A l’image des imprimantes 3D personnelles qui ces dernières années ont déferlé en masse sur le marché, on assiste aujourd’hui à une véritable avalanche de nouveaux matériaux. En effet, suite à l’expiration du brevet clef de Stratasys sur le FDM en 2009, le marché des imprimantes 3D à extrusion a explosé tirant derrière lui celui des filaments plastiques. Représentant 250 millions de dollars en 2014 pour 64% du marché, ces matériaux devraient même dépasser les 600 millions € en 2019. Une situation qui a débouché sur une offre exhaustive de filaments, et plus particulièrement sur le PLA, le matériau le plus utilisé pour les imprimantes 3D personnelles et particulièrement prisé par les makers. Difficile donc de s’y retrouver pour l’utilisateur, l’offre multiple et la qualité des filaments pouvant varier beaucoup d’un fournisseur à un autre…
Fort de ce constat, la start-up française 3D Matter a mené une étude comparative pour mettre en évidence les meilleurs PLA et visant à améliorer ces matériaux. Des tests portant sur plusieurs critères tels que la finition, la résistance, la rigidité… sur des filaments classiques et composites pour aboutir à plusieurs tableaux comparatifs. Souhaitant connaitre les tenants et les aboutissants de ce projet, Primante 3D a donc interrogé Arthur Sebert le fondateur de 3D Matter. Ce dernier nous dévoile la genèse de sa start-up et les détails de cette étude comparative.
« Les filaments modifiés présentent de vraies différences avec les PLA de base… »
Arthur bonjour, pourrais-tu te présenter ? Parle-nous un peu de ton cursus ?
Bonjour. J’ai une éducation d’ingénieur : je suis diplômé des Ponts Paristech et j’ai un master en ingénierie du développement durable de l’Université de Cambridge. En revanche mon expérience professionnelle est plutôt « business » : avant de me lancer dans l’entreprenariat, j’ai fait du conseil en stratégie chez Roland Berger pendant 4 ans aux Etats-Unis dans les secteurs de l’Energie et de la Production Industrielle.
Dans quelles circonstances as-tu découvert l’impression 3D ?
Mon premier contact avec la technologie a été la lecture de l’article « Print me a Stradivarius » de The Economist en 2011. Mais c’est en travaillant sur un projet sur les matières plastiques pour un client à Roland Berger que j’ai véritablement découvert la technologie. En voyant les couts très élevés des matières premières pour cette technologie, je me suis dit que l’industrie devait en être à ses balbutiements, et qu’il y aurait surement un besoin de démocratisation et d’innovation pour diversifier les matériaux et les rendre plus abordables.
Présente-nous 3D Matter. Comment est née cette start-up et qui sont ses protagonistes ?
3D Matter est un projet que j’ai commencé l’été dernier, même si cela faisait au moins un an que j’y pensais. J’ai commencé seul car le type de profil complémentaire – plus technique – que je recherchais n’était pas disponible à cette époque. Je pensais avoir plus de facilité à trouver si j’avais la crédibilité nécessaire, et j’ai donc cherché des collaborateurs en même temps que je développais mes connaissances dans l’industrie. Depuis, 3D Matter a deux personnes au profil plus techniques qui travaillent à plein temps avec moi, et nous collaborons également étroitement avec un chercheur de l’ESPCI et un chercheur des Arts et Métiers.
Quel est votre modèle économique ? Comment vos études sont-elles financées ?
Au début le but était de créer de la valeur sans penser à une éventuelle monétisation et voir ce qui en sortirait, donc les deux premières études que l’on a écrites ont été faites gratuitement et sont disponibles gratuitement. L’intérêt que ces études ont suscité a conduit de nombreuses entreprises vendant des matériaux à nous contacter pour tester leurs produits. Du coup, nous travaillons maintenant directement avec des fournisseurs de filaments pour développer de nouvelles études. Nous commençons également à formuler des filaments et de résines. Nous ne sommes pas encore sûrs de ce que l’on fera de ce travail plus « R&D » mais nous espérons que cela complètera notre offre de test. Dans tous les cas, cela nous aide à comprendre les challenges auxquels font face les fabricants de matériaux.
« une procédure de test sur une sélection représentative des filaments existants »
En début d’année vous-avez publié une étude comparative sur 10 filaments PLA. Comment s’est passée la sélection ? Pourquoi précisément ce matériau et ces fabricants ?
La première étude avait essentiellement pour but d’esquisser une procédure de test sur une sélection représentative des filaments existants. Le PLA est le matériau le plus utilisé sur les imprimantes 3D personnelles, donc cela semblait logique de commencer par là. Nous nous sommes basés sur les filaments que nous avions déjà et nous avons rajouté des marques de PLA de référence comme Colorfabb ou Makerbot, et des types de filaments différents comme le Carbon Fiber de ProtoPasta ou le CopperFill de Colorfabb.
Les principaux critères d’évaluations
- Performance : Résistance mécanique des matériaux
- Qualité : État de la surface, aspect final de la pièce imprimée
- Procédé : Facilité d’usage du filament
Les tests ont étés effectués à température ambiante sur la même imprimante 3D (DOM) et selon les paramètres suivants :
- Température : 200°C
- Vitesse : 120mm/s (performance), 40mm/s (qualitée)
- Hauteur de couche : 0.25mm (performance), 0.15mm (qualitée)
« Nous avons trois critères d’évaluation pour les filaments »
Quel a été le protocole et quels étaient les critères d’évaluation et les tests de performance ? L’étude visait quel diamètre de filament ?
