce et son support, la gestion double buse est primordiale, et très bien exécutée sur ces machines.
Ce à quoi il faut penser dès l’impression sont les étapes suivantes du process. En effet, durant le frittage au four, avant d’arriver à quasiment 1400 degrés, la matière est peu stable car le polymère a déjà été éliminé. Cela demande donc d’avoir intégré des supports lors de l’impression, car sinon la pièce s’écroulerait.
On peut imprimer n’importe quelle forme, et je dirais même, avec n’importe quelle imprimante, mais au moment du frittage, il faut que la pièce se tienne. Avant d’imprimer et de paramétrer ses supports, il faut donc penser au frittage. Attention aussi au nombre de parois imprimées avant le remplissage intérieur, car si vous devez usiner, percer, tarauder ou souder votre pièce par la suite, vous devez avoir une quantité de matière suffisante !
8 . Comme d’autres métaux, le 316 L s’accompagne également de plusieurs post-traitement de finition. Quels sont-ils ici ?
De façon très simple : les pièces sont en métal, vous pouvez donc appliquer tous les traitements habituels. Les plus communs sont : l’usinage de parties nécessitant une précision supérieure, la tribo-finition pour rendre l’aspect global de la pièce plus uniforme, voir même brillant. On a également l’électro polissage, le sablage, etc
Généralement ces techniques sont utilisées pour améliorer l’état de surface des pièces, ils ne sont pas obligatoires bien sûr. Une pièce brute sortie du four de frittage peut très bien être suffisamment fonctionnelle pour l’application choisie.

Frittage d’une pièce imprimée en 316 L à partir d’une Studio System 2 (crédits photo : Desktop Metal)
9 . Quel est le prix moyen du 316 L ?
Pour la Studio System 2, le 316 L est autour des 100 € le KG, ce qui correspond aux prix appliqués sur d’autres technologies avec ce matériau.
10 . Pour finir, auriez-vous un cas client qui illustrerait les avantages de coût et de délai de l’impression 3D avec ce matériau, comparée aux techniques traditionnelles ?
J’en ai plein, mais aujourd’hui avec Studio System 2, on voit le plus de succès dans la fabrication d’outillages en interne : des supports, des outils spéciaux, des pièces de remplacement, etc. Je vous invite à aller voir les applications présentées sur le site de Desktop Metal afin de vous rendre compte de tout ce qui est possible avec ces technologies.