Connu comme l’un des utilisateurs historiques de l’impression 3D, l’aéronautique est aussi son meilleur ambassadeur. Illustant très bien cela, à Haillan, dans la banlieue de Bordeaux, ce sont pas moins de 12 500 m2 que l’équipementier Safran n’a pas hésité à consacrer à la fabrication additive. Un campus officiellement inauguré ce vendredi 7 octobre sous le nom de « Additive Manufacturing Campus » (SAMC), qui regroupe désormais en un seul et même endroit tous les moyens matériels et humains nécessaires à la production de pièces de moteur d’avion de manière additive.
100 % dédié à cette technologie, le nouveau site regroupe une centaine d’ingénieurs, techniciens, doctorants et compagnons qui ont déjà oeuvré pour livrer un millier de pièces mêlant prototypes et pièces finies de petites et moyennes séries. Une mise en bouche si l’on en croît les ambitions du motoriste français, qui vise l’embauche de cent salariés supplémentaires et la production de 10 000 pièces imprimées en 3d par an.
Premier du genre en France, cette usine signe la volonté de groupe industriel français de hisser la fabrication additive à un niveau industriel. Cerné par les enjeux environnementaux et de souveraineté industriel, Safran a décidé de miser sur les atouts de l’impression 3D métallique. La possibilité de pouvoir réaliser par ce biais des pièces plus complexes impossibles à réaliser auparavant avec les techniques traditionnelles, signifie de nombreux changements dans ses habitudes de fabrication.
Les limites qui pouvaient lui être imposées par la production en fonderie ou en forge, Safran peut désormais s’en affranchir en réalisant des pièces d’avion moins lourdes et donc moins gourmandes en matériaux et en carburant. Le directeur général du nouveau campus, François-Xavier Foubert, parle de gains de masse de 25 %, et dans certains cas 40 voire même 50 %. L’exemple donné est celui d’un bloc hydraulique. Particulièrement critique puisque servant à étendre ou rétracter le train d’atterrissage de l’Airbus A350, cette pièce dont la certification est attendue pour 2024, ne pèsera plus que 10 kg grâce à l’impression 3D, contre 18 actuellement avec la forge. Quant à l’impact CO2 de la fabrication, celui-ci serait divisé par huit.
Nous donnant une idée plus précise quant à l’ampleur des économies qui pourront être réalisés sur les matériaux, Safran indique qu’une ferrure forgée nécessite 10 kilogrammes de matière première pour aboutir à une pièce d’un kilogramme. Pour obtenir la même pièce de 500 grammes à partir d’un moule en fonderie, il faut 2 kg de matière. En impression 3D, il ne faut que 600 grammes de matière pour obtenir la même ferrure qui fera 400 grammes. Le motoriste précise que si l’impression 3D n’atteint pas encore les performances d’une pièce de forge, en revanche elle dépasse désormais celles d’une pièce de fonderie.
« À terme, 25% des pièces de certains de nos moteurs pourront être produites en fabrication additive »
Cette moindre dépendance de Safran vis à vis des acteurs de la fonderie et de la forge, conduit également une réduction drastique de ses délais de production et une relocalisation de sa production. Là où plusieurs années étaient nécessaires avec les procédés métallurgiques traditionnels, quelques mois seulement suffisent avec la fabrication additive. L’autre effet bénéfique auquel aspirent de nombreux industriels en misant sur l’impression 3D est une diminution de leur stocks physiques. Une gestion plus intelligente rendue possible par la fabrication à la demande et la création de bibliothèques numériques.
Le groupe indique avoir déjà commencé à fournir une douzaine de références imprimées en 3D notamment pour les moteurs Leap de l’Airbus A320neo et l’Arrano de l’hélicoptère H160. Cinq autres sont également en cours de développement pour le M88 du Rafale. Parmi elles, un support pallier validé par la DGA (direction générale de l’armement). Le SCAF et l’A350, mais aussi le moteur du futur CFM Rise pourraient eux aussi venir s’ajouter à cette liste.
« Mille premières pièces de série produites en fabrication additive sur le site de Safran Additive Manufacturing Campus ont été livrées à Safran Helicopter Engines depuis juin 2022. » indique Safran. « Le site a pour objectif d’en livrer 4 000 cette année et de doubler cette quantité en 2023. À terme, 25% des pièces de certains de nos moteurs pourront être produites en fabrication additive. »
Pour passer le cap de cette fabrication à petite échelle à la production en série, l’industriel français a investi pas moins de 80 millions d’euros dans son nouvel outil industriel. Une somme qui a notamment permis l’acquisition de 8 imprimantes laser sur lit de poudre. Des machines grand format pouvant traiter des matériaux comme le nickel, le titane ou l’aluminium.
Malgré les atouts évidents de la fabrication additive, Safran pointe du doigt quelques points d’améliorations pour industrialiser le procédé. Limité par le volume de fabrication des machines actuelles allant rarement au-delà des 50 cm, le groupe cherche à se procurer des machines qui lui permettraient de produire de grandes pièces monobloc d’un mètre. Dans cette optique des discussions ont eu lieu avec plusieurs fabricants spécialisés dont le britannique Renishaw, le français AddUp, ainsi que les allemands EOS et SLM Solutions. Des travaux allant de ce sens sont également menés par Safran et Airbus sur une technologie DED hybride.
L’impression 3D n’étant rappelons-le, qu’une étape parmi d’autres dans le processus de fabrication, le motoriste se doit également de répondre aux exigences de la certification. La DGA, pour le domaine militaire et l’AESA pour le civil, constituent les derniers obstacles à franchir pour faire voler ses pièces imprimées en 3D.