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Rencontre avec Mathilde Berchon et son « grand livre de l’impression 3D »

Constituant une aubaine inattendue pour l’économie numérique, les mesures de confinement liées à la crise du Covid-19 ont particulièrement profité à l’impression 3D. Quelque peu sortie des radars médiatiques ces dernières années après avoir connu ses heures de gloire à partir de 2013, la technologie star d’une période a fini par retrouver les projecteurs et la considération qu’elle mérite. Du masque visière aux valves de respirateurs, celle-ci a pu démontrer pendant cette crise tout l’éventail de ses bénéfices pour répondre aux situations d’urgence et pallier aux défaillances des chaines d’approvisionnement conventionnelles. C’est dans ce contexte que sept ans après la parution de son premier ouvrage entièrement dédié à cette technologie, Mathilde Berchon nous revient aujourd’hui avec un nouveau livre publié aux éditions Eyrolles. Intitulé « Le grand livre de l’impression 3D », cet ouvrage riche en contenus et illustrations, répond aux nombreuses questions que chacun peut se poser à son niveau sur les aspects d’ordres techniques, pratiques ou encore économiques liés à la fabrication additive. Pour sa dernière interview, Primante3D vous propose donc de découvrir ce qui se cache derrière les 280 pages de ce nouveau livre entièrement dédié à l’impression 3D, et son auteure.

« Il était plus que nécessaire de mettre à disposition de tous ceux qui souhaitent créer et travailler avec l’impression 3D un ouvrage complet permettant d’avoir une vision précise et complète »

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Mathilde Berchon

Bonjour Mathilde, pourrais-tu te présenter et nous parler un peu de ton parcours avant FuturFab ?

Je suis plongée dans l’univers de l’impression 3D depuis 10 ans. Après un diplôme en communication digitale au CELSA, je suis partie vivre à San Francisco dans la Silicon Valley pendant quatre ans où je me suis passionnée pour la communauté des makers et l’impression 3D. En tant qu’indépendante, j’ai travaillé avec plusieurs startups françaises du secteur comme notamment Sculpteo. C’est à cette époque que j’ai eu la chance de publier mon premier livre sur le sujet aux éditions Eyrolles. Après un tour du monde du mouvement maker, je suis rentrée en France pour participer au déploiement des ateliers de prototypage TechShop Leroy Merlin à Paris pendant quatre ans. Depuis un an, j’ai monté ma structure, FuturFab, où j’accompagne les entreprises du secteur de l’impression 3D sur leurs besoins en communication.

Comment s’est faite ta première rencontre avec l’impression 3D ?

Je suis entrée dans l’impression 3D en 2010 par le mouvement maker, en allant à Maker Faire San Mateo, qui réunit des dizaines de milliers de passionnés. A San Francisco, j’avais aussi la chance d’être voisine du hackerspace Noisebridge. J’étais aussi en lien à Paris avec une jeune startup qui s’appelait à l’époque Hackable Devices et qui proposait les premières Makerbot Cupcake en France, en kits à monter soi-même.

« En 2013, lors de la parution de mon premier livre, « L’impression 3D », l’information disponible en français sur le sujet était extrêmement rare »

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Premier livre de Mathilde Berchon sur l’impression 3D sorti en 2013 qui sera suivi d’une version plus étoffée en 2014

7 ans après la publication de « L’impression 3D », tu reviens avec « Le grand livre de l’impression ». Quelle est la genèse de ce livre et les circonstances qui ont motivé sa parution aujourd’hui ?

En 2013, lors de la parution de mon premier livre, « L’impression 3D », l’information disponible en français sur le sujet était extrêmement rare. Il n’existait pas d’ouvrage complet et accessible à tous, alors que l’intérêt pour ces technologies étaient en pleine explosion. Il y avait alors un fort besoin de vulgarisation scientifique.

Mon nouveau livre « Le grand livre de l’impression 3D » intervient dans un contexte très différent. L’impression 3D est aujourd’hui un sujet bien connu, avec des dizaines de milliers d’utilisateurs actifs, particuliers comme professionnels. Dans le même temps, le monde est dans un temps très fort de transition et de questionnements sur nos façons de produire et consommer. Il était plus que nécessaire de mettre à disposition de tous ceux qui souhaitent créer et travailler avec l’impression 3D un ouvrage complet permettant d’avoir une vision précise et complète de ces technologies, les procédés et leurs applications, les conseils d’utilisation, matériaux, finitions mais aussi d’apporter une vision prospective sur les changements en cours, notamment autour de l’Industrie du Futur et de la transition écologique.

 « Le grand livre de l’impression 3D » est organisé en trois parties : Comprendre, Créer et Agir »

À qui s’adresse cet ouvrage et comment s’organise t-il ?

« Le grand livre de l’impression 3D » est organisé en trois parties : Comprendre, Créer et Agir. Un gros travail a été mené sur l’iconographie, le livre est très illustré. L’objectif était de proposer un livre référence sur le sujet, qui permet de se repérer dans les familles de procédés et leurs applications, de savoir modéliser et préparer sa phase d’impression, choisir ses matériaux et procédés de finition.

