La fabrication additive est souvent considérée comme une méthode plus verte que les techniques traditionnelles. Il faut dire que ses avantages sont nombreux, comme le fait de n’utiliser que la juste quantité de matière nécessaire, ou de réduire fortement le besoin en transport. S’il faut nuancer cet aspect dans la mesure ou cette industrie consomme du plastique qui n’est pas toujours biodégradable ou recyclable, l’impression 3D offre aussi des pistes intéressantes pour recycler nos déchets. Parmi les entreprises qui ont développé des solutions pour accélérer cette prise de conscience, il y a la marque britannique Finisterre. Spécialisé dans les vêtements et accessoires durables pour les activités extérieures telles que le surf, ce fabricant s’est demandé si tous les accessoires en plastique qui permettent de fermer nos vêtements (boutons, tirettes de fermeture éclair…) ne pourraient pas être fabriqués de manière plus verte grâce à la fabrication additive.
Pour l’aider dans cette entreprise, Finisterre s’est associée à plusieurs parties prenantes : Fishy Filaments, une entreprise de Cornwall qui produit des filaments d’impression 3D à partir de filet de pêche recyclés, AddiFab, un spécialiste danois du moulage par injection à forme libre (FIM), et Niall Jones, un étudiant de l’Université de Falmouth. Si l’industrie textile est connue pour être l’une des plus polluantes, au delà du tissu, les boutons génèrent aussi beaucoup de pollution. Les 50 000 tonnes de boutons produits par an, principalement en Chine, génère en effet des émissions importantes de C02 liées aux transports, quant au Nylon 6 utilisé pour leur fabrication, il produirait à lui seul près d’un demi-million de tonnes de CO2 chaque année.
Niall Jones, l’étudiant en charge de la conception du bouton, explique qu’il fallait lui donner une forme pratique afin qu’il puisse s’attacher et se détacher rapidement dans n’importe quelle situation, même avec des mains froides ou mouillées. Après plusieurs tests, c’est le modèle avec la petite languette qui s’est avéré être le plus performant. Il explique : « La meilleure façon de tester les performances des boutons serait de les tester avec des mains froides. J’ai passé 2 heures à surfer sans gants en décembre – il faisait froid, c’est sûr. En sortant de l’eau, j’ai testé plusieurs de mes modèles et c’est comme ça que j’ai trouvé le bon. »
« Le nylon de Fishy Filaments n’a qu’entre 2 et 3 % de l’impact environnemental du nylon vierge »
Une fois le modèle 3D réalisé, c’est Fishy Filaments qui s’est chargé de fournir le filament pour l’impression. Il faut savoir que tous les matériaux de l’entreprise sont fabriqués à partir de filets de pêche en fin de vie utilisés par la pêcherie de merlu de Cornouailles certifiée MSC, qui sont ensuite transformés en granulés avant d’être transformés en filaments ou en granulés de moulage par injection. Pour ce projet, c’est Marine Nylon®, un filament à base de nylon et une imprimante 3D de bureau Ultimaker, qui ont été utilisés par Niall Jones : « Le nylon de Fishy Filaments n’a qu’entre 2 et 3 % de l’impact environnemental du nylon vierge. En d’autres termes, pour chaque bouton de nylon vierge fabriqué, nous pourrions fabriquer 46 boutons avec le nylon Fishy Filaments avant d’atteindre la même empreinte écologique. 1 bouton en nylon vierge contre 5 boutons de Fishy Filaments pour une chemise. »
En dépit des bons résultats obtenus, l’étudiant s’est rendu compte que la finition n’était pas suffisamment au rendez-vous pour constituer une solution viable pour une ligne de vêtements professionnels. La décision a donc été poursuivre avec une autre approche en confiant la conception des boutons à AddiFab, une société basée au Danemark qui a lancé une approche hybride de moulage par injection AM. Sa méthode appelée FIM (Freeform Injection Molding), repose en fait sur l’impression 3D d’un moule qui est ensuite utilisé dans une presse de moulage par injection. Non seulement cette approche a permis à Niall Jones d’obtenir une meilleure qualité de finition et de procéder à plusieurs itérations de boutons, mais aussi de s’affranchir des moules métalliques très coûteux.
Une étude réalisée par Niall Jones sur le bilan carbone de ces boutons recyclés, révèle que le nylon marin de Fishy Filaments ne représenterait que 2 à 3% des impacts environnementaux du nylon vierge. Les boutons de Finisterre rencontreraient un grand succès auprès des consommateurs qu’ils les jugeraient plus faciles à attacher. L’entreprise espère convaincre d’autres marques britanniques qui pourraient créer leur propre modèle et promouvoir leur marque grâce à la personnalisation offerte par cette technique.