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Nanovia veut recycler des déchets issus de l’aéronautique en filament d’impression 3D

avion

Implantée à Louargat dans les Côtes d’Armor, Nanovia est une petite entreprise qui illustre bien l’explosion des matériaux d’impression 3D et l’éventail de leur diversité. Née en 2012, soit peu avant le boom du FDM, la jeune pousse bretonne s’est fait des filaments biosourcés une spécialité. Ses filaments exotiques à base de coquilles d’huître et de lin ont largement contribué à sa réputation, mais aussi ses composites haute performance à base de carbone et Kevlar utilisés déjà par les plus grandes marques (PSA, Bosch, Airbus Helicopters, Rossignol…).

Fidèle à son ADN éco-responsable et de précurseur, Nanovia veut désormais s’attaquer à certains déchets bien particuliers issus de l’aéronautique. Son dernier projet baptisé FILSLIT, vise à développer et commercialiser une gamme de consommables pour l’impression 3D de composites hautes performances en fibres de carbone continues.

« des solutions hybrides polymères et composites apparaissent afin de contrer le manque de propriétés thermomécaniques »

« L’impression 3D par FDM (Fuse Deposition Modeling) de matériaux composites est généralement limitée en taille de fibres (<1mm) et propose par conséquent des performances mécaniques limitées aux pièces imprimées. » Explique Jacques Pelletiern, dirigeant de Nanovia. « A l’image des technologies de dépôt automatisé de fibres (AFP), des solutions hybrides polymères et composites apparaissent afin de contrer le manque de propriétés thermomécaniques. Le but de ces hybridations est de renforcer les pièces polymères par des fibres continues déposées spécifiquement dans les directions de sollicitation

projet nanovia

La fibre de carbone est en effet un matériau stratégique pour l’aéronautique. Ses propriétés de résistance et de légèreté en font un composite prisé par les plus grands avionneurs (Airbus, Boeing…), parfois même au détriment du métal, pour fabriquer un grand nombre de pièces d’aéronef. Les applications vont de la simple porte au fuselage, en passant par les revêtements et les empennages. Il s’agit le plus souvent de fibres dîtes pré-imprégnées c’est à dire imprégnées de résine, permettant de produire des pièces aéronautiques à très fortes contraintes mécaniques et géométriques.

Nanovia entend donc valoriser ces déchets à haute valeur ajoutée, en recyclant les chutes issues de la refente de nappes de carbone UD (tissus unidirectionnels) destinées aux robots AFP (Automatic Fiber Placement). Très utilisées en aéronautique, ces machines à placement de fibres permettent d’automatiser les phases de drapage.

Pour fabriquer les bobines qui alimentent ces robots, on fend des bobines mères en fines mèches de carbone, lesquelles sont ensuite délaizées en fines bandes pour être enroulées autour d’une bobine. Les chutes en question seront fournies par Omega Systèmes, une société basée à St-Philbert-de-Grandlieu (44) spécialisée dans le découpe de composites.

Ses déchets profitent déjà à d’autres entreprises, dont ReUse Composites Innovation, une jeune pousse parisienne qui a développé et breveté le matériau U-CARBON. Les débouchés sont nombreux, comme la fabrication de manches de couteaux professionnel, mais aussi la conception de drones. Issues des secteurs Aéronautique, Spatial et Défense, les chutes de fibres de carbone sont des matériaux composites de très hautes qualité avec des résines et des propriétés mécaniques exceptionnelles, tout en restant à un tarif ultra compétitif.

nappe de carbone

Fabriqués à partir de polymères de grade identique, les filaments haute performance qui en résulteront, iront à des applications de fabrication additive pour l’aéronautique mais aussi l’automobile. Cela implique le développement et la mise au point industrielle d’un outil de production de fil calibré, mais aussi le bon dosage chimique.

Outre Nanovia et la société Oméga Systèmes, le consortium FilSlit intègre également ComposiTIC, un plateau technique basé à Ploemeur (56), spécialisé en R&D polymères et composites à destination des technologies de fabrication additive. Le filament pourrait voir le jour d’ici environ deux ans.

L’actualité regorge d’initiatives visant à redonner une seconde vie aux déchets grâce à l’impression 3D. Pendant qu’en Australie, une usine a été créée pour recycler les déchets électroniques en filament pour imprimantes 3D, d’autres solutions revalorisent les vieux pneus et les cartouches d’encres usagées.

Alexandre Moussion