En plein essor depuis 2015, le marché de l’impression 3D métal connaît une croissance soutenue caractérisée par des machines de plus en plus performantes et un choix de matériaux toujours plus vaste. Nombreux sont les secteurs comme l’automobile, l’aérospatial, et le médical à aujourd’hui tirer parti des avantages de cette technologie pour créer des pièces métalliques complexes souvent impossibles à obtenir avec les techniques traditionnelles, mais aussi gagner en agilité et coût de fabrication.
Parmi les nombreux procédés que compte la fabrication additive métallique, nous allons aujourd’hui nous intéresser à la fusion sur lit de poudre (PBF) et au dépôt d’énergie concentrée (DED). Deux grandes familles dont AddUp – joint-venture de Fives et Michelin – s’est faite une spécialité. Pour en savoir plus sur les spécificités et capacités de chacune, Primante3D a interrogé son CTO Sébastien Devroe.
« Les deux technologies utilisent de la poudre métallique et un faisceau laser. La principale différence est au niveau de la déposition de la poudre… »
Bonjour Sébastien DEVROE, pourriez-vous nous parler de votre parcours (cursus scolaire et professionnel) avant AddUp et définir votre rôle au sein de cette entreprise ?
Je suis Docteur Ingénieur spécialisé en énergétique et mécanique des fluides. J’ai commencé en tant qu’enseignant en école d’ingénieur (au sein de ce qui s’appelle maintenant l’IMT), avant de rejoindre et d’occuper des postes de développement de procédés dans l’industrie lourde (équipement dans la production d’électricité, et en cimenterie). J’ai ensuite pris le poste de Directeur Innovation chez Fives pendant 6 ans (2Md € de CA, 8000 collaborateurs). En tant que directeur Innovation, j’ai pris part à la création de la JV Fives-Michelin, AddUp où, depuis 2018, j’occupe le poste de CTO. Mon rôle consiste à assurer la pertinence et le développement technologiques d’AddUp.
Pour ceux qui vous ne connaîtraient pas encore, pourriez-vous rappeler la genèse d’AddUp et les deux technologies additives dont elle dispose aujourd’hui ?
AddUp est le résultat de la rencontre en 2015 de deux groupes industriels Fives fabricant de Machine et Michelin utilisateur et développeur depuis 2008 de la technologie, pour développer des solutions industrielles de fabrication additive métallique initialement L-PBF. Pour assurer son développement et mieux répondre aux attentes des clients vis-à-vis de cette technologie innovante et leur fournir un choix « Make or Buy », AddUp s’est élargi en 2018 par l’acquisition de Poly-Shape référence française comme BER (Bureau d’étude Réalisation) de fabrication additive, et de BeAM fournisseur d’une technologie complémentaire L-DED sous enceinte inertée.
Les solutions offertes par AddUp dans le domaine de la fabrication additive métallique sont uniques tant dans l’accompagnement du client qui se veut le plus large possible (de la formation, en passant par la fourniture de pièces finies, et en proposant des solutions d’impression) que par les technologies proposées qui sont uniques. AddUp propose des solutions d’impressions 3D à vocation industrielle. La technologie L-PBF AddUp permet de traiter tout type de granulométrie de 5 à 100µm, propose des solutions de mise en couche interchangeables par rouleau, racleur souple ou rigide ou brosse, des solutions multi-Laser, le tout supportés par des solutions digitales de la conception jusqu’au dashboarding et monitoring de la fabrication de pièces.
La technologie L-DED (projection de poudre) AddUp propose des machines 5 axes permettant de répondre aux exigences d’inertage les plus strictes de l’Aéronautique en proposant des solutions de production ou de réparation de pièces à haute productivité.
Quelle est votre actualité du moment et vos derniers développements ?
Notre actualité est assez excitante en ce moment, avec le lancement de notre nouvelle machine la FormUp® 350 nouvelle génération, une version clairement tournée vers l’industrie, avec ses exigences de fiabilité, robustesse. Nous avons des développements importants visant à améliorer la productivité tout en ne sacrifiant pas la qualité des pièces produites. Ces développements s’appuient sur des solutions numériques robustes simulation de la fabrication…
1 – En précisant au préalable à quelles catégories de procédés FA appartiennent vos deux technologies, expliquez-nous leur fonctionnement.
Les deux technologies utilisent de la poudre métallique et un faisceau laser. La principale différence est au niveau de la déposition de la poudre.
Pour le LPBF la poudre est étalée couche par couche à l’aide d’un racleur ou d’un rouleau et le laser fusionne la ou les pièces à une altitude constantes. Les machines peuvent être équipées d’un ou plusieurs lasers pour des gains de productivité. On ne peut pas utiliser plusieurs poudres puisque celles-ci seraient mélangées et donc perdues en fin de production.
Pour le DED la poudre est acheminée vers la buse à travers des tubes, le laser chauffe le substrat sur lequel est projetée la poudre. Les machines sont comme des centre d’usinage multiaxes sur lesquels on aurait remplacé la tête de fraisage par une tête d’impression. On peut utiliser plusieurs poudres voir les mélanger pour réaliser des gradients de matière.
« La technologie L-DED est adaptée d’une part à la fonctionnalisation de pièces et à la fabrication de pièces de géométrie peu complexe »
2 – Comment se distinguent le PBF et le DED en termes d’applications et de compatibilité matériaux ?
