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Rencontre avec BONE 3D : l’impression 3D à la française au service de la médecine de demain

Le simulateur de chirurgie guidée implantaire mandibulaire de face

Le simulateur de chirurgie guidée implantaire mandibulaire

Il est acquis que la fabrication additive est en train de monter en puissance dans de nombreux secteurs, tout particulièrement dans le médical. De plus en plus de professionnels de la santé se mettent à adopter cette technologie pour créer des dispositifs parfaitement adaptées à la morphologie des patients. Très utile pour fabriquer des prothèses, des implants ou encore des simulateurs chirurgicaux, cette capacité de personnalisation de l’impression 3D a fait naître de nouvelles pépites de la MedTech. Sur ce créneau en plein essor, le dernier venu s’appelle Bone 3D. Située dans le XIIIème arrondissement de Paris, cette jeune pousse tricolore fabrique des dispositifs médicaux sur-mesure par impression 3D.  Souhaitant en savoir plus, Primante3D a interrogé son fondateur Jérémy Adam.

« nous sommes la seule entreprise purement Française proposant autant de dispositifs médicaux pour autant de spécialités différentes »

Jeremy Adam

Jérémy Adam

Bonjour Jeremy, pouvez-vous vous présenter ? Dites-nous en plus sur votre parcours.

Bonjour Primante 3D – Alexandre ! Tout d’abord, merci beaucoup pour cette opportunité de vous parler de nous. J’ai la chance de diriger une équipe de jeunes passionnés d’impression 3D qui ont à cœur d’offrir à la médecine des outils innovants issus de l’impression 3D.

Me concernant j’ai toujours été fasciné par la médecine. Au cours de ma première année de prépa j’ai découvert, je pense qu’il n’y a aucun mal à l’avouer, avec Iron Man, une fascination pour le transhumanisme, qui promeut l’utilisation des découvertes scientifiques et techniques pour l’amélioration des performances humaines.

C’est ainsi que j’ai ensuite suivi un master de bioingéniérie médicale à l’université paris Descartes où j’ai eu la chance de me former avec l’Institut de Biomécanique Humaien Georges Charpak. Pour valider mon master 2, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers, j’ai travaillé avec Materialise, une entreprise Belge très dynamique dans l’impression 3D.

Ils m’ont ensuite proposé de faire une thèse sur des structures en titane imprimées en 3D permettant de remplacer l’os dans les grands défauts osseux. Et c’est enfin après l’obtention de mon doctorat que j’ai souhaité créer Bone3D.

« j’ai vu que l’impression 3D permettait de résoudre bon nombre de ces problèmes »

Comment vous est venue l’idée de BONE 3D ?

Pendant ma thèse, j’ai tissé un lien fort avec les praticiens hospitaliers qui ont partagé avec moi les difficultés qu’ils éprouvaient chaque jour à trouver des solutions pour leurs patients. En discutant avec eux après ma thèse, j’ai vu que l’impression 3D permettait de résoudre bon nombre de ces problèmes. Et c’est ainsi que nous avons déposé nos premières demandes de brevet. Avec ces praticiens : Ludovic Benichou, Serge Ketoff et un ami ingénieur : Benoît Perrin, nous avons ensuite décider de créer Bone 3D.

Bone 3D développe, depuis avril 2018 des dispositifs médicaux, les imprime en 3D et les distribue, en France et partout en Europe.

« Du fait de la jeunesse de Bone 3D, nous proposons aujourd’hui surtout des attelles »

Quel genre de dispositifs médicaux proposez-vous ?

Du fait de la jeunesse de Bone 3D, nous proposons aujourd’hui surtout des attelles, comme par exemple nos attelles de nez sur-mesure C-Rhino et des guides chirurgicaux, comme nos gouttières pour le repositionnement orthognatique GI-Maxilla.

Notre expertise poussée en segmentation d’imagerie médicale nous a aussi permis de mettre au point une gamme de simulateurs de chirurgie couvrant aujourd’hui la neurochirurgie et la chirurgie maxillo-faciale. Courant d’année 2019 nous allons nous doter d’une imprimante 3D Titane pour concevoir du matériel chirurgical implantable.

simulateur de chirurgie implantaire

Le simulateur de chirurgie guidée implantaire mandibulaire de profil

« L’impression 3D permet de tout prévoir en avance, améliorant considérablement le confort chirurgical… »

Comment ces dispositifs sont-ils fabriqués habituellement et quels sont les principaux avantages de l’impression 3D ?

Habituellement, tous ces dispositifs sont fabriqués à la main, ce qui prend énormément de temps, ou « bricolés » au bloc opératoire. L’impression 3D permet de tout prévoir en avance, améliorant considérablement le confort chirurgical et réduisant le temps opératoire tout en apportant précision et sécurité.

