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Rencontre avec Marklix, une plateforme française dédiée à l’impression 3D de pièces détachées

fondateurs de Marklix spécialisé dans les pièces détachées

Les fondateurs de Marklix Thomas Boullier et Pierre-Jacques Lyon

En plus de permettre la fabrication de prototype fonctionnels et de pièces finies pour un grand nombre de secteurs, l’impression 3D promet de bouleverser une part importante du marché de la pièce détachée. Parce qu’elles sont essentielles au fonctionnement des équipements des entreprises et des particuliers, les pièces de rechange doivent être livrées dans un délai très court pour ne pas immobiliser les machines trop longtemps. L’impression 3D permet de répondre à ce besoin de fabrication à la demande en s’affranchissant des contraintes physiques et géographiques grâce à sa liberté de conception et la digitalisation des stocks. C’est une remise en cause complète de la supply chain. Sur ce marché naissant, plusieurs acteurs commencent à émerger comme la jeune pousse française Marklix. Pour en savoir plus sur cette plateforme et ses ambitions, Primante3D a interrogé son co-fondateur Pierre-Jacques Lyon.

« je vois en l’impression 3D une réelle opportunité par la digitalisation des stocks en pièces détachées et une technologie de rupture pour tout un pan de l’industrie »

Pierre-Jacques Lyon

Pierre-Jacques bonjour, pourriez-vous nous parler de votre parcours et de votre première rencontre avec l’impression 3D ?

Bonjour Alexandre,  je suis issu d’une formation d’ingénieur en physique appliqué que j’ai suivi à l’École Polytechnique de Montréal. J’ai également fait un petit tour à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse, dans le cadre d’un échange universitaire. J’ai ensuite fait un stage au CEA Cadarache en tant qu’ingénieur R&D pour le projet Iter. Mon travail était alors de simuler les contraintes mécaniques subis par les brins supraconducteurs des bobines du futur réacteur à fusion.

Mon coup de foudre avec l’impression 3D a eu lieu lors de ma première année d’étude à « Poly » Montréal. Nous travaillions avec une petite équipe de 4 étudiants sur la conception d’une balance micrométrique basée sur des condensateurs variables. Les techniciens mettant un temps fou à usiner le boitier de la balance, nous avions alors décidé d’utiliser une imprimante 3D (de mémoire une Makerbot). J’ai alors été séduit par la rapidité d’exécution que permettait une imprimante 3D. Mes camarades en génie mécanique ne juraient que par cette technologie.

Passionné de sport extrêmes, c’est au détour d’une compétition que j’ai rencontré Didier, un autre passionné de mécanique et plus particulièrement d’impression 3D. Nous avions alors décidé de fabriquer notre propre machine pour proposer des prestations d’impression. Projet qui s’est finalement transformé en une volonté de commercialiser nos machines sous le nom de D4print.

Cette aventure a été une première expérience enrichissante en tant qu’entrepreneur et qui m’a offert la possibilité de découvrir plus largement le secteur de l’impression 3D. Le projet a avorté au moment de sa mise sur le marché par manque de capitaux et par la volonté des associés à conserver leur emploi. Nous avions conçu une superbe machine. On en est aujourd’hui toujours très fier.

« Une Marketplace de mise en relation entre consommateurs, réparateurs, prestataires en impression 3D et fabricants »

Quelle est la genèse de Marklix ?

Marklix est l’héritage de ce que m’a appris D4print. Comme l’a fait Makerbot avec Thingiverse, nous savions que l’un des principaux freins à la vente de machines était le manque de connaissances en modélisation 3D. Notre idée était alors de créer une bibliothèque de fichiers 3D de marques certifiées. Je reste aujourd’hui convaincu que l’existence d’une plateforme, type ITunes, de l’objet 3D, permettrait une adoption massive de l’impression 3D chez les particuliers si cette dernière est couplée à une baisse des coûts / machine pour une qualité équivalente à celle de machines industrielles. Notre volonté a toujours été d’apporter la fabrication additive de qualité au plus grand nombre et que celle-ci ne soit plus réservée aux industriels.

Nous nous sommes ensuite aperçus que l’impression 3D de pièces détachées, à la demande, pouvait avoir un impact positif sur la réparation de nombreux appareils. Il n’y a qu’à voir la quantité de pièces disponible en open-source sur Thingiverse pour s’en rendre compte. Nous avons alors décidé de nous concentrer uniquement sur la partie réparation et d’apporter notre contribution dans la lutte contre l’obsolescence.

Ce sont ces successions d’idées qui donneront vie à Marklix. Une Marketplace de mise en relation entre consommateurs, réparateurs, prestataires en impression 3D et fabricants. Dans une démarche collective, de mutualisation pour la réparation.

« Nous nous occupons de vérifier la conformité des pièces et de garantir une qualité d’impression constante »

Présentez-nous votre solution. Qu’est-ce qui la différencie des autres plateformes de pièces détachées ?

Marklix est une plateforme web qui met en relation, marques fabricantes et plus généralement tout concepteur de fichiers 3d avec les consommateurs en produisant par impression 3d, à la demande et localement, des pièces détachées. Pour le consommateur, Marklix est une Marketplace classique, comme Amazon.

Nous avons deux offres :

Un catalogue de pièces existantes et prêtes à être produites et livrées.
Un service de reproduction à la demande, lorsqu’une pièce détachée n’est pas trouvable.

