Les limites connues de la fabrication additive, comme son déficit de rendement ou de matériaux adaptés, s’effacent peu à peu sous l’innovation foisonnante dont cette technologie fait aujourd’hui l’objet. Le marché de l’impression 3D se professionnalise d’année en année, répondant toujours mieux aux attentes et standards de l’industrie.
L’époque où l’impression 3D se trouvait bridée par les contraintes de la gravité est un autre verrou que l’on voit aujourd’hui sauter. Le marché voit émerger de nouvelles solutions hybrides inspirées de techniques plus anciennes comme le moulage, qui permettent de se libérer des contraintes de temps, de coûts et de conception inhérentes aux structures de support.
La dernière solution innovante en la matière nous vient d’un acteur français dénommé COP Chimie. Connue pour ses silicones imprimables en 3D, cette PME qui depuis plus de 30 ans développe des polymères destinés à la réalisation de prothèses externes, a mis au point un substrat ouvrant la voie à un nouveau type de procédé additif : l’impression 3D par suspension. Pour en savoir plus sur cette nouvelle approche permettant de s’affranchir des limites des procédés actuels, PRIMANTE3D a interrogé Géraldine Gagnevin, chimiste et business developer chez COP Chimie.
« Nous apportons la possibilité d’imprimer, sans investissement majeur pour l’utilisateur, des pièces souples aux géométries complexes »
Bonjour Géraldine Gagnevin, pourriez-vous nous en dire plus sur votre rôle au sein de COP Chimie ?
Je suis ingénieure chimiste et business developer chez COP Chimie. J’ai la charge d’identifier les nouvelles opportunités de développement de l’entreprise en lien avec les besoins du marché. Je prends donc contact avec des industriels, des prototypistes, des designers pour en discuter.
Je suis l’intermédiaire entre notre ingénieure et docteure R&D, Camille et nos partenaires sur les différents projets. Nous travaillons en étroite collaboration pour pouvoir répondre au mieux aux cahiers des charges des clients et des prospects en optimisant notre offre de matériaux.
Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, présentez-nous COP Chimie.
COP Chimie est une société familiale de plus de 20 personnes. Nous synthétisons et formulons une large gamme de polymères (silicones, époxy, acryliques, polyuréthanes) principalement pour l’appareillage orthopédique externe. Nous disposons d’une unité de synthèse et d’un laboratoire de recherche et développement sur notre site de production situé dans la Drôme, à Saint-Nazaire-en-Royans.
Nous plaçons l’innovation au cœur de notre esprit d’entreprise avec une activité R&D soutenue. Ces dernières années, notre entreprise s’est ouverte à d’autres marchés en répondant à des demandes entrantes.
Qu’est-ce qui a décidé COP Chimie de s’orienter vers l’impression 3D et tout particulièrement le silicone ?
L’ortho-prothèse est un secteur de fabrication artisanal, multi-matériaux, pour des fabrications en petites séries et idéalement sur mesure. Depuis une dizaine d’années, nous avons observé l’émergence des technologies du numérique, notamment du côté de l’acquisition de données (scan patient) et de la fabrication (fraisage à commande numérique).
Nous avons pris le virage de la fabrication additive, en lançant en 2016 des travaux de thèse pour développer une gamme de silicones contact peau imprimables, pour la fabrication d’appareillages souples adaptés aux besoins des patients et aux nouvelles méthodes de fabrication. Elle comprend plusieurs produits disponibles dans des duretés différentes : 5, 10,25 et 40 ShA.
« Nous étions limités sur certaines géométries du fait de la nature fluide des silicones… »
Vos ambitions ne se sont pas arrêtées à votre gamme de silicones imprimables “COPSIL 3D”. Vous nous dévoilez aujourd’hui une solution d’impression 3D innovante par suspension. Quelle est sa genèse ?
Lors de nos essais en laboratoire, nous avons rencontré des difficultés à imprimer certaines pièces 3D avec la technologie d’extrusion de cordon liquide. Nous étions limités sur certaines géométries du fait de la nature fluide des silicones. En effet, comme dans l’impression de filament fondu, les parties des pièces comportant un surplomb de plus de 45 degrés ou un pont peuvent s’effondrer.
Pour se libérer de cette contrainte, nous avions besoin d’utiliser un matériau support. Nous avons donc décidé de travailler à la formulation de ce nouveau matériau. Ayant déjà réalisé des recherches et un travail important sur des gels, nous avons décidé d’explorer cette voie pour développer un nouveau produit : le COPSIL 3D ADD-GEL.