Idem pour le patient, prenez l’exemple d’une prothèse de genou, la technique classique consiste à couper les os du patient pour qu’ils correspondent à la prothèse, on coupe les surfaces articulaires pour créer des plateaux droits, c’est très traumatisant et biomécaniquement irrationnel.

Avec l’impression 3D il est possible d’adapter la prothèse au patient, conservant au maximum son capital osseux et réduisant au maximum les traumatismes liés à la chirurgie. Cette approche permet au patient de se remettre plus rapidement et plus durablement.

Visuel montrant quelle partie anatomique les simulateurs font références

Quelles sont les différentes étapes de fabrication ?

Pour la fabrication, nous partons toujours, quel que soient nos produits, de l’imagerie médicale (CT-Scan, IRM) à partir de ces données brutes, qui sont des coupes radiologiques, nous réalisons une étape appelée segmentation, qui consiste à isoler les structures d’intérêt et à créer des modèles 3D. A partir de ces modèles 3D, nous travaillons en CAO (conception assistée par ordinateur) pour dessiner des structures et/ou retravailler les surfaces de l’anatomie.

Ensuite, pour le simulateur de chirurgie, vient une étape de conciliation avec les médecins séniors, où ils décrivent les sensations qu’ils souhaitent retrouver sur le simulateur et retravaillent avec nous les fichiers CAO.

Lorsque nous sommes d’accord sur la forme du simulateur, les fichiers sont préparés, à chaque structure est associé un matériau particulier, déterminé à partir des propriétés mécaniques des vrais tissus. Ensuite, le modèle est imprimé, puis nettoyé et enfin expédié.

Imprimante 3D J750 de Stratasys

Imprimante 3D J750 de Stratasys

Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement de la J750 que vous utilisez et ses capacités ?

La Stratasys J750 est une machine hors-norme qui offre des possibilités énormes. Elle fonctionne un peu comme une imprimante jet d’encre classique. Elle a 7 matériaux différents, comme des cartouches d’encre. A chaque passage, elle va déposer du matériau support pour permettre aux autres matériaux « modèle » de tenir, c’est un peu comme si l’imprimante jet d’encre créais sa feuille de papier à chaque fois.

Elle pose une couche de gouttelette très fine (quelques microns, de 14 à 28 selon la vitesse choisie) à chaque passage, laquelle est polymérisée instantanément grâce à une lampe à UV intégrée dans la tête d’impression. Enfin, un rouleau vient lisser la couche qui vient d’être déposée. Elle reproduit ensuite ce schéma à chaque passage.

Sa précision hors-norme (14 microns en 7 et jusqu’à 600dpi en XY) nous permet de maîtriser très finement les matériaux de chacune de nos structures avec des mélanges très précis. Nous poussons encore la technique plus loin en allant jusqu’à maitriser l’organisation des différentes gouttelettes au sein de chaque structure, ce qui nous permet de contrôler parfaitement les propriétés mécaniques de nos simulateurs. En plus, bonus agréable, elle nous permet de maitriser la couleur de chacune de ces structures !

attelle et conformateur imprimés en 3D

Que pouvez-vous nous dire sur l’état du marché des DM en France et vos ambitions ?

Aujourd’hui, nous sommes la seule entreprise purement Française proposant autant de dispositifs médicaux pour autant de spécialités différentes. La plupart des DM proviennent de multinationales implantées à l’étranger, c’est dommage. Je pense que dans le monde d’aujourd’hui il est inconcevable de faire tout fabriquer à l’étranger.

Cela va peut-être paraitre paradoxal, mais je souhaite aussi développer Bone3D hors des frontières françaises, à ceci près que je souhaite toujours produire local. C’est possible avec l’impression 3D, même si les matières premières viennent de loin, cela génèrera toujours moins d’emballage et d’étapes intermédiaires que les pratiques actuelles. Cela permet en plus de réduire les temps de livraison, ce qui est crucial dans le milieu médical.

« une évolution logique qui va rapidement s’imposer comme standard dans la chirurgie… »

Comment voyez-vous évoluer l’impression 3D dans le domaine chirurgical ?

Je pense que c’est une évolution logique qui va rapidement s’imposer comme standard dans la chirurgie. Elle permet des traitements adaptés, nécessitant donc moins de reprise, ce qui au final coûtera beaucoup moins cher que la chirurgie actuelle tout en offrant de bien meilleurs résultats.

Mais je pense aussi que cette alliance entre la technique et la médecine va faire évoluer l’impression 3D, ce qui se cache derrière tout ça, c’est ce qui sera pour moi la prochaine révolution : la bio-impression et la mécanisation de l’être humain, la fiction a souvent devancé la réalité, rappelez-vous Iron Man et Le cinquième élément.

Alexandre Moussion