Pouvoir assurer une production en continu avec un minimum d’interruptions, constitue l’un des défis de l’impression 3D pour s’installer pleinement dans l’industrie. Si cette technologie ne manque pas d’atouts face aux méthodes traditionnelles, ses limites actuelles sont largement attribuables à un déficit d’automatisation, un facteur essentiel pour améliorer la productivité et réduire les coûts. C’est pourquoi les acteurs de ce marché rivalisent d’ingéniosité dans l’optique de réduire les interventions humaines sur les différentes étapes de la chaîne de fabrication. La dernière innovation du genre nous vient de Create It REAL. Basé à Aalborg au Danemark, ce centre de recherche et développement travaille à répondre aux différentes problématiques rencontrées par les fabricants d’imprimantes 3D, parmi lesquelles la vitesse d’impression, le contrôle ou l’automatisation, à travers des solutions logicielles. Dernièrement, l’entreprise a dévoilé un nouveau système particulièrement intéressant permettant l’extraction automatique des impressions. Pour vous la faire découvrir, mais aussi parler plus largement de son actualité, PRIMANTE3D a interrogé son fondateur, Jeremie Pierre Gay, un entrepreneur français résidant au Danemark.
« Nous avons donc cherché une solution simple, sans modifications machines (ou très peu), pouvant exploiter l’impression classique et avec une opportunité de déploiement à large échelle »
Bonjour Jeremie, pour ceux qui découvriraient Create It REAL. Pourrais-tu rappeler la genèse de cette entreprise et ses missions ?
Une des missions de Create it REAL est la mise à disposition de notre équipe logicielle pour la création de compétences uniques par le développement de logiciels sur mesure pour l’impression 3D (slicer). Un slicer sur mesure avec des fonctionnalités uniques permet de contrôler des matériaux exotiques ainsi que des imprimantes 3D spéciales et redéfinir ce qui est possible avec cette technologie. Notre focus est de passer de la création de prototype à celle du produit final pour des applications spécifiques.
Les solutions que vous avez développées ont déjà apporté des avantages significatifs à de nombreux acteurs et utilisateurs de l’impression 3D. Pourrais-tu partager quelques exemples de celles qui ont le plus marqué l’évolution de Create It Real ?
Oui voici quelques exemples:
Le cas ADDMAN :
Nous avons développé un logiciel d’impression 3D du nom d’“ADDCAAM” pour ADDMAN Engineering, où nous imprimons avec des lignes en mode décalé, ce qui améliore considérablement la résistance au cisaillement et la résistance mécanique des pièces imprimées.
Le cas Meltio
Pour Meltio nous avons développé un slicer sur mesure du nom de “Meltio horizon” pour s’adapter au caractères unique de leur imprimante 3D pour l’impression directe de fil métal. Un cas où la machine est unique, les matériaux sont très spéciaux et il faut ré-inventer les briques cœur de la technologie pour contrôler tout cela au mieux. C’est là que l’expertise de Create it REAL à tout son sens car notre équipe d’ingénieurs à développé ces briques de technologie cœur dans notre logiciel depuis 2009 et peux les adapter à souhait afin de supporter de nouvelles applications.
« La production en continue automatique est donc devenue un problème de l’industrie que nous voulions améliorer »
Depuis notre dernière entrevue, de nouveaux développements ont été officialisés par Create It Real, dont dernièrement celui d’une méthode d’impression 3D en continue évitant à l’opérateur d’avoir à retirer les impressions terminées. Raconte-nous comment est née cette idée et son fonctionnement.
Je pense que l’inspiration vient de la crise covid ou notre équipe imprimait des visières de protection. Un des challenges à l’époque était de basculer d’impression de prototypes à la production d’un produit final de qualité, le plus rapidement possible et en quantité importante. Cette philosophie de passer du prototype au produit fini, et cela sur des machines filament, est ensuite devenu une des stratégies clé de notre entreprise. La production en continue automatique est donc devenue un problème de l’industrie que nous voulions améliorer.
Il existait déjà des techniques d’extraction automatiques :
- Impression sur bande roulante
- Impression sur bande roulante à 45 degré (pour lequel nous avons développé un slicer)
- Bras robot pour retirer l’objet en fin d’impression
- Système d’extraction du plateau d’impression
Mais toutes ces techniques ont des désavantages important liés au coût machine très important, complexité des systèmes, qualité et validation de l’impression.
Nous avons donc cherché une solution simple, sans modifications machines (ou très peu), pouvant exploiter l’impression classique et avec une opportunité de déploiement à large échelle. Et c’est là qu’est née l’idée d’une extraction automatique par logiciel.