« Il supprime quasi-intégralement la gravité appliquée au silicone liquide extrudé et limite ainsi son effondrement »
Expliquez-nous son fonctionnement.
Le COPSIL 3D ADD-GEL est un substrat non réactif qui permet de maintenir la structure de la pièce 3D en cours d’impression et de lisser sa surface. Ce produit a été développé spécifiquement pour nos silicones RTV-2 imprimables. Il supprime quasi-intégralement la gravité appliquée au silicone liquide extrudé et limite ainsi son effondrement.
Le gel est très simple d’utilisation, il est utilisé comme un bain et placé dans un contenant. Celui-ci est adapté à la taille du plateau d’impression et placé au centre. Ensuite, une aiguille est fixée à l’embout mélangeur de la tête d’impression liquide bi-composant. Celle-ci va alors plonger dans le gel et imprimer la pièce voulue.
« Ajuster la viscosité idéale du gel en fonction de celle de nos silicones COPSIL 3D a été un défi pour le laboratoire »
Que pouvez-vous nous dire sur la formulation de ce substrat ?
Le gel polymère est formulé sur une base aqueuse, parfaitement immiscible avec le silicone et rinçable à l’évier. Il est sans danger pour l’utilisateur et réutilisable. La formulation du gel a été développée pour ne pas impacter les propriétés de l’élastomère silicone imprimé.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Ajuster la viscosité idéale du gel en fonction de celle de nos silicones COPSIL 3D a été un défi pour le laboratoire. Il fallait suffisamment soutenir le cordon liquide, sans toutefois trop le contraindre, au risque d’affecter son dimensionnement. Nous avons choisi le gel présentant le meilleur compromis.
« Nos différents essais d’impression nous ont permis d’élaborer un guide de conception pour accompagner la prise en main de cette technologie »
Comparée aux procédés d’impression 3D FFF habituels, quelles sont les limites de cette méthode additive par suspension ?
L’utilisation de ce matériau amène de nouvelles difficultés. Tout d’abord, comme tout matériau support, il est nécessaire de produire de la matière supplémentaire pour réaliser des pièces. Le temps de préparation est légèrement plus long étant donné la préparation supplémentaire nécessaire à l’installation des différents éléments.
Aussi, de nouvelles contraintes apparaissent au niveau de l’impression du cordon. L’impression dans le gel peut engendrer des déformations des axes X, Y et Z des pièces qu’il est nécessaire de prendre en considération. Nos différents essais d’impression nous ont permis d’élaborer un guide de conception pour accompagner la prise en main de cette technologie.
Quels sont les autres matériaux et secteurs qui pourraient profiter de votre solution ?
Le COPSIL 3D ADD-GEL a été spécifiquement développé pour le support des COPSIL 3D. Des essais pourront être menés pour établir sa compatibilité avec tout système mono ou bi-composant liquide pouvant réagir à température ambiante en milieu aqueux.
« Notre connaissance dans la formulation des silicones nous permet d’être au plus proche des besoins des utilisateurs »
D’autres acteurs français tels que 3Deus Dynamics et Soliquid tirent parti de procédés d’impression 3D par suspension. Quels sont les atouts de votre solution ?
Nous apportons la possibilité d’imprimer, sans investissement majeur pour l’utilisateur, des pièces souples aux géométries complexes (mousses 3D, soufflets…). L’impression silicone dans un bain de gel ne nécessite pas de post-traitement, et elle améliore même l’aspect final de la pièce en lissant sa surface. Le gel est réutilisable et se jette à l’évier. Sur la base de caractérisations mécaniques au sein de notre laboratoire de contrôle, COP Chimie garantit le maintien des propriétés des élastomères imprimés COPSIL 3D dans l’ADD-GEL.
Nous intervenons en amont du procédé d’impression en fournissant des matériaux adaptés : temps de gel, viscosité, dureté, etc… Notre connaissance dans la formulation des silicones nous permet d’être au plus proche des besoins des utilisateurs. Nous mettons également à disposition notre savoir-faire et connaissance au service de nos partenaires et proposons des contenus pour aider à la prise en main de nos nouvelles solutions.
Forts de cette technologie, quels sont vos ambitions et projets ?
Le COPSIL 3D ADD-GEL est un outil complémentaire au déploiement et à la démocratisation de l’impression 3D silicone que nous visons. Nous poursuivons le développement d’autres outils et matériaux pour rendre l’impression silicone accessible pour tous et pour toutes applications. Nous vous tiendrons bien évidemment informés.