Démontrés par plusieurs études concordantes, les risques de pollution de l’air et d’émissions toxiques liés à l’utilisation d’imprimantes 3D, ont amené un début de prise de conscience sur la nécessité pour les fabricants de mieux sécuriser leurs machines. Réduites au strict minimum en termes d’équipements et de fonctionnalités, les imprimantes 3D FDM grand public sont les premières visées par cette problématique de santé. Partie de ce constat et de l’absence de solutions sur le marché, une jeune pousse française du nom de Alveo3D a imaginé un système de filtration de particules pour imprimante 3D. Curieux d’en savoir plus sur ses solutions, Primante3D est allé à la rencontre de son cofondateur Lucas Martini.
« Après un tour d’horizon des solutions proposées sur le marché, nous avons été déçus de ne trouver aucun filtre dédié à la fabrication additive de bureau »
Lucas Martini bonjour, pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre première rencontre avec l’impression 3D ?
Bonjour je suis cofondateur de la marque ALVEO3D à Chambéry et j’ai 32 ans. Mon parcours est sans doute atypique car je suis cartographe de formation et diplômé en gestion des entreprises. Mais j’ai exercé le métier de sapeur-pompier professionnel jusqu’en 2017 avant de me lancer dans un projet entrepreneurial, avec mes associés.
Notre première rencontre avec l’impression s’est concrétisée en développant des prototypes d’appareils électroniques. Il nous manquait un outil pour fabriquer des pièces sur mesure rapidement avec un coût de production abordable. Victor, le designer de l’équipe, avait déjà utilisé l’impression 3D FDM des années auparavant. Et devant les progrès de la technologie de fabrication additive nous avons rapidement introduit dans l’entreprise des imprimantes 3D pour compléter notre parc de machines de prototypage. Elles sont devenues un outils indispensable dans notre process de conception et de production.
« le danger à traiter nécessitait d’employer des systèmes spécifiques de filtration d’air »
Comment est née Alveo3D ?
Comme de nombreux makers et fablabs d’entreprises, nous avons utilisés nos imprimantes dans un local relativement petit. Rapidement nous avons ressenti des odeurs désagréables et des picotements des yeux et de la gorge notamment en imprimant de l’ABS.
Nous vivons dans les Alpes et nous apprécions de profiter d’un air sain et de manière générale nous prenons soin de notre santé. Il existe différentes sources, études scientifiques et témoignages d’utilisateurs pour valider la présence de dangers pour les opérateurs. En France le CNRS a publié des fiches sécurité sur l’impression 3D.
Après un tour d’horizon des solutions proposées sur le marché, nous avons été déçus de ne trouver aucun filtre dédié à la fabrication additive de bureau. Dans le meilleur des cas il existait des systèmes d’aspiration réemployant des cartouches filtrantes de pièces faciales. Mais d’après les études, le danger à traiter nécessitait d’employer des systèmes spécifiques de filtration d’air pour traiter deux types de polluants : Les Composés Organiques Volatiles (COV) et les nanoparticules.
Alors nous avons entrepris de concevoir notre propre système de filtration artisanal en s’inspirant de ce que faisait déjà certains makers pour se protéger. A force de vouloir améliorer le système de filtration nous avons acquis une certaine expertise en filtration d’air. Sans nous en rendre compte, nous avons fait plus d’une centaine d’itérations de composés de filtres et de boîtiers de filtration.
Quand nous avons réalisé à quel point notre système était abouti, nous nous sommes dit que cela pouvait être utile à la communauté des makers. Nous avons ouvert une boutique en ligne en février 2019 et nous avons proposé les premiers kits de filtration les plus abordables du marché avec un filtre spécialement conçue pour les émissions toxiques d’imprimantes 3D FDM. Ce kit s’imprime avec nos fichiers STL distribués en licence libre. C’est notre façon de rendre à la communauté des makers ce qu’elle nous a apporté au début de ce projet.
Depuis l’ouverture de la boutique, les demandes n’ont cessé de croître chez les particuliers mais aussi chez les professionnels. Nous avons alors élargi notre offre pour répondre aux attentes. Nous commercialisons les boîtiers imprimés et assemblés en plus de ceux vendus en kit. Nous avons également un service de fabrication de caisson sur mesure pour proposer une solution clé en main de sécurité.
« améliorer les résultats d’impression en maintenant une masse d’air stable et chaude autour du plateau »
Comment fonctionnent vos filtres et caissons ?
Dans notre bureau d’étude, les imprimantes sont toutes positionnées dans des caissons. C’est la garantie de réussir nos prints surtout avec certains thermoplastiques sujet à la rétractation tels l’ABS.
Ces caissons sont des outils de sécurité indispensables aussi bien à la maison qu’en entreprise pour mais aussi des outils de production pour améliorer les résultats d’impression en maintenant une masse d’air stable et chaude autour du plateau. C’est pourquoi nous avons fait le choix de concevoir les systèmes de filtration d’air Alveo3D en complément des enceintes d’imprimantes 3D.