Les solutions L-PBF adressent l’industrie de façon large : aéronautique, aérospatiale, automobile, médical, énergie, « Oil & Gas », luxe, outillage, …. La technologie L-PBF est adaptée pour la production de pièces quasi-finies, complexes géométriquement ou impossible à produire par les moyens conventionnels. La plupart des matériaux (Titane, Inconel, Aluminium, Cuivre, Inox 3XX) sont utilisés en L-PBF. Cependant certains matériaux, développés pour d’autres procédés comme la forge ou la fonderie, sont inutilisables en L-PBF, c’est par exemple le cas des aciers à fort Carbone équivalent, des aluminium à fort taux de silicium. Mais la bonne nouvelle c’est que les métallurgistes travaillent et commencent à proposer des matériaux compatibles avec cette technologie et qui surclassent les matériaux historiques. Il reste à éduquer le marché sur ces nouvelles possibilités.
La technologie L-DED est adaptée d’une part à la fonctionnalisation de pièces (ajout de fonctions, revêtement de surface) et à la fabrication de pièces de géométrie peu complexe. Les matériaux classiquement soudables, sont utilisables en L-DED, ce qui confère à cette technologie un clair avantage sur la réparation.
« il y a un facteur 10 à 20 entre la précision obtenue avec le L-PBF (~100µm) et le L-DED (~1 à 2mm) »
3 – Offrent-ils le même niveau de complexité géométriques ?
D’un point de vue complexité géométrique, les L-PBF permettent d’atteindre plus de complexité géométrique, plus de finesse d’impression. Les solution L-DED, offre la possibilité de fonctionnaliser des pièces existantes (y compris issus de L-PBF). Pour simplifier, il y a un facteur 10 à 20 entre la précision obtenue avec le L-PBF (~100µm) et le L-DED (~1 à 2mm).
4 – Productivité et volume de fabrication constituent des critères de choix importants en fabrication additive. Comment le PBF et le DED se différencient-ils sur ce point.
Aujourd’hui sur les mêmes matériaux, les solutions L-PBF (4 Lasers) ont des productivités équivalentes (en cc/hr) que les solutions L-DED-P. Ces technologies ne répondant pas aux mêmes applications, cette comparaison reste toute relative. Le DED étant bien adapté à l’ajout de matière seulement là où il le faut, le temps de cycle peut être plus intéressant. La comparaison doit donc se faire au cas par cas pour utiliser la bonne technologie pour le meilleur résultat technico-économique.
« Le post traitement d’une pièce de FA métallique représente typiquement entre 20 et 60% du coût total d’une pièce »
5 – Leur différence de traitement se répercutent-ils sur la résolution et la finition de surface ?
Le post traitement d’une pièce de FA métallique représente typiquement entre 20 et 60% du coût total d’une pièce. Que ce soit en L-PBF ou en L-DED une reprise d’usinage est nécessaire pour finaliser la pièce et c’est cette étape qui donne la géométrie finale de la pièce. Les pièces issues du procédé L-PBF sont mieux résolues que celles issues du L-DED-P. Le plus souvent les exigences de qualité de surface internes et externes sur les pièces L-PBF sont classiquement plus importantes.
6 – Cette question en appelle directement à une autre, à savoir les différences de post-traitement entre le PBF et le DED. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?
Les deux technologies requièrent généralement des post traitements similaires comme les traitements thermiques, de l’usinage et de la rectification. Le L-PBF demande selon les applications des post traitements supplémentaires comme le retrait de supports de fabrication ou le traitement des canaux internes (canaux de refroidissement d’empreintes de moules, d’échangeurs de chaleurs…).
7 – Ces procédés requièrent-ils des niveaux de compétences et de formation différents ?
Les solutions AddUp sont développées pour être de préhension facile pour des utilisateurs de solutions CAO/CFAO comme Dassault 3DS, Siemens NX.
8 – Sur l’environnement de travail, quelles sont les précautions à prendre selon qu’il s’agisse d’un système PBF ou DED ?
Pour les deux technologies, il est essentiel d’assurer un zéro-contact entre les poudres et suies et les opérateurs. Il existe deux risques autour des poudres et suies, les risques immédiats que sont les incendies et explosion particulièrement prégnants pour les suies de façon générales et pour poudres réactives comme le titane et aluminium, et les risques CMR existants pour les poudres et suies. AddUp est un précurseur sur la prise en compte des risques HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) liés à l’utilisation des poudres en fabrication additive métallique.
« il faut prévoir de disposer de machine d’usinages traditionnelles et de solutions tribologiques pour obtenir les états de surface visés pour la pièce finie »
9 – Quels sont les équipements auxiliaires requis ?
Selon les technologies et selon les applications FA visées, des équipements auxiliaires peuvent être requis comme une boite à gant, une scie, une machine de dépoudrage automatisée, une machine à laver, un four de détensionnement. Au-delà de ces équipements nécessaires, pour produire une pièce finie complète, il faut prévoir de disposer de machine d’usinages traditionnelles et de solutions tribologiques pour obtenir les états de surface visés pour la pièce finie.
10 – Enfin que pouvez-vous nous dire sur l’écart de prix moyen séparant un système PBF d’un DED ?
Les technologies n’adressant pas les mêmes marchés, l’écart de prix entre les technologies n’est pas forcément pertinent.