La solution à donc été développée comme une fonctionnalité logicielle dans notre slicer, un objet 3D nommé “extracteur” est ajouté en contact avec l’objet à imprimer, positionné par rapport au centre de gravité de l’objet, et une routine d’extraction automatique est calculée et ajoutée à la fin du Gcode (fichier d’impression).
Niveau machine la modification minimum est l’ajout d’un crochet sur la tête d’impression (celui-ci peut même être imprimé). Le crochet est positionné plus haut que la buse d’impression et donc ne gêne pas pendant l’impression.
Nous avons également développé un système de file d’attente d’objets et une vérification de l’impression par webcam. La vérification webcam utilise une intelligence artificielle que nous avons entraînée pour détecter un plateau d’impression vide et donc valider que nous pouvons continuer avec l’impression de l’objet suivant.
Nous avons breveté le procédé mais somme très ouvert à toutes collaborations donc nous invitons les acteurs intéressés par ce procédé à nous contacter.
« Nous avons déjà résolu un problème important sur l’alignement des axes machines par une routine intelligente »
À l’instar d’autres approches similaires comme l’utilisation de la force de l’extrudeuse pour pousser les impressions, cela implique plusieurs prérequis, comme l’adhésion du plateau, le matériau et la géométrie de la pièce. Quelles sont les limites de votre solution et les améliorations sur lesquelles vous travaillez ?
Effectivement la routine d’extraction est dépendante de l’imprimante 3D, du matériel utilisé et de l’objet imprimé. Par chance, toute cette information nous est disponible dans le slicer et nous pouvons créer des stratégies d’extractions adaptées à l’application. Une des applications déjà sur le marché est l’impression de semelles orthopédiques.
Une des limitations est le poids de l’objet à extraire. Nous avons déjà résolu un problème important sur l’alignement des axes machines par une routine intelligente ce qui va nous permettre d’extraire désormais des objets beaucoup plus lourds et de supporter d’autres applications.
« nous avons développé une capacité d’impression 3D unique du nom de Voxelfill qui permet l’impression de pièces bien plus résistantes »
Parmi vos autres développements, dernièrement on a également appris votre partenariat avec le fabricant allemand d’imprimantes 3D FFF, AIM3D. Celui-ci porterait, semble t-il, sur un slicer visant à résoudre les problèmes de résistance à la traction et à la flexion en améliorant l’adhésion intercouches. Pourrais-tu nous en dire plus sur cette solution ?
Avec AIM3D en plus de fournir le slicer en marque blanche (le slicer “SlicEx”) nous avons développé une capacité d’impression 3D unique du nom de “Voxelfill” qui permet l’impression de pièces bien plus résistantes que normalement possible. Une cellule vide est imprimée et la tête d’impression se place au-dessus de la cellule est la rempli de plastique liquide. C’est un peu comme une technique de moulage par injection miniaturisée.
L’isotropie des pièces imprimées ouvre un vaste domaine d’applications où l’impression 3D peut maintenant être une solution et remplacer les pièces faites en moulage.
Il y a t’il d’autres partenariats et/ou développement à venir dont tu pourrais nous parler ?
Nous avons développé d’autre capabilités ou briques de technologies que nous utilisons pour créer des solutions sur-mesure :
- Programmable Foam®, une technologie qui permet de contrôler par le slicer la flexibilité ou dureté d’objets imprimés en TPU souple.
- Cloud slicing, une technologie qui nous permet d’automatiser le slicing dans le cloud.
- Secure printing, une technologie qui permet une encryption de toutes les données du slicer à l’imprimante 3D.
- Cloud tracing, une technologie ou les imprimantes 3D sont connectées au cloud pour la collecte de données et la création de business modèles basée sur le paiement à l’impression.
« L’approche par application est vraiment la clé de la réussite car il reste beaucoup de défis technologiques à surmonter »
Plus globalement, en tant qu’expert des questions de vitesse et de qualité d’impression 3D, quel regard portes-tu sur les dernières évolutions de la fabrication additive FFF et les limites qu’il reste encore à combler pour hisser davantage cette technologie au niveau industriel auquel elle prétend ?
Je pense que le timing pour l’impression 3D est enfin le bon, après une période hypée avec trop de promesses autour des capabilités de la technologie, après une période un peu décevante car pas au niveau des promesses faites par l’industrie de l’impression 3D, nous atteignons enfin le plateau de productivité. Nous avons donc atteint ce moment ou application par application nous passons de la conception de prototype à de la vraie production industrielle décentralisée.
L’approche par application est vraiment la clé de la réussite, car il reste beaucoup de défis technologiques à surmonter. Mais lorsque ces défis sont limités à une application spécifique, il est bien plus facile de les résoudre rapidement. Pour Create it REAL cela se réduit généralement au développement d’une ou deux fonctionnalités dans notre slicer pour ouvrir les portes d’une nouvelle application sur le marché.