Le gros défi que nous avons relevé dans le traitement des émissions toxiques d’imprimantes 3D de bureau c’est de faire un système à la fois efficace, compact, silencieux et qui s’adapte sur la plupart des caissons. Traiter les nanoparticules nécessite un filtre très performant mais aussi très résistant à l’air surtout dans un format compact. Il est donc nécessaire d’employer un ventilateur à haute pression mais relativement bruyant. Les ventilateurs de « PC » ne sont clairement pas suffisant.
Après une sélection minutieuse du filtre, nous avons élaboré un compromis efficace pour rendre le système assez silencieux dans un environnement de bureau en gardant des dimensions réduites et une filtration performante.
« un système qui se fixe sur des côté du caisson et qui va filtrer l’air tout au long du process d’impression »
Nous proposons 2 versions de notre système de filtration. Si le caisson de l’imprimante 3D est étanche, nous avons le AlveoONE-R qui va recycler l’air intérieur du caisson. C’est un boîtier mobile qui se pose dans votre enceinte.
Le modèle AlveoONE est un système qui se fixe sur des côté du caisson et qui va filtrer l’air tout au long du process d’impression. Comme la plupart des caissons ne sont pas étanches, c’est la solution la plus répandue. La ventilation générée à travers le filtre va créer un appel d’air et une légère dépression dans l’enceinte. Le flux d’air entrant sera réparti entre l’entrée d’air principale et les interstices qui ne laisseront pas échapper les émissions toxiques.
Nos caissons sont faits sur-mesure avec une structure en profilé d’aluminium et des panneaux de polycarbonates. Ils intègrent le système de filtration AlvoeONE et s’adaptent à la majorité des imprimantes.
« En ce qui concerne les solutions d’encloisonnement, les caissons Alveo3D sont réalisés sur-mesure »
Quelles sont les possibilités en terme de personnalisation ?
D’un point de vue esthétique, il est tout a fait possible pour les utilisateurs d’imprimer le boîtier AlveoONE dans la couleur de leur choix pour l’accorder avec leur installation personnelle ou mettre aux couleurs de leur entreprise. Nous proposons également ce type de service pour les fabricants d’imprimantes 3D qui voudraient accorder le système aux couleurs de leur marque.
Nous avons surtout la capacité de répondre à des demandes techniques spécifiques. Actuellement nous adaptons notre couple filtre-ventilateur pour répondre aux besoins des fabricants d’imprimantes 3D qui souhaitent équiper leurs machines d’une solution de filtration. Nous pouvons ajuster la dimension des filtres et la puissance des ventilateurs pour obtenir le compromis idéal.
En ce qui concerne les solutions d’encloisonnement, les caissons Alveo3D sont réalisés sur-mesure. Nous pouvons donc répondre à des besoins conventionnels pour capoter une imprimante 3D dans un bureau. Nous avons également la possibilité de répondre à des besoins plus spécifiques pour le capotage d’imprimantes de grand volume, de petites fermes d’impression 3D ou de machines d’extrusion de filaments.
A chaque prestation, nous incluons l’expertise Alveo3D en matière d’impression 3D car le capotage des machines de fabrication additive n’a pas qu’une visée sécuritaire. C’est aussi un outil indispensable dans la réussite des impressions.
« Un filtre H13 fait preuve d’au moins 99,95 % d’efficacité globale à la MPPS »
Quelles conditions doit remplir un filtre pour être qualifié d’HEPA ?
Le filtre HEPA est une appellation que nous retrouvons dans la classification de la norme EN1822. Il s’agit d’une catégorie de filtres à très haute efficacité. Cette efficacité est donnée en % de particules capturée à la MPPS (most penetrating particule size). C’est la taille de particule la plus pénétrante pour le filtre et donc le cas le plus défavorable. Elle est en général de l’ordre de 150 à 250nm.
Pour être HEPA, un filtre doit être testé individuellement, avec une efficacité globale mais aussi une efficacité locale c’est a dire en différents points du filtre. Un filtre H13 fait preuve d’au moins 99,95 % d’efficacité globale à la MPPS et 99,995 % pour un filtre H14.
Dans le cas de l’impression 3D, l’usage d’un filtre H13 ou H14 ne garantie pas l’efficacité sur les émissions de nanoparticules de 10 à 100nm. En effet la norme EN1822 défini l’efficacité pour la MPPS. Ce qui veut dire que le filtre HEPA n’est pas une simple passoire qui capture toutes les particules à partir d’une certaine taille.
Ce filtre dispose d’un profil d’efficacité en fonction notamment de la nature du média filtrant utilisé.
« La durée de vie est variable selon les types de filaments utilisés, les températures d’extrusion, ou le débit de filament »
Que pouvez-vous nous dire sur la composition de vos filtres et leur durée d’utilisation optimale ?
Les filtres Alveo3D sont composés d’une média filtrant plissé type HEPA 13 dont l’efficacité sur les nanoparticules de 10 à 100 nanomètres a été vérifiée. Il est protégé par une grille nylon afin d’éviter toute altération de la surface lors de la mise en place du filtre.