Nous avons trois critères d’évaluation pour les filaments : Performance, Qualité visuelle et Procédé. Ce sont les trois piliers qui font qu’un filament est globalement meilleur, même si ensuite cela dépend de l’application que l’on en fait. Pour expliquer un peu :
La Performance est l’évaluation des propriétés mécaniques de l’objet imprimé. Pour cette première étude nous avons fait des tests en traction sur des éprouvettes imprimées à 80% de remplissage.
La Qualité est l’évaluation de l’aspect visuel de l’objet imprimé. Nous avons imprimé le même objet plusieurs fois pour chaque filament et différentes personnes ont classé ces impressions pour que nous arrivions à un consensus.
Le Procédé représente la facilité d’impression du filament : qualité de la bobine, absence de nœud, buse qui ne se bouche pas, adhésion à la plateforme d’impression… etc.
Ici je décris le protocole de la première étude, mais depuis nous l’avons complété grâce aux retours d’utilisateurs et d’entreprises de l’impression 3D.
L’étude est pour des filaments de diamètre 1.75mm. A l’exception des Ultimaker, c’est vraiment le diamètre le plus répandu.
Cette étude a été menée sur combien de temps ? Qui sont ses protagonistes ?
L’étude a pris à peu près deux mois à faire. Nous avons travaillé avec la startup DOOD qui fabrique des imprimantes FDM personnelles pour faire les impressions et analyser les résultats, et nous avons utilisé les machines de tests et l’expertise de l’école des Ponts Paristech pour la partie mécanique.
Température d’extrusion, épaisseur de couche, vitesse d’impression, température de plateau… On sait que chaque filament possède ses propres paramètres optimaux, des réglages qui conditionnent le résultat. Dès lors l’étude de 3D Matter est-elle vraiment pertinente, à partir du moment où elle impose les mêmes paramètres à tous les filaments ? Pourquoi avoir choisi la DOM et pas des imprimantes qui ont fait leur preuve (Zortrax, Ultimaker…) qui aurait permis de tirer le meilleur de ces filaments ?
C’est toute la difficulté de mettre en place des standards pour l’impression 3D : le fait que de nombreux paramètres influencent le résultat. Notre procédure de test essaie de trouver le juste milieu entre un test qui ne prend pas assez de paramètres en compte pour être pertinent, et un test qui en prend tellement en compte qu’il est incompréhensible pour l’utilisateur.
Nous avons déjà changé la procédure depuis la première étude, justement pour améliorer notre jugement : entre autre, nous faisons les tests sur une imprimante très répandue (la MakerBot 5eme Gen pour notre dernière étude), nous prenons des filaments d’une seule couleur (bleu), nous faisons varier la température d’extrusion pour tester la qualité… etc. Le retour des utilisateurs sur notre procédure est très important pour cela, même si nous ne pouvons pas tout faire évidemment.
« les filaments modifiés comme le CopperFill de Colorfabb présentent de vraies différences avec les PLA de base »
Peux-tu nous résumer les résultats et ce qu’il en est ressorti ? As-tu été surpris par les performances de certains filaments ?
On a trouvé que les différences entre PLA ne sont pas énormes – en tout cas elles justifient difficilement les différences de prix observables sur le marché. En revanche, on voit que les filaments modifiés comme le CopperFill de Colorfabb présentent de vraies différences avec les PLA de base. C’est très prometteur pour les filaments FDM.
Quels ont été les retours des utilisateurs et des fabricants ?
Les fabricants sont très intéressés par l’effort que l’on fait, parce qu’il y a un manque cruel de standards dans l’industrie de l’impression 3D. Nous avons donc déjà plusieurs clients qui souhaitent en savoir plus sur leurs filaments, ou sur le comportement de certains filaments sur leurs machines. Coté utilisateur on a eu beaucoup de retours intéressants pour améliorer notre procédure. On a donc déjà inclus beaucoup de leurs commentaires pour optimiser notre travail sur les nouvelles études que nous sommes en train de publier.
On a essayé de quantifier l’influence de ces paramètres d’impression sur la performance mécanique, sur la vitesse et le cout d’impression, et sur la qualité visuelle. Nous montrons toutes les données que nous avons récupérées pendant notre étude, ce qui procure une base de travail pour les ingénieurs qui souhaitent répliquer ou approfondir ce genre d’études. Mais je dirais que l’effort le plus difficile pour cette étude a été de transcrire nos résultats quantitatifs en recommandations directement utilisable par tout utilisateur. Je pense que nous sommes arrivés à un résumé satisfaisant à travers un tableau qui propose des suggestions de paramètres à choisir selon les exigences que l’utilisateur a pour son impression.
As-tu une actualité ou un projet à partager ?
Nous venons de publier une 3ème étude sur les filaments PLA et ABS, et en particulier sur certaines marques qui ont mis sur le marché des filaments « améliorés », c’est-à-dire qui se basent sur ces chimies mais ont une performance ou une processabilité améliorée. Cette étude permet de bien définir le champs des possibles relatif aux deux chimies les plus utilisées en impression 3D personnelle (PLA et ABS) et montre ce qui est déjà fait pour en améliorer les caractéristiques.
L’intégralité de l’étude disponible ici.
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