L’utilisation de Marklix ne nécessite aucune connaissance en impression 3D. Nos clients, particuliers ou professionnels, commandent tout simplement leurs pièces. Nous nous occupons de vérifier la conformité des pièces et de garantir une qualité d’impression constante.

La Marketplace Marklix est dédiée aux pièces détachées et à la réparation par impression 3D. Marklix n’est pas une bibliothèque globale de fichiers 3D. Trouver sa pièce devient intuitif. Nous sommes également en train de discuter de partenariats avec différents acteurs dans le secteur de la réparation et ainsi couvrir chaque étape d’une réparation.

Une qualité de fabrication répondant aux standards industriels. Nous ne produisons que des pièces haut de gamme sur des machines professionnelles, avec un suivi qualité à chaque étape. Nous sélectionnons et vérifions rigoureusement les fichiers 3D et les fabrications.

L’impression 3D permet une production de qualité souvent supérieure aux pièces d’origines produites par injection. Nous proposons au plus grand nombre la possibilité d’acquérir pièces et produits de qualité imprimés en 3D là où beaucoup proposent une fabrication améliorable, sans suivi, sur des machines semi-professionnelles.

« La grande majorité de nos pièces seront produites par frittage sélectif par laser (SLS) en PA12 »

Que pouvez-vous nous dire sur les technologies d’impression 3D et les matériaux d’ores et déjà disponibles sur Marklix ?

En France, notre production est assurée par Silex3D dans la région Rhône-Alpes. Cette entreprise bénéficie d’une solide expérience et répond aux normes industrielles les plus contraignantes.

La grande majorité de nos pièces seront produites par frittage sélectif par laser (SLS) en PA12 sur des imprimantes EOS ou HP en Multi-Jet. Certaines de nos références seront également fabriquées par dépôt de fil (FDM) et exceptionnellement par stéréolithographie (SLA).

Nous associons à chaque référence la technologie et le matériau le plus adéquat à son utilisation en prenant en compte son environnement et son mode d’utilisation. Encore dans un souci de simplicité et de qualité pour le consommateur.

Quels types de pièce êtes-vous en mesure d’imprimer ? Quelles sont vos limites en termes de volume de fabrication et de production ?

Notre catalogue comprend aujourd’hui une grande variété de types de pièces avec une forte concentration en pièces de petit et gros électroménager. En moyenne nos pièces font 74 cm3, sachant que la plus grosse pièce de notre catalogue plafonne à 605 cm3. Ce qui nous permet de produire quasi intégralement par frittage. Nous sommes aujourd’hui en mesure de produire plus de 200 pièces par jour, en France Métropolitaine.

« On estime qu’environ 10% des réparations actuelles peuvent être faites au moyen de pièces imprimées en 3D »

Quel est votre marché cible et le pourcentage de pièces que vous estimez pouvoir être réalisées de manière additive ?

Pour le moment notre Marketplace ne sera disponible qu’en France métropolitaine. Nous élargirons prochainement notre offre à d’autres pays Européens comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Belgique, l’UK ou encore la Suisse. Comme expliqué plus tôt, nous sommes spécialisés dans la production de pièces détachées dans une démarche de réparation. Cependant nous étudions d’autres marchés d’intérêt pour une fabrication par impression 3D.

On estime qu’environ 10% des réparations actuelles peuvent être faites au moyen de pièces imprimées en 3D. Tout en sachant que seul 44% des appareils qui cassent en France sont réparés, bien souvent par un manque d’accessibilité en pièce. Il reste donc 66% du marché Français à découvrir en proposant des pièces exclusives.

« la fabrication additive réduit considérablement les coûts liés au stockage »

Selon vous quel impact la fabrication additive pourrait-elle avoir sur la supply chain de pièces détachées dans les années à venir ?

La crise que l’économie mondiale traverse actuellement avec le Covid-19 est un signal d’alarme pour modifier nos modes de production et de consommation. La production Asiatique à l’arrêt entraine une paralysie globale pouvant pousser les industriels à favoriser une production locale de leurs produits, quitte à perdre en économies d’échelle.

Nous assistons également à l’apparition de nouveaux acteurs comme « 3yourmind » ou « Castor » dont l’objectif est d’accompagner les entreprises dans la transformation des modes de production vers une fabrication par addition. À mon avis, l’impression 3D n’est déjà aujourd’hui plus réservé à une communauté de « tech enthousiastes » ni uniquement au prototypage. C’est une technologie mature qui a fait ses preuves en matière de production en série.

Pour les fabricants et industriels, la fabrication additive réduit considérablement les coûts liés au stockage, partiellement les transports et les difficultés en gestion des approvisionnements. Enthousiaste, je vois en l’impression 3D une réelle opportunité par la digitalisation des stocks en pièces détachées et une technologie de rupture pour tout un pan de l’industrie.

Même si cela s’apparente à de la science-fiction, je reste intimement convaincu qu’à l’horizon 2030, les consommateurs pourront produire directement chez eux leurs produits en s’approvisionnant en fichiers 3D, labélisés et payants. A l’image de l’essor des plateformes de streaming dans l’industrie du disque et du cinéma. Même si cela pourrait, dans un premier temps, passer par un réseau d’imprimantes 3D disposés dans des commerces de proximité (buralistes, bureaux de poste etc.).

Alexandre Moussion