Les gaz toxiques sont traités avec un charbon actif spécialement sélectionné pour être efficace aux concentrations et aux types de COV émis par les principaux filaments plastique des imprimantes 3D. Le charbon actif est contenu dans une matrice d’alvéoles type nid d’abeille pour pouvoir être utilisé en position verticale et horizontale. Ce charbon actif élimine les odeurs désagréables de plastique fondu.
Pour garantir une étanchéité globale du filtre, il est entouré de mousse et muni de deux languettes de retrait pour les opérations de remplacement. La durée de vie est variable selon les types de filaments utilisés, les températures d’extrusion, ou le débit de filament. Dans le cas le plus courant avec une buse de 0,4mm et en utilisant de l’ABS, nous recommandons de remplacer le filtre tous les 3 mois en usage quotidien ou 6 mois en usage occasionnel. Cela correspond à 600 heures d’utilisation. Notre carte électronique V2 permet comptabiliser le nombre d’heures et de prévenir l’usure du filtre.
« Les vapeurs de Composés Organiques Volatiles regroupent un grand nombre de gaz plus ou moins toxiques »
Que sait-on aujourd’hui des risques liés aux émissions de COV et nanoparticules ?
Il s’agit d’un risque à long terme avec des effets chroniques potentiels. Les imprimantes 3D de bureau sont tellement simples d’emploi que l’on peut les retrouver dans de petits espaces de travail, à la maison, dans un placard … dans de petits locaux qui sont souvent peu ou pas ventilés. La concentration des polluants va augmenter régulièrement au fil du temps d’impression.
Les vapeurs de Composés Organiques Volatiles regroupent un grand nombre de gaz plus ou moins toxiques. Certains de ces COV émis par les filaments couramment utilisés sont classés cancérogènes. D’autres peuvent être irritants ou allergènes et provoquer de l’asthme ou des troubles neurologiques. Même dans le PLA qui a une base naturelle, la quantité d’additifs qui lui est adjoint peut provoquer une certaine toxicité.
La gravité de l’exposition dépend de la fréquence, de la concentration voie et la durée d’exposition. Dans le cas de l’impression 3D nous parlons malgré tout, de faibles concentrations. En revanche, les opérateurs peuvent peuvent subir une exposition fréquente et de longue durée. Le risque de voir des symptômes aigüe est faible en revanche nous constatons de nombreux symptômes chroniques avec en premier lieu, les irritations de la gorge et les picotements des yeux.
Le risque lié aux nanoparticules est encore à l’étude mais il présente un potentiel de toxicité très élevé. Le centre de lutte contre le cancer indique que « la biopersistance des nanomatériaux fait craindre un risque de toxicité chronique, voire de développement de cancers avec la conjugaison du processus de génotoxicité et de l’inflammation chronique ». Malheureusement les nanoparticules peuvent se loger en profondeur dans l’organisme, dans les organes et le cerveau et sont difficilement éliminées par le corps humain.
Nous avons mesuré des concentrations en nanoparticules jusqu’à un taux 100 fois supérieur aux valeurs atmosphériques. Même en impression PLA, nous avons enregistré des concentrations de 15000 à 60000 nanoparticules par cm3 pendant l’impression contre 4000 en air ambiant.
Que faire des filtres usagés ?
Rize One devient la première imprimante 3D au monde certifiée GREENGUARD
Les filtres sont fournis avec un sachet hermétique. Lorsque le filtre usagé est remplacé il doit être placé dans ce sachet et jeté en vue d’une incinération. Pour les professionnels nous proposons un service de récupération des filtres usagés et de fourniture automatique des filtre neufs. De plus en plus de services d’hygiène et sécurité demandent des garanties en matière de protection des opérateurs d’imprimantes 3D.
« Dans la continuité de ce travail pour le marché des professionnels, une version AlveoONE-PRO est en préparation »
Quelles sont vos nouveautés à venir ?
Dans la continuité de ce travail pour le marché des professionnels, une version AlveoONE-PRO est en préparation. C’est un nouveau boîtier de filtration avec des systèmes de sécurité avancés. L’objectif est de répondre aux attentes des organismes qui contrôlent les règles d’hygiène et sécurité en entreprise pour permettre de maintenir les imprimantes 3D de bureau sans avoir à aménager tout un local à pollution spécifique. Ce système de filtration sera doté d’un nouveau filtre encore plus performant et plus durable.
En complément de nos solutions actuelles pour l’impression FDM, nous attendons quelques résultats d’études pour développer un modèle optimisé pour les imprimantes à stéréolithographie (SLA).
L’équipe Alveo3D travaille aussi sur la conception d’une petite gamme de caissons plus accessibles pour les particuliers à moins de 300 euros. C’est un défi intéressant surtout devant l’offre pléthorique de machines. Nous allons nous concentrer en premier lieu sur les modèles les plus répandus.
Articles relatifs aux systèmes de filtration pour l’impression 3D
Rize One devient la première imprimante 3D au monde certifiée GREENGUARD
Un caisson pour se protéger des émissions nocives des imprimantes 3D
3DPrintClean lance un caisson de filtration ultra léger pour imprimante 3D