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# 5 Jours autour de l’impression 3D pour la maintenance : la technologie de 4D Pioneers au service de la SNCF

logo 4D Pioneers

Assurer la maintenance de trains dont la durée de vie peut dépasser 40 ans représente un véritable défi, tant sur le plan logistique, économique, que technique. À cela s’ajoute la complexité d’un parc roulant où chaque train peut compter jusqu’à 150 000 références de pièces détachées. Le besoin en pièces de rechange est donc non seulement considérable, mais aussi permanent, d’autant que la majorité des véhicules en circulation affichent déjà plus de 20 ans de service. Face à l’usure inévitable du matériel roulant et à la lourdeur logistique, l’agilité de production et de conception apportée par la fabrication additive séduit un nombre croissant d’acteurs du ferroviaire. Tel est le sujet dans lequel nous allons nous plonger pour notre 5 ème jour dédié aux applications de l’impression 3D dans le domaine de la maintenance. Co-fondatrice de 4D Pioneers, une start-up française spécialisée dans l’impression 3D hybride et des matériaux hautes-performances, Ingrid Florentin nous partage un cas d’usage très concret de la SNCF.

« les bénéfices observés en termes de réactivité, adéquation matière et agilité industrielle illustrent pleinement la valeur de notre solution pour des besoins ponctuels ou à faible volume »

Ingrid Florentin

Ingrid Florentin

Bonjour Ingrid, quel est le parcours professionnel qui vous conduit jusqu’à l’aventure 4D Pioneers ?

J’ai passé plus de 25 ans dans l’univers de l’innovation technologique. Mon parcours m’a amenée à évoluer au sein d’entreprises pionnières en biotechnologie comme Invitrogen, Affymetrix ou encore RainDance.

J’y ai eu la chance de participer à des avancées majeures dans le domaine de la génétique, ce qui a nourri ma passion pour la science et les technologies de rupture.

Au fil des années, j’ai ressenti un besoin profond de mettre cette expérience au service d’innovations à impact industriel et environnemental. C’est ainsi que je me suis intéressée à la fabrication additive, et plus particulièrement à ses applications dans la maintenance et la production locale.

Nicolas Gay

Nicolas Gay

Comment cette start-up a-t-elle vu le jour et quelles problématiques cherche-t-elle à résoudre ?

En 2020, j’ai rencontré Nicolas Gay, docteur-ingénieur et expert dans l’impression 3D de matériaux haute performance. De notre rencontre est née une conviction partagée : celle qu’on pouvait transformer radicalement la façon dont on conçoit et produit les pièces industrielles.

C’est cette vision qui nous a conduits à fonder 4D Pioneers, avec l’ambition de rendre les industries plus autonomes, résilientes et responsables grâce à l’impression 3D hybride et des matériaux hautes-performances biosourcés.

« Un exemple particulièrement parlant est celui de la SNCF, qui a identifié notre solution comme un levier pertinent pour répondre à ses enjeux de maintenance ferroviaire »

Votre technologie a-t-elle déjà profité à une entreprise pour optimiser sa maintenance ?

Oui, tout à fait. Notre technologie a déjà bénéficié à plusieurs entreprises, et ce, dans des secteurs d’activité très variés. Un exemple particulièrement parlant est celui de la SNCF, qui a identifié notre solution comme un levier pertinent pour répondre à ses enjeux de maintenance ferroviaire.

Notre collaboration a débuté en 2022 dans le cadre du projet collaboratif Additiv4Rail, un programme soutenu par le PIA4 (Plan d’Investissement d’Avenir) et France 2030, via Bpifrance. Ce projet R&D vise à accélérer l’industrialisation des technologies additives pour produire, de manière locale et à la demande, des pièces détachées destinées à la maintenance du matériel roulant.

Concrètement, cela s’est traduit par des demandes spécifiques de production de pièces de la part de la SNCF, répondant à des besoins critiques, souvent liés à des composants obsolètes ou difficiles à sourcer

Cette collaboration illustre parfaitement la valeur ajoutée de notre technologie hybride : réduire les délais d’approvisionnement, augmenter la réactivité opérationnelle et favoriser une maintenance plus durable et autonome.

« des thermoplastiques biosourcés spécialement formulés pour répondre aux exigences strictes du secteur ferroviaire, notamment la norme feu/fumée EN45545 »

Quelles sont les raisons qui ont conduit cette entreprise à faire appel à vous ?

Photo des joint SNCF en fin d’impression sur le plateau de la 4PRIME

Photo des joints SNCF en fin d’impression sur le plateau de l’imprimante 3D 4PRIME

La SNCF a choisi de faire appel à 4D Pioneers pour notre approche technologique unique, qui allie impression 3D hybride de haute précision et développement de matériaux innovants.

