Conforme à son potentiel, la fabrication additive continue de s’exprimer dans une diversité croissante d’applications, y compris les plus insoupçonnées ; à fortiori pour le grand public. Du plastique au béton, en passant par les matières biologiques, ces dernières années l’impression 3D n’a cessé d’étoffer son offre de matériaux.
Profondément ancré dans notre quotidien et souvent associé à l’artisanat, le bois compte parmi ces matériaux étonnants que l’impression 3D est parvenue à dompter. Certes timidement et de manière plus confidentielle, cette matière commence néanmoins à inspirer de magnifiques créations imprimées en 3D, jusqu’à même reproduire les caractéristiques si nobles de cette matière.
Sur ce créneau naissant qu’est l’impression 3D de bois, Saint-Honoré Paris, une société française spécialisée dans les présentoirs et mannequins de vitrine pour les marques des mode et maison de
haute couture, compte parmi les très rares acteurs dans le monde à maîtriser cette technologie. De la matière première jusqu’à l’impression 3D, l’entreprise peut revendiquer une expertise quasi complète, jusqu’à même posséder ses forêts qu’elle exploite avec des chevaux de traits spécialement dressés au débardage du bois
Derrière cette initiative se cache un designer et entrepreneur bordelais du nom de Geoffrey Delpy. C’est en 2017, que cet éco-engagé a fait le pari de reprendre le domaine forestier familial abandonné, situé près de Saint Emilion. Une propriété familiale dont les premières parcelles ont été acquises en 1896, et dont les arbres (alisiers torminal, frênes, chênes et charmes) permettaient initialement la production de piquets et de meubles. En 1970, des dissensions familiales ont conduit à la vente de certaines parcelles, laissant les treize forêts restantes croître en toute quiétude sur une période de près de 40 ans. Au fil de ces décennies, ces forêts ont donc connu un développement ininterrompu, offrant ainsi une ressource inestimable.
L’idée de Geoffrey Delpy a été d’exploiter cette précieuse matière première, pour créer ses premières collections de présentoirs de vitrine en bois. C’est ainsi qu’a été fondée la marque Forme International, avec trois bureaux basés à Paris, Dubaï et Varsovie. C’est plus tard que la marque a été rebaptisée Saint-Honoré Paris, en référence à son emplacement prestigieux dans le Faubourg Saint-Honoré.
Engagé déjà dans plusieurs initiatives environnementales, parmi lesquelles un programme visant à compenser l’empreinte carbone de sa production par la plantation d’arbres à chaque commande, le PDG de Saint-Honoré Paris, Geoffrey Delpy, a marqué un tournant en 2020 en lançant le développement d’une impression 3D à base du bois de ses forêts.
Pour faire ses présentoirs de vitrine, cintres et têtes de mannequins, des produits encore plus durables, ce dernier a réalisé des investissements importants dans l’optique de revaloriser des chutes
d’arbres en filaments d’impression 3D. Un défi qu’il est parvenu à relever en partenariat avec Nanovia, un fabricant breton bien connu du monde de l’impression 3D pour sa démarche écoresponsable. Basée à Louargat dans les Cotes d’Armor, cette entreprise, si vous ne la connaissez pas encore, possède une expertise rare dans les matériaux techniques et de filaments d’impression 3D fabriqués à partir de matière brute transformée.
C’est ainsi que les deux partenaires ont donné naissance à BOISNORÉ, un filament 100% biosourcé qui se distingue par le fait d’être fabriqué à partir de farines de bois provenant d’arbres tombés à la suite de tempêtes ou sinistrés par la grêle provenant du Domaine Saint-Honoré.
Bien sûr, pour être imprimé sur des imprimantes 3D FFF (dépôt de filament fondu), ce filament ne se compose pas exclusivement de bois, sans quoi l’extrusion ne serait pas possible. C’est pourquoi il contient une base de PLA d’amidon de maïs biosoucré mélangé à la farine de pin maritime.
D’abord testé en 2021 pour la réalisation de pièces de prototypes, le filament a mis en évidence les bénéfices de l’impression 3D à créer des pièces plus légères et moins énergivores. Sa formidable
liberté de conception a également été un atout pour Saint-Honoré Paris pour réduire les cycles et coûts de production en lui autorisant un nombre illimité d’itérations.
