Longtemps cantonnées à des applications de prototypage, les technologies de fabrication additive n’ont cessé de se développer pour se présenter aujourd’hui comme une véritable option de production. C’est ainsi qu’en 2019, le marché de la fabrication additive a dépassé les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Un seuil symbolique qui illustre le formidable développement et potentiel de croissance de cette technologie. Pour couvrir les nombreux points liés à cette évolution, « Fabrication additive, du prototypage rapide à l’impression 3D », un ouvrage sorti en 2015, a été réédité en 2020 avec l’ajout de 100 nouvelles pages. Co-auteur de cet ouvrage de référence, Alain Bernard a accepté de nous en dire plus sur le contenu de cette 2ème édition.
« la dynamique du domaine de la Fabrication Additive est telle qu’il est apparu indispensable de faire évoluer l’édition de 2015 »
Bonjour Alain, pourriez-vous vous présenter et nous rappeler vos fonctions ?
Je suis actuellement et encore pour quelques mois Professeur des Universités à Centrale Nantes, principalement au sein du Département « Ingénierie des Produits et Systèmes Industriels ». Je suis chercheur au LS2N (Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes, UMR CNRS 6004) dans l’équipe IS3P (Ingénierie des Systèmes : Produits-Processus-Performances). Je passe également beaucoup de temps à mes fonctions de Conseiller Scientifique et Pédagogique au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Je contribue autant que je peux à l’Académie des Technologies où j’ai été élu il y a deux ans et je suis vice-Président de France Additive, qui prolonge l’action de l’AFPR.
Sorti en 2015, votre ouvrage « Fabrication additive, du prototypage rapide à l’impression 3D », co-écrit avec Claude Barlier, a récemment été republié dans une version plus étoffée. Pour ceux qui n’auraient pas encore eu la chance de le lire, pourriez-vous nous redire la genèse de ce projet collectif ?
Il y a quelques années, le constat a été fait qu’il était indispensable d’écrire un nouvel ouvrage après celui publié chez Hermès en 1998 avec Georges TAILLANDIER. L’idée d’un ouvrage collectif a germé au service de l’état de l’art de la fabrication additive et de sa mise en œuvre opérationnelle. Claude BARLIER et moi avons échangé dans cet objectif et nous avons consulté de très nombreux contributeurs qui chacun dans leur spécialité ont accepté de partager leur expertise au sein de cet ouvrage. Mais la dynamique du domaine de la Fabrication Additive est telle qu’il est apparu indispensable de faire évoluer l’édition de 2015, ce qui a donné cette nouvelle édition très largement étendue avec plus de 100 nouvelles pages.
« Cet ouvrage est destiné à tous ceux qui veulent approfondir leurs connaissances dans le domaine de la Fabrication Additive »
À qui destinez-vous ce livre ?
Cet ouvrage est destiné à tous ceux qui veulent approfondir leurs connaissances dans le domaine de la Fabrication Additive, et plus spécialement dans une approche industrielle, avec de nombreuses illustrations d’études de cas mais aussi en décrivant de très nombreux moyens matériels, logiciels, matériaux, disponibles sur les machines de Fabrication Additive industrielles. Donc, nous pensons que cet ouvrage peut apporter des connaissances nouvelles aux étudiants des filières technologiques mais aussi pour les ingénieurs et d’une certaine manière les chercheurs et personnels techniques des laboratoires et des entreprises.
Que contiennent les 100 nouvelles pages qui viennent enrichir cette 2ème édition ?
Ces 100 nouvelles pages sont principalement consacrées à l’extension du chapitre sur les aspects liés à la conception, ceux sur la génération des processus, sur les études de cas, sur d’autres domaines d’application de la fabrication comme les pièces de rechange et la maintenance, et aussi, au-delà des 100 pages, des éléments en ligne sur le site de Dunod concernant les principaux composants de la chaîne de valeur et sur les principaux acteurs du domaine en termes d’offre de produits et services.
Il y a aussi une section sur l’implication des différents acteurs lors de l’arrivée du COVID et des premières fabrications de différents objets dédiés à mieux protéger les personnes en contact potentiel avec le virus. Bref, ce n’était pas du luxe et le plus difficile a été de respecter la cible du nombre maximum de pages !
« D’autres aspects sont également soulignés dans l’ouvrage comme les performances nouvelles des machines, les systèmes de surveillance du processus… »
Parmi les 7 procédés de fabrication additive normalisés répertoriés dans ce livre, lesquels mériteraient le plus selon vous d’être amendées ? L’émergence de nouveaux procédés va forcément amener cette classification à évoluer.
Oui, effectivement, il y a plus de technologies et de machines, au-delà de la classification normalisée actuelle. Des évolutions ont été constatées au niveau d’une plus grande variété de matériaux et de leur mise en œuvre. D’autres aspects sont également soulignés dans l’ouvrage comme les performances nouvelles des machines, les systèmes de surveillance du processus, et bien d’autres choses encore, comme par exemple des nouveautés en termes de contrôle de caractéristiques des pièces en cours et enfin de fabrication dont les principaux résultats sont issus du projet I-AM-SURE.