Ce qui a particulièrement retenu leur attention, c’est notre capacité à proposer des thermoplastiques biosourcés spécialement formulés pour répondre aux exigences strictes du secteur ferroviaire, notamment la norme feu/fumée EN45545.

Ils nous ont par exemple demandé de produire des joints d’étanchéité qui sont positionnés en partie haute des portes d’accès passager. Notre matériau 4MELLA – un élastomère thermoplastique biosourcé, sans additifs halogénés, imprimable en 3D et certifié EN45545 – s’est révélé parfaitement adapté à ce besoin.

Dans le cadre du projet Additive4Rail, plusieurs de nos formulations ont été testées, évaluées puis qualifiées par les équipes de la SNCF.

Ce processus a permis de valider la production rapide d’une première pièce fonctionnelle, fabriquée en quelques heures seulement grâce à notre savoir-faire en couplage matière/procédé.

Cette collaboration a ainsi démontré la pertinence de notre technologie pour des applications ferroviaires exigeantes.

Comment s’est déroulée la phase de conception pour cette pièce ?

Dans ce cas précis, nous n’avons pas été impliqués dans la conception initiale de la pièce. La SNCF nous a fourni directement le fichier CAO, au format .STEP, correspondant à leur besoin fonctionnel. C’est donc à partir de ce fichier que nous avons pris en charge l’intégralité de la phase de fabrication.

Notre intervention a porté sur l’optimisation du processus d’impression, en mobilisant notre expertise en fabrication additive. Nous avons développé un profil d’impression sur mesure, spécifiquement adapté à notre matériau 4MELLA, et configuré pour une production sur notre machine hybride 4Prime.

Cette étape est cruciale, car elle permet d’ajuster finement les paramètres de dépôt, en fonction des propriétés thermomécaniques du matériau et de la géométrie de la pièce.

Grâce à cette approche, nous avons pu garantir une qualité optimale, une grande précision dimensionnelle, ainsi qu’une performance technique conforme aux exigences du secteur ferroviaire. Ce travail d’adaptation matière/procédé est au cœur de la valeur ajoutée de 4D Pioneers.

« Ce qui le distingue particulièrement, c’est sa conformité à la norme EN45545, relative au comportement au feu dans les environnements ferroviaires »

Que pouvez-vous nous dire sur les données de résistance de celle-ci ?

Hélice répondant à la norme EN45545

Hélice répondant à la norme EN45545, imprimée dans le matériau 4TUNATA (HDPE biosourcé à 37,6%, HL2-R1, CFE > 20 kW/m2, Faible opacité et toxicité, MAHRE < 90 kW/m2).

La résistance d’une pièce imprimée dépend avant tout des propriétés intrinsèques du matériau utilisé, ainsi que de la qualité du procédé de fabrication.

Dans le cas présent, la pièce a été réalisée en 4MELLA, un élastomère thermoplastique biosourcé que nous avons spécifiquement développé et que nous maîtrisons parfaitement, tant dans sa formulation que dans sa mise en œuvre.

Pièces ferroviaires (bouton poussoir et soufflet) réalisés en 4MELLA

Pièces ferroviaires (bouton poussoir et soufflet) réalisés en 4MELLA, matériau propriétaire de 4D Pioneers à la fois biosourcé, sans additifs halogénés, imprimable en 3D et certifié EN45545

Le 4MELLA présente une excellente résistance mécanique, une bonne tenue thermique, et une compatibilité chimique étendue. Ce qui le distingue particulièrement, c’est sa conformité à la norme EN45545, relative au comportement au feu dans les environnements ferroviaires — et cela, sans recourir à des additifs halogénés, ce qui en fait une solution plus durable et responsable.

Ces caractéristiques font du 4MELLA un matériau à la fois performant et polyvalent, parfaitement adapté aux exigences élevées de la maintenance ferroviaire, où la sécurité, la robustesse et la fiabilité sont des critères non négociables.

« les bénéfices observés en termes de réactivité, adéquation matière et agilité industrielle illustrent pleinement la valeur de notre solution pour des besoins ponctuels ou à faible volume »

Quels résultats concrets la SNCF a-t-elle pu constater avec la mise en œuvre de votre solution ? Disposez-vous de données chiffrées pour illustrer ces gains ?

Dans le cas d’usage concerné, le besoin portait sur la fabrication de seulement deux pièces, ce qui rendait le recours aux technologies d’injection classique inadapté : les coûts liés à la conception d’un moule, ainsi que les délais de réalisation, n’étaient tout simplement pas justifiables.

Une approche en fabrication additive s’est alors imposée comme la solution la plus pertinente.

