Fut un temps strictement reléguée au prototypage, la fabrication additive se présente aujourd’hui comme une option de plus en plus crédible face aux techniques traditionnelles que sont l’usinage et l’injection plastique. Ses nombreux bénéfices, d’agilité, de liberté géométrique et de localisation mis en exergue pendant la crise de la Covid, s’invitent depuis quelques années dans la production des usines pour répondre à des besoins spécifiques de pièces d’utilisation finale en série. Une tendance qui coïncide notamment avec l’arrivée d’imprimantes 3D de bureau de qualité professionnelles et industrielles, dont les performances améliorées répondent de mieux en mieux aux standards industriels. Sur ce segment en plein essor, la France compte plusieurs fabricants dont le toulousain eMotion Tech. Positionnée à ses débuts sur les imprimantes 3D grand public en kit, l’entreprise qui s’est orientée par la suite vers une solution professionnelle grand format, nous revient avec une nouvelle machine industrielle plus abordable pensée pour les PME. Co-fondateur d’eMotion Tech, Franck Liguori nous en dévoile les contours.
« la IDEX 420 se veut être une machine de qualité industrielle, au prix des machines de bureau haut de gamme »
Bonjour Franck, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore eMotion Tech, pourrais-tu rappeler un peu votre genèse et votre philosophie ?
Bonjour Alexandre, eMotion Tech fait partie des plus vieux fabricants français de machines de fabrication additive, plus communément appelées imprimante 3D puisque nous fêtons nos dix ans l’année prochaine. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, nous fabriquons depuis 2012 des machines destinées au grand public et aux établissements scolaires.
Sept ans plus tard après avoir vendu des dizaines de milliers de machines sur ce secteur nous avons souhaité nous diversifier en sortant une machine à destination des industriels.C’est donc en 2019 que nous avons sorti Strateo3D DUAL600 notre premier modèle à destination des industries. Cette machine représente aujourd’hui, deux ans plus tard 80% de notre activité, nous avons donc clairement pivoté vers ce secteur.
Comme avec les petites machines, notre philosophie a toujours été de démocratiser la fabrication additive, on a donc toujours pour ambition de proposer un rapport qualité/prix imbattable. Par exemple la DUAL600 était à sa sortie la machine grand volume avec chauffe active la moins chère dans sa catégorie.
« 2021 est également un défi avec les cours des matières premières qui s’envolent, les pénuries de semi-conducteur… »
2020 a été une année comme chacun sait très particulière, placée sous le sceau de la Covid. Comment eMotion Tech a-t-il traversé cette période ?
C’était une période vraiment spéciale, surtout le premier confinement qui a été très intense chez eMotion Tech, au départ le désarroi avec la fermeture de tous nos clients et fournisseurs. C’était triste car on se préparait à fermer et puis, il y a toujours eu un petit quelque chose qui nous a permis de repousser cela en permanence. Rapidement on s’est rendu compte qu’on avait toutes les cartes en main pour faire quelque chose et c’est devenu l’effervescence avec des recherches de solutions pour aider. On s’est très vite rapproché du Roselab pour rechercher une solution afin de fabriquer un masque alternatif, puis comme « tout le monde » dans notre milieu, nous avons fabriqué et offert des visières par dizaines de milliers.
Le boom des particuliers en recherche de plastique pour imprimer des visières créait une sorte d’euphorie, on a beaucoup donné sur cette période mais c’était clairement une évidence. On est resté fidèle à notre état d’esprit « l’humain avant tout » et on n’a pas profité économiquement de cette situation.
Par la suite ça a été spécial, il est évident qu’on a été « impactés », mais on fait partie des chanceux qui ont vu leur croissance prévisionnelle faiblement amoindrie, contrairement à beaucoup d’entreprises qui ont souffert de la situation. 2021 est également un défi avec les cours des matières premières qui s’envolent, les pénuries de semi-conducteur etc… On travaille beaucoup en national donc on tire également plutôt bien notre épingle du jeu, bien qu’on subisse des augmentations de coûts à plusieurs niveaux.
« 80% du terreau industriel français est composé d’industries à taille modeste… »
eMotion Tech fait sa rentrée avec une nouvelle imprimante 3D dénommée « Strateo3D IDEX420 ». Quel est le point de départ de cette machine ? Comment au sein de l’équipe avez-vous l’habitude de vous répartir les responsabilités pour créer une nouvelle imprimante ?
La rédaction du cahier des charges d’un nouveau développement part toujours d’une réflexion stratégique. Ici, le point de départ a été un constat : Strateo3D DUAL600 a conquis la grande majorité des grandes industries françaises, mais 80% du terreau industriel français est composé d’industries à taille modeste. Ensuite, c’est l’ensemble de nos services qui sont mobilisés pour apporter leur pierre à l’édifice.
Du service R&D / bureau d’étude pour les choix techniques, au service commercial / marketing pour bien se positionner dans un marché qui bouge à vitesse grand V, au service technique et client qui disposent de retours clients clés.
