Matériau traditionnel par excellence utilisé depuis la Grèce antique pour ses qualités thermiques et mécaniques, la céramique ouvre des perspectives passionnantes sur le marché de l’impression 3D. Du secteur médical à l’aérospatial, la fabrication additive permet d’exploiter pleinement les capacités de la céramique en réalisant des pièces plus légères mais aussi plus complexes. Dans le cas d’implants médicaux par exemple, la porosité structurée en trois dimensions favorise une meilleure intégration et repousse osseuse, ainsi que la résistance mécanique des substituts. Basée à Limoges, le français 3DCeram compte parmi les très rares entreprises dans le monde à maîtriser l’impression 3D céramique par stéréolithographie. Hissée au rang de leader mondial sur ce marché émergent, cette société produit des composants pour de grands groupes industriels tels que Safran, Thales ou encore Air Liquid, mais aussi des centres hospitaliers comme le CHU de Limoges. Pour tenter de percer les secrets de sa technologie et connaître ses ambitions, PRIMANTE3D a interrogé son co-dirigeant Richard Gaignon.
« Le marché de l’impression 3D céramique sera réellement dans sa phase mature quand des lignes de fabrication automatique seront proposées »
Richard Gaignon bonjour, comment devient-on le CEO de 3DCeram ? Parlez-nous un peu de votre parcours.
C’est le parcours de l’Amitié. Une amitié qui a débuté en 1985 avec mon associé chez 3DCeram : Christophe Chaput. Tous les deux ingénieurs céramistes, nous avons des parcours très différents ; lui a eu une carrière en tant que fabricant de produits de céramiques techniques et directeur de centre technique (17 ans au CTTC). De mon côté, j’ai travaillé 20 ans dans une entreprise d’ingénierie construisant des usines de produits céramiques dans le monde entier. Au-delà de notre amitié, nous avions besoin de nouveaux challenges, d’où le rachat en commun de 3Dceram en 2009.
Très peu d’entreprises dans le monde fabriquent des imprimantes 3D pour la céramique. Comment est née 3DCeram ?
En 2009, 3Dceram, qui s’appelait Cerampilot, réalisait un chiffre d’affaire de 20 K€ en vente de pièces produite en 3D, autrement dit moins de 2% du chiffre d’affaire global. 2010, changement de nom, nous devenons 3DCeram et orientons l’entreprise sur la fabrication de pièces en 3D pour les marchés du biomédical, du luxe et diverses industries.
Pour accompagner notre croissance, nous avons développé notre propre imprimante pour nos besoins de production mais également nos mix de céramiques techniques pour cette imprimante. Fin 2015, nous avons pris la décision de commercialiser notre imprimante, la C900. La vente d’imprimantes est aujourd’hui notre principale source de revenus.
« Fabriquer des pièces en impression 3D ne s’arrête pas à l’étape de l’impression, encore faut-il maîtriser l’ensemble du process »
La céramique constitue un véritable défi technique pour l’impression 3D. Quelles difficultés avez-vous dû relever pour développer votre technologie ?
Fabriquer des pièces en impression 3D ne s’arrête pas à l’étape de l’impression, encore faut-il maîtriser l’ensemble du process : impression, déliantage (brûlage du liant organique) et frittage. Cette maîtrise de l’ensemble du process, acquise dans notre activité de production de pièces, est d’ailleurs ce qui nous différencie de nos concurrents qui eux, bien souvent, ne maîtrisent au mieux que la fabrication de machines d’impression 3D.
Nous profitons de cette expérience pour répondre aux besoins des marchés que nous adressons sur une technologie qui est encore jeune. C’est très excitant car le marché de l’impression 3D fait ses preuves par l’expérience et ouvre des perspectives de déploiement très intéressantes autant pour l’industrie que pour nous.
Que pouvez-vous nous dire sur le fonctionnement de votre technologie ?
Toute la gamme des Ceramakers est basée sur la technologie de la stéréolithographie (SLA) appliquée aux céramiques techniques. On part d’un mélange de céramique et de résine qui se présente sous forme de crème plus ou moins visqueuse. Cette crème est étalée en fine couche (de 25 à 100µm) sur une plateforme de travail qui varie selon les modèles de Ceramaker (de 100*100 jusqu’à 600*600). Un laser UV vient polymériser (durcir) la résine aux endroits qui représentent la section de la pièce. Le plateau de travail descend et le cycle reprend.