Dans votre chapitre 10 dédié à la démocratisation de la fabrication additive un long volet est consacré à la mobilisation des différents acteurs de l’impression 3D pendant la pandémie du Covid-19. Si cette crise a mis en lumière les bénéfices de l’impression 3D, elle a aussi souligné le manque de normes et de certifications actuellement disponibles dans ce secteur. Ce coup de projecteur n’est-il pas à double tranchant ?
Personnellement je ne le pense pas. Ce qui a été mis en évidence, ce sont bien sûr des manques mais pas vraiment technologiques. Ce sont plutôt des manques sur les possibilités d’accéder aux ressources et aux compétences au cours de cette période très perturbée. De très nombreuses bonnes volontés se sont réunies et ont montré collectivement qu’il y avait moyen de se mobiliser pour faire face à des besoins qui n’avaient pas vraiment de cahier des charges ni, effectivement, de cadrage complet quant aux règlementations à mobiliser.
Mais dans le même temps, cela a permis d’identifier et de rassembler de manière solidaire de très nombreux acteurs autour d’objectifs louables et civiques. Et enfin, cela a amené ceux qui ont le plus de pratique et d’expertise à partager leur savoir pour faire progresser collectivement le domaine en France. Cela a rapprocher des communautés qui ne travaillaient pas forcément ensemble tous les jours et cela a permis en boucle courte de faire émerger des produits français qui servent aujourd’hui dans les hôpitaux mais plus largement dans les processus liés à la santé et aux services de manière plus générale.
« La France a des acteurs brillants et expérimentés, avec une richesse et une complémentarité de compétences très importantes »
Depuis la première parution de votre ouvrage, l’impression 3D a connu une forte croissance sur le segment des machines professionnelles, mais aussi le métal où le Mim Like a pris une place importante. À quoi doit-on s’attendre pour les 5 prochaines années ?
C’est difficile à prévoir. Bien malin est celui qui aurait une vision claire des futures évolutions en termes technologiques. Ce qui est sûr c’est que les technologies se sont fortement adaptées aux pratiques et aux besoins métiers. On peut effectivement parler des technologies utilisant des matériaux MIM-like mais aussi d’autres technologies ont vu leurs performances accrues, comme le frittage laser ou la projection de matière. Et dans le même temps, on constate le développement de moyen de fabrication d’ébauches métalliques avec des technologies fil, ceci étant concrétisé par des réalisations industrialisées et opérationnelles à l’échelle.
Tout ceci constitue une base solide pour relancer encore et toujours un élan national qui mette en synergie les acteurs du domaine. C’est un des sujets majeurs sur lesquels travaille France Additive actuellement, afin de capitaliser ce qui peut l’être mais aussi de soutenir une filière industrielle qui souffre et qui doit être soutenue dans tous les domaines d’application. Le savoir-faire français est énorme dans le domaine mais d’autres acteurs dans le Monde progressent également et il ne faut pas baisser les bras face à cette concurrence internationale. La France a des acteurs brillants et expérimentés, avec une richesse et une complémentarité de compétences très importantes. Il faut s’appuyer dessus pour inventer les technologies et les pratiques de demain.
« Des nouveautés vont encore sortir sur le marché dans quelques mois et la compétition technologique et économique sera des plus soutenues au niveau mondial »
L’évolution de la fabrication additive étant ce qu’elle est, on imagine aisément la sortie d’une troisième édition dans les quelques années qui arrivent. Quel pourrait en être le contenu ?
Faisons déjà en sorte de diffuser cette deuxième édition. Nous espérons qu’elle éveillera un intérêt certain et que son utilité sera avérée. Ensuite, j’avoue que nous n’en avons pas discuté avec Claude BARLIER. Les enjeux à court terme sont orientés vers la diffusion de l’ouvrage dans d’autres langues que le Français afin de partager encore plus largement le savoir-faire français et que cela serve à la formation des jeunes et des moins jeunes dans de nombreux pays. Il est clair que cet ouvrage n’est pas le seul à exister en particulier en Anglais mais nous pensons que son contenu est suffisamment original pour intéresser plus largement des lecteurs dans de nombreux pays.
S’il devait y avoir une troisième édition, elle serait sans doute encore plus documentée au niveau des différents domaines d’application et des études de cas car finalement, ce qui intéresse le lecteur, c’est ce qu’on ne trouve pas facilement sur internet, rassemblé dans un ouvrage de référence auquel plus d’une quarantaine de contributeurs ont apporter leur expertise. Donc peut-être rendez-vous dans cinq ans ! Mais cela ne dépend pas que de nous ! Nous invitons ceux que ce domaine intéresse à s’abonner aux listes de diffusion afin de suivre l’actualité au quotidien. Des nouveautés vont encore sortir sur le marché dans quelques mois et la compétition technologique et économique sera des plus soutenues au niveau mondial mais aussi au niveau européen où les enjeux sont forts.
N’oublions pas que la France a fait beaucoup d’efforts au niveau de la normalisation et qu’elle anime des groupes au niveau européen et international, comme cela est détaillé dans cette nouvelle édition. Aussi, faisons en sorte que le collectif français mette à profit son expertise de plus de trente années dans le domaine et espérons que cet ouvrage apportera sa modeste contribution pour faire progresser les connaissances dans le domaine.