On valide ensemble un cahier des charges et une roadmap et c’est à partir de là que le bureau d’étude développe. Lorsqu’il y a des choix critiques ou des écarts à faire par rapport au plan, on se pose et ont réfléchi en essayant de mettre le doigt sur la solution la plus pertinente. Bien sûr cette « gestation » est avant tout le travail de notre BE, mais c’est toute l’entreprise qui porte le projet, et c’est à chaque fois l’effervescence au moment de présenter nos nouvelles créations.
Le résultat est que, la IDEX 420 se veut être une machine de qualité industrielle, au prix des machines de bureau haut de gamme, pensée et optimisée pour être la plus productive possible.
« Strateo3D IDEX420 permet d’imprimer deux fois plus de pièces pour un même temps donné »
Quels sont les spécificités et les atouts de cette machine par apport à ses aînées et ses concurrentes ?
Equipée de deux outils d’extrusion indépendants, Strateo3D IDEX420 permet d’imprimer deux fois plus de pièces pour un même temps donné. Elle est dotée d’une surface d’impression de 420 mm x 320 mm x 400 mm. Son atmosphère thermorégulée permet l’utilisation des matériaux standards aux plus techniques. À ce tarif, elle est la seule à disposer d’une chauffe active et c’est clairement un vrai plus pour imprimer les polymères à fort retrait et limiter le taux d’échecs.
Également, elle est, comme sa grande sœur, dotée d’outils intelligents et modulaires avec détection & calibration automatiques permettant plus de souplesse dans l’utilisation de la machine. Et bien entendu d’un système de filtration de série éliminant jusqu’à 99.95% des particules de 0.3 microns avec un débit de 40 m3/h. Concrètement, on peut tout imprimer sur cette machine, à l’exception des polymères tels que le PEEK et l’ULTEM qui nécessitent une chambre chauffée à 150°C pour être correctement imprimés.
Sur la partie logicielle quelles ont été les améliorations apportées ?
Le développement de cette machine a donné lieu à une refonte totale de la partie OS machine de notre logiciel StratoControl. Le résultat est vraiment sympa, très propre et moderne avec un swipe up, des transitions glass, je suis assez fier du travail de nos équipes de développement logiciel. En termes d’expérience utilisateur, on travaille également sur le process de calibration pour l’automatiser entièrement avec la volonté d’aller jusqu’à l’intégration des préchauffes pour qu’il n’y ait pas d’erreurs possibles. Le développement de Stratocontrol desktop est toujours en cours avec des nouvelles fonctionnalités de travail collaboratif à venir prochainement.
« L’IDEX 420 vient confirmer ce virage et affirmer nos ambitions de devenir un acteur de référence »
Que peux-tu nous dire sur vos ambitions et votre cible clientèle avec cette machine ?
Avec la DUAL600, nous avons plus qu’initié un virage vers le pro et plus spécifiquement l’industrie. L’IDEX 420 vient confirmer ce virage et affirmer nos ambitions de devenir un acteur de référence, non seulement pour les industriels, mais plus généralement pour les professionnels. Début 2020, nous avons débuté une campagne de développement international Européen, nous sommes aujourd’hui représentés dans une douzaine de pays d’Europe. IDEX420, de par son positionnement prix plus agressif et ses capacités techniques supérieures à ces concurrentes à tarif équivalent, nous permettra de valider et dynamiser ce développement et d’envisager rapidement de nouveaux horizons internationaux.
« Aujourd’hui aucune machine de catégorie bureau ne répond à cette directive… »
L’IDX420 s’accompagne d’une autre nouveauté appelée Strateo3D WB600, une imprimante 3D présentée comme l’une des rares à répondre à la Directive Machine 2006/42/CE. Quel est le cahier des charges de cette directive et les difficultés rencontrées pour la respecter ?
La directive machine atelier 2006/42/CE est un gage de protection de l’utilisateur où le sujet de la sécurité doit être poussé à son paroxysme. Il garantit que le risque de blessure ou d’accident est minimisé, même dans des circonstances où l’utilisateur va lui-même chercher le danger. Aujourd’hui aucune machine de catégorie bureau ne répond à cette directive et leur présence en atelier est donc normalement l’objet d’une mise en conformité obligatoire prise en charge par l’entreprise.
Pour l’un de nos clients dans l’univers du Luxe, nous avons développé une adaptation de la DUAL600 répondant strictement à cette directive et, sans la commercialiser officiellement, celle-ci a déjà trouvé son public. Il ne manquait pas grand-chose mais cela a nécessité l’ajout de matériel électrique coûteux, permettant notamment la coupure brutale du courant à l’ouverture des portes, un gros bouton rouge, des relais et la validation des organismes de certification tels que l’Apave ou Veritas. Cette variante a été, sans être proposée, demandée et est d’ores et déjà installée chez Safran, Thales, Airbus… Nous avons donc décidé de la commercialiser officiellement.
Que peux-tu nous dire enfin sur les disponibilités et prix de ces deux nouvelles machines ?
La IDEX420 est en phase de pré-commande avec un prix de lancement à 6 000 € valable jusqu’à fin octobre, puis un prix final à 6 990€H.T. Les premières livraisons sont prévues début décembre. La WB600 est d’ores et déjà disponible au tarif de 15 800 € H.T.
*crédits photos : eMotion Tech