Des scientifiques chinois ont utilisé l’impression 3D pour offrir de nouvelles oreilles à des enfants atteints d’une affection rare appelée microtie. Cette malformation congénitale qui intervient environ une fois tous les 15 000 naissances se caractérise par une hypoplasie c’est à dire un développement insuffisant du pavillon de l’oreille.
Dans 90% elle n’apparaît que d’un seul côté, et se produit souvent avec une autre affection dénommée atrésie correspondant à l’absence de développement du conduit auditif externe. Les techniques classiques de reconstructions consistent habituellement à prélever du cartilage sur les côtes pour sculpter une nouvelle oreille, ou lorsque la chirurgie n’est pas souhaitée fabriquer une prothèse d’oreille en silicone.
En Chine, s’appuyant sur des recherches antérieures dans ce domaine, un groupe de scientifiques a réalisé une étude sur cinq patients âgés de six à neuf ans, en utilisant la tomodensitométrie couplée à l’impression 3D pour reproduire la structure tridimensionnelle exacte de l’oreille saine de chaque patient.
Imprimé à l’aide d’une imprimante 3D Z Corporation Spectrum Z510 de 3D Systems, le modèle de l’oreille a été utilisé pour mouler une paire de moules négatifs en argile et silicone, dans lesquels ont ensuite été injectés des matériaux biodégradables appelés acide polyglycolique (PGA) et polycaprolactone (PCL) qui constituent l’échafaudage des cellules qui vont former le tissu final. L’étape suivante a consisté à ensemencer ces échafaudages avec des cellules de cartilage appelées chondrocytes, prélevés sur l’oreille affectée de chaque patient.
« Nous avons réussi à concevoir, fabriquer et régénérer des oreilles externes spécifiques au patient »
Après quelques mois de maturation, une fois la structure du cartilage générée avec la forme d’oreille spécifique de chaque individu, les oreilles ont enfin été greffées sur les patients. «Nous avons réussi à concevoir, fabriquer et régénérer des oreilles externes spécifiques au patient», ont écrit les chercheurs dans une étude qui a suivi chaque enfant jusqu’à 2 ans et demi.
« La partie de ce travail qui est dangereux est lorsque vous supprimez des cellules du corps de quelqu’un et que vous les cultivez dans la culture, vous devez appliquer des composés stimulants aux cellules pour les amener à se diviser », a déclaré dans une interview à CNN le Dr Tessa Hadlock, chef de la chirurgie plastique et reconstructive du visage au Massachusetts Eye and Ear de Boston. « Lorsque vous appliquez ces composés stimulants, vous courez le risque de laisser ces cellules se détraquer d’un point de vue divisionnaire, c’est une autre façon de dire que vous pouvez réellement créer comme une sorte de croissance incontrôlée cancéreuse », a-t-elle déclaré.
A l’issue de deux ans et demi de suivi, quatre des patients ont en effet montré une formation nette de cartilage six mois après l’implantation de la nouvelle oreille, tandis que trois des patients avaient de nouvelles oreilles qui correspondaient à l’oreille saine opposée, aussi bien en taille qu’en forme.
Co-fondateur de 3D Bio Corp, une société spécialisée dans le développement de cartilage, Laurence Bonassar a souligné la difficulté et les défis du procédé: « les matériaux qui sont utilisés pour ces échafaudages restent dans le corps pendant une longue période: jusqu’à quatre ans. De tels implants devraient probablement être surveillés pendant quatre ou cinq ans avant que le sort ultime de ces matériaux dans le corps soit connu. »
Ce procédé qui n’est pas à confondre avec la bioimpression qui consiste à imprimer directement des tissus biologiques, avait déjà été expérimenté en 2013 par Lawrence Bonassar, professeur adjoint d’ingénierie biomédicale à l’Université Cornell et son équipe pour reconstruire une oreille. De la même manière, à partir d’un scan du patient, ces derniers avaient imprimé un moule à base de collagène d’origine animale, dans lequel un gel contenant plus de 250 millions de cellules vivantes avait été coulé.
*crédits de toutes les photos : eBioMedicine