Les résultats concrets observés sont multiples :

  • Validation technique du matériau répondant aux contraintes feu/fumée spécifiques du ferroviaire
  • Livraison de la juste quantité, évitant tout surplus ou gestion de stock inutile
  • Délais d’approvisionnement très courts, compatibles avec les contraintes du planning de production client.

Bien que nous ne disposions pas de données chiffrées à partager pour ce cas précis, les bénéfices observés en termes de réactivité, adéquation matière et agilité industrielle illustrent pleinement la valeur de notre solution pour des besoins ponctuels ou à faible volume.

« La responsabilité première en matière de droits d’usage du design ou du fichier CAO incombe au donneur d’ordre »

Lorsqu’on imprime une pièce, a fortiori dans un contexte industriel, comment garantir le respect des droits de propriété intellectuelle ? À qui incombe la responsabilité ?

Dans un contexte industriel, la protection de la propriété intellectuelle est un enjeu stratégique, notamment lorsqu’il s’agit de reproduire des pièces à partir de fichiers numériques. La responsabilité première en matière de droits d’usage du design ou du fichier CAO incombe au donneur d’ordre, qui doit s’assurer qu’il détient les droits nécessaires ou les licences appropriées pour faire produire la pièce.

Chez 4D Pioneers, notre rôle se concentre sur le respect strict de la confidentialité des fichiers et informations techniques qui nous sont confiés. Nous mettons en œuvre des protocoles rigoureux de sécurisation des données, depuis la réception du fichier jusqu’à la production de la pièce, en garantissant qu’aucune diffusion ou réutilisation non autorisée n’est possible.

La protection des designs est au cœur de notre éthique industrielle, et fait l’objet de clauses de confidentialité intégrées systématiquement à nos contrats. Dans un monde où le fichier devient la pièce, nous faisons de la sûreté numérique et contractuelle un pilier fondamental de notre engagement envers nos clients.

« À partir de cette phase d’analyse, nous établissons une cartographie des opportunités qui permet d’objectiver le potentiel de la fabrication additive »

Si certains de mes lecteurs envisagent d’intégrer votre technologie à leurs opérations de maintenance, comment les guidez-vous dans les premières étapes ?

Lorsqu’un acteur industriel manifeste un intérêt pour notre technologie, nous entamons immédiatement un dialogue ciblé avec ses équipes opérationnelles — qu’il s’agisse de la maintenance, de la production, des méthodes ou de l’innovation — afin d’identifier les problématiques concrètes qu’ils rencontrent : pièces difficilement remplaçables, délais de réparation trop longs, dépendance à des fournisseurs extérieurs, ou encore coûts logistiques liés au stockage.

À partir de cette phase d’analyse, nous établissons une cartographie des opportunités qui permet d’objectiver le potentiel de la fabrication additive sur des éléments critiques : composants de rechange, pièces de première monte ou outillages spécifiques. Cette démarche structurée nous permet de proposer des solutions à fort impact opérationnel, adaptées aux réalités du terrain et aux priorités de nos clients.

« Notre démarche commence par un audit technique visant à identifier les cas d’usage pertinents pour la fabrication additive »

Quel type d’accompagnement ou de service 4D Pioneers peut-il mettre à leur disposition ?

Chez 4D PIONEERS, nous proposons un accompagnement progressif, structuré et entièrement personnalisé, conçu pour répondre aux besoins spécifiques de chaque organisation.

Notre démarche commence par un audit technique visant à identifier les cas d’usage pertinents pour la fabrication additive : pièces de maintenance, gabarits, moules, protections, supports fonctionnels, etc. Cette première phase nous permet de poser les bases d’un déploiement pertinent et ciblé de l’impression 3D.

Nous passons ensuite à une phase de prototypage fonctionnel, durant laquelle nous fabriquons des pièces en conditions proches de l’usage final. À la différence des approches classiques, nous utilisons dès cette étape la “bonne matière”, c’est-à-dire le matériau final certifié, sans substitution ni approximation. Cela garantit une validation à la fois technique et économique, en toute transparence avec les conditions de production futures.

Nous proposons également des formations adaptées au niveau et aux objectifs des équipes : initiation à la prise en main des équipements, maîtrise des paramètres d’impression ou encore conception pour la fabrication additive (DFAM).

Pour les structures souhaitant aller plus loin, nous accompagnons la mise en place d’ateliers de fabrication additive clés en main, en définissant les bons choix de machines, de matériaux, de logiciels et de processus qualité.

Enfin, nous assurons un suivi régulier afin de faire évoluer les cas d’application, améliorer les conceptions, capitaliser sur les retours d’expérience et maintenir nos clients à la pointe des innovations technologiques.

Alexandre Moussion