Une fois la pièce formée, elle est nettoyée puis mise dans des fours pour déliantage (brûlage de la résine) et frittage (obtention des propriétés finales de la céramique). Cette technologie de SLA est innovante pour la mise en forme et tout ce qui suit l’impression est déjà utilisée dans des procédés traditionnels de mise en forme (injection, pressage…). Toute la difficulté pour maîtriser cette techno est qu’il faut être compétent et maîtriser les domaines suivants :
L’organique, car il faut être capable d’obtenir des mélanges à fort % de céramique (50 à 65% en volumique de céramique), la céramique car il faut être compétent dans le process de cuisson, et enfin être capable de designer des machines qui intègrent toutes les contraintes liées au process.
« des grands miroirs satellite ou encore des grandes séries de noyaux de fonderie… »
Présentez-nous votre gamme d’imprimantes 3D et les unités de post-traitement qui l’accompagnent.
2019 est une année intéressante pour nos clients ! Sortie en mars de la C100, (l’Easy), elle dispose d’un plateau de 100*100*150 de haut, nous l’avons spécialement développée pour les laboratoires (centre technique, universités ou labo de fabricants de céramiques techniques), ils pourront facilement y faire leurs tests, recherches et prototypages. La C900 (la Flex), notre best-seller, permet d’aller du prototypage à la production de petite série grâce à son plateau de 300*300. Par ailleurs, nous l’avons « augmenté » avec une option d’hybridation, afin d’imprimer plusieurs matériaux simultanément, cette nouvelle option est disponible dès à présent.
Et enfin, notre toute nouvelle C3600 (L’Ultimate), qui sera présentée à Formnext et déjà vendue ! Avec cette machine nous poursuivons notre chemin vers la production de masse, grâce à ses 4 lasers et son plateau de 600*600*300 de haut, gigantesque ! C’est de loin le plateau d’impression le plus grand. Il est possible d’y imprimer des grands miroirs satellite ou encore des grandes séries de noyaux de fonderie.
Toutes ces machines sont proposées avec des fours de déliantage et de frittage adaptés à chaque dimensions de machine. Le fameux post process !
À quels marchés s’adressent vos solutions ?
Les marchés sont ceux déjà adressés par les céramiques techniques : l’aéronautique avec les noyaux de fonderie, le spatial, le biomédial, l’électronique et l’énergie (pile à combustible par exemple.)
« Le premier avantage c’est la possibilité d’imprimer des formes qui permettent une meilleure osthéointégration »
Quels sont les avantages de « vos » implants imprimés en 3D par apport à leurs homologues classiques ?
Je tiens tout d’abord à préciser que les implants sont ceux de nos clients qui ont nos machines. Le premier avantage c’est la possibilité d’imprimer des formes qui permettent une meilleure osthéointégration : porosité contrôlée et répartie et zones denses pour la rigidité et la tenue mécanique de l’implant. Ensuite, le design qui permet au chirurgien des opérations plus courtes.
Que pouvez-vous nous dire sur vos développements et prochaines échéances ?
Notre gamme de machine couvre maintenant la chaîne de développement : du laboratoire à la fabrication. Nous avons identifié où l’effort doit se porter et se déployer sur trois axes :
Tout d’abord, plus de mix prêt à l’emploi et donc plus d’applications potentielles. Par exemple, l’ALN, matériau intéressant car c’est un isolant électrique également un conducteur thermique. Il est utilisé dans des applications de puits de chaleur (heat sink) indispensable au développement des applications de l’électronique de puissance.
Ensuite, des lignes automatisées. Le marché de l’impression 3D céramique sera réellement dans sa phase mature quand des lignes de fabrication automatique seront proposées. C’est notre prochaine étape avec la C3600. Et pour terminer, l’hybridation de toute notre gamme de machine, l’impression de divers matériaux simultanément, ouvre des perspectives très intéressantes pour certaines industries et la demande sur ce type de machine va certainement aller croissante.
*crédits de toutes les photos : 3DCeram