« C’est en effet unique au monde, nous sommes pionnier et leader dans l’impression bois de série pour le monde de la mode »
Réalisées dans le nouveau centre technique de Saint-Honoré à Libourne à l’aide d’imprimantes 3D professionnelles, les premières impressions 3D de pièces finales en bois ont eu lieu en 2022. Depuis, têtes de mannequins, présentoirs et cintres imprimées en bois, alimentent les boutiques du monde entier.
Depuis 2022 et à la suite de premières productions beta en partenariat avec des grands noms de la mode, tels que Galeries Lafayette, Figaret, Eden Park, Maison Kitsuné ou encore Agnès-B, Saint Honoré Paris revendique le BOISNORÉ comme un concept de production de grande série mature à la foi stable, local et éco-résponsable ; c’est aujourd’hui plusieurs centaines de présentoirs par
semaine qui sont produit.
Probablement unique dans l’industrie, Saint-Honoré Paris possède et dresse ses propres chevaux de trait dédiés au débardage des forêts. Le bois récolté alimente une partie de la production des
présentoirs en bois naturel et 100% des besoins en farine de bois précieuse qui compose le BOISNORÉ.
À la question de savoir quelle quantité de bois est nécessaire, on apprend que cette année là, l’impression des présentoirs a été assurée par deux pins âgés de 30 ans, tandis qu’un autre arbre
du même âge a été nécessaire pour fabriquer 10 têtes de mannequins en bois massif.
« Ce projet BOISNORÉ® est unique car Saint-Honoré Paris, via et grâce à son propre domaine forestier est producteur de la farine de bois et le co-développeur aux cotés de NANOVIA sans qui ce projet n’aurait jamais vu le jour. » M’explique Geoffrey Delpy. « Nous sommes en plus l’utilisateur final et principal du produit car 90% de nos impressions 3D et parfois 40% de notre production mensuelle de présentoirs pour les marques de luxe est faite avec du BOISNORÉ®. C’est en effet unique au monde, nous sommes pionnier et leader dans l’impression bois de série pour le monde de la mode. »
« Après chaque tempête ou coup de vent, les équipes du Domaine Saint-Honoré collectent et valorisent les arbres chutés, appelé bois de chablis, pour les transformer en farine »
Par ailleurs il faut savoir que le filament bois crée par Saint-Honoré Paris et Nanovia, a également donné lieu à une version commerciale appelée « Nanovia PLA Bois. » La particularité de celui-ci, est qu’il est moins chargé, soit une teneur en bois de 40 %.
« Après chaque tempête ou coup de vent, les équipes du Domaine Saint-Honoré collectent et valorisent les arbres chutés, appelé bois de chablis, pour les transformer en farine. Le Domaine forestier de Saint-Honoré est situé près de Saint-Émilion en région bordelaise, en France ; il est géré selon les plus hauts standards environnementaux et dispose des certifications FSC et PEFC. » explique Nanovia à propos de son filament « Nanovia PLA Bois ». « Son aspect marron clair chiné et sa surface texturée, le rendent idéal pour l’impression de jouets et d’objets décoratifs d’intérieur. Lors de son impression, il présente une forte odeur de pin. »
Etant donné leur concentration importante de bois, les deux filaments « BOISNORÉ » et « Nanovia PLA Bois », permet d’obtenir des pièces à l’aspect proche du bois brut, qui peuvent être vernies ou lasurées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Saint Honoré Paris ne se repose pas sur ses lauriers en matière d’engagement environnemental.
Nourrissant de grandes ambitions en la matière, la société envisage la création d’un nouveau site en complément de celui de Libourne. Dédié à la gestion forestière du « Domaine Saint-Honoré », celui-ci servira notamment à cultiver ses propres plants, sécher son bois, et même à héberger les chevaux de traits dédiés au débardage en forêt.
Quant à l’impression 3D, la société porte un nouveau projet autour du bois. Baptisé ARCHINORÉ®, celui-ci ne s’adressera non pas à la mode, mais au bâtiment. Son objectif est de créer des briques imprimées en bois destinées à être utilisées dans la construction, que ce soit pour l’isolation extérieure ou intérieure.