Portés par une dynamique de croissance jamais vue sur ce marché, les acteurs de la fabrication additive métallique poursuivent leurs efforts pour rendre leurs solutions toujours plus attractives et accessibles. Un travail de longue haleine mené de concert par les fabricants de machines, industriels et chimistes, qui vise à répondre aux besoins spécifiques de l’industrie. Faire de la fabrication additive une réponse pertinente et compétitive face aux procédés classiques, passe par le développement de systèmes plus performants et abordables, mais aussi l’élargissement des matériaux disponibles.
C’est dans ce contexte que 3D Systems s’est employé à élaborer un matériau jusqu’alors inaccessible en fusion laser : un alliage à base de cuivre et de nickel. Rappelons que le cuivre est un matériau particulièrement difficile à imprimer selon les procédés à fusion laser sur lit de poudre. La raison est que ce métal réfléchit si bien la lumière qu’il renvoie par la même occasion une grande partie de l’énergie nécessaire à la fusion.
C’est pourquoi des fabricants tels que Digital Metal ou Markforged, qui exploitent des technologies à liage de poudre et dépôt de fil, peuvent proposer des matériaux à base de cuivre pur. D’autres comme Optomec et Ge Additive (Arcam), y parviennent en utilisant un faisceau d’électrons au lieu d’un laser rouge à photons. En procédant ainsi, le cuivre peut absorber 80 % de l’énergie du faisceau d’électrons alors qu’il n’absorbe que 2 % de l’énergie d’un faisceau laser rouge.
On devine que la solution adoptée par 3D Systems pour atténuer la réflectivité du cuivre a été d’associer celui-ci à un autre matériau, en l’occurrence le nickel. Le seul qui à ce jour soit parvenu à développer une poudre de cuivre pur compatible avec la fusion laser est un certain Infinite Flex. Sans que l’on sache trop comment, ce producteur de matériaux intelligents affirmait plus tôt cette année, avoir mis au point une poudre de cuivre pur (à 99,5%) pour l’impression 3D SLM.
Baptisé CuNi30, ce nouveau matériau de 3D Systems se veut particulièrement pertinent, puisque permettant l’impression de pièces anti-corrosion habituellement fabriquées selon des techniques de moulage traditionnelles. Destiné à sa DMP Flex 350, une imprimante 3D métal SLM, ce nouvel alliage dont PRIMANTE3D avait annoncé le développement il y a un an, est en fait le fruit d’une collaboration avec une entreprise américaine de construction navale militaire : la division Newport News Shipbuilding de Huntington Ingalls Industries.
« Nous avons franchi une étape importante dans la mise au point d’un alliage CuNi en collaboration avec 3D Systems », a déclaré Dave Bolcar, vice-président de l’ingénierie et de la conception pour Newport News Shipbuilding, une division de HII. « Plusieurs années de recherche et de développement, en partenariat avec 3D Systems, ont abouti en début d’année à la réalisation d’un Guide de conception fondé sur les performances en matière de corrosion pour l’impression directe dans un alliage à base de nickel. Nous sommes impatients d’étendre les efforts de développement de paramètres que nous avons déployés avec 3D Systems à d’autres alliages présentant un intérêt particulier dans notre secteur. Ces développements nous permettent d’aller encore plus loin dans l’utilisation de la fabrication additive dans nos plates-formes pour apporter des avantages supplémentaires à nos clients en termes de qualité, de calendrier et de performance. »
Corrosion : un ennemi industriel à 8,5 milliards de dollars pour l’US Navy
Comme chacun peut le deviner, les pièces maritimes sont particulièrement exposées aux problèmes de corrosion externe liés au sel et à l’eau de mer. C’est pourquoi les alliages cuivre-nickel sont couramment utilisés dans l’eau salée, le pétrole et les environnements acides. Leur excellente résistance à la corrosion et de leurs propriétés antimicrobiennes et anti-algues, permettent de résister à la croissance des algues même en cas d’exposition prolongée à l’eau.
Le problème auxquels les industriels de ces secteurs étaient jusqu’alors confrontés, est que ce type de pièces ne pouvaient essentiellement être produites que via des méthodes de moulage traditionnelles. Un processus requérant des délais très longs, parfois même supérieurs à 12 mois, et nécessitant dans certains cas plusieurs fournisseurs. En s’affranchissant des contraintes d’outillages, de main d’oeuvre et de transport, la fabrication additive a on le sait cette capacité de réduire drastiquement ce temps de production à quelques semaines ou quelques mois.
Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls avantages. Outre bien sûr la complexité de formes offertes par l’impression 3D et les économies de matière qui vont pouvoir être réalisées, les protagonistes ajoutent que les pièces imprimées avec le qu’avec le CuNi30 bénéficient d’une meilleure densité, ainsi que de meilleures propriétés mécaniques par rapport au moulage traditionnel.
Loin d’être anodin, l’impact de la corrosion sur le coût et la disponibilité des équipements de défense maritimes est absolument exorbitant. Le préjudice est tel que selon 3D Systems, en 2018 celle-ci a coûté à l’US Navy la somme astronomique de 8,5 milliards de dollars. Lorsqu’on se penche sur d’autres secteurs comme l’industrie du pétrole, les montants sont tout aussi impressionnants. À titre d’exemple, Total estime la lutte contre la corrosion entre 4 à 5 % du coût des opérations.
En mettant au point ce nouvel alliage synonymes d’économies substancielles, 3D Systems va sans nul s’attirer l’attention de nombreux secteurs. Le fabricant américain rappelle d’ailleurs que le CuNi30 est souvent utilisé pour fabriquer des raccords de tuyauterie et des vannes dans le secteur naval (notamment dans la construction et la réparation de navires), l’industrie pétrolière et gazière offshore, l’industrie chimique et le nucléaire.
Cet alliage possède par ailleurs des propriétés mécaniques, physiques et thermiques stables (de 400 °C à -270 °C) qui le rend adapté aux applications cryogéniques. Quant à l’impact sur les délais d’éxécution, il est considérable. Newport News Shipbuilding estime que le CuNi30 lui permettrait de réduire ses délais de fabrication jusqu’à 75%. Pour vérifier ses dires, les intéressés devront encore patienter jusqu’au quatrième trimestre 2022.