Le livre apporte un éclairage complet sur l’écosystème français de l’impression 3D, l’entrepreneuriat, l’adoption par les particuliers ainsi que les formations et métiers du secteur. Enfin, j’aborde les questions de transition et de futur de la production, mais aussi des éclairages sur comment intégrer l’impression 3D en entreprise.

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Les avancées et progrès de l’impression 3D sont tels qu’il a dû j’imagine être difficile d’arrêter certains choix. Que peux-tu nous dire là dessus et sur les autres difficultés éditoriales ?

En effet, une des complexités de l’impression 3D est qu’elle est un ensemble de technologies en évolution rapide et constante. De nouvelles variantes de procédés, matériaux, normes et cas d’applications apparaissent de mois en mois. Cela en fait un sujet passionnant et vivant, qui offre beaucoup de possibilités à ceux qui souhaitent s’y lancer.

Mon choix a été de donner en priorité les clés pour se repérer dans cet écosystème foisonnant, en s’appuyant sur les normes existantes qui structurent le secteur : comprendre les grandes familles de procédés, de matériaux, d’équipements. A l’issue du livre, le lecteur pourra ainsi se repérer facilement lorsqu’il découvre une nouveauté sur Primante3D par exemple.

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Exemple de pièces optimisées topologiquement

Coïncidant avec une professionnalisation des usages, de nouveaux procédés, matériaux et logiciels d’impression 3D ont fait leur apparition ces dernières années. Quelles sont les évolutions qui ont le plus retenu ton attention ?

Le passage d’applications en prototypage à la production de pièces finies est l’évolution récente majeure, avec des cas d’exemples très concrets, dans le monde médical, la beauté ou l’automobile. Les évolutions en cours concernent aussi bien les phases de conception que de production. Le biomimétisme, l’optimisation topologique ou encore le design génératif sont expliqués dans le livre, et font notamment partie des évolutions majeures et passionnantes du secteur. Ce sont des savoirs-faire en devenir qui peuvent apporter des solutions très intéressantes face à la transition énergétique.

« La crise a été une démonstration à taille réelle d’une organisation citoyenne de fabrication distribuée »

Malgré un affaiblissement de l’intérêt médiatique autour de l’impression 3D ces dernières années – que tu évoques en avant propos – , après un fort éclairage à partir de 2013, la crise du Covid-19 a jeté un coup de projecteur inespéré sur les nombreux bienfaits de cette technologie (page 33). À quel point selon toi cela pourrait-il changer la donne, qui plus est dans le contexte de crise économique ?

L’impression 3D et plus généralement le réseau décentralisé de fabricants, individuels comme professionnels, qui jalonne le territoire ont révélé l’excellente réactivité que permettent ces technologies pour prototyper et fabriquer des pièces à la demande. La crise a été une démonstration à taille réelle d’une organisation citoyenne de fabrication distribuée, en production locale et à la demande. Ce modèle de production, à la fois réactif et adapté aux besoin, porte en lui les prémices d’une Industrie du Futur raisonnée et locale.

« L’iPhone sans Apple Store n’est qu’une boite noire. Il en va de même pour l’impression 3D grand public »

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Malgré une croissance des ventes d’imprimantes 3D de bureau en continue, la démocratisation tant rêvée de l’impression 3D n’a pas eu lieu. Quel avenir vois-tu pour ce segment dans un marché en forte croissance sur le professionnel ? Quel est l’élément catalyseur qui pourrait changer la donne ?

La promesse d’une imprimante 3D dans chaque foyer n’a pas eu lieu et pourtant les ventes d’imprimantes 3D de bureau continuent de croitre, l’adoption est plus lente que prévue mais est de plus en plus une réalité. Les particuliers utilisent leur imprimante 3D pour des projets fonctionnels ou décoratifs à la maison. Les profils des utilisateurs restent cependant encore technophiles même si la prise en main et le coût des machines grand public est désormais très accessible. Pour faire de l’impression 3D à la maison une technologie aussi utilisée que nos smartphones, il reste encore à déployer une plateforme complète d’applications, de pièces de réparation, d’objets du quotidien numérisés prêts à imprimer.

Ces bibliothèques d’objet sont pour l’instant quasi exclusivement créées et partagées entre particuliers, mais les entreprises, à quelques exceptions près, se sont peu emparées du sujet, dans l’attente d’avoir accès à un volume suffisant d’utilisateurs. L’iPhone sans Apple Store n’est qu’une boite noire. Il en va de même pour l’impression 3D grand public, il y a de la place aujourd’hui pour un acteur visionnaire qui proposerait une véritable plateforme agrégative d’applications donnant naissance à un écosystème d’acteurs proposant des usages.

« Les acteurs français de l’impression 3D sont plus que jamais aujourd’hui dans une démarche de mutualisation »

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Dans un large chapitre consacré à l’impression 3D en France et dans le monde, tu évoques les carences de l’écosystème français et le nombre encore très restreint d’entreprises spécialisées. En l’absence d’un Institut national de la fabrication additive (dont l’AFPR appelle de ses vœux depuis longtemps), qui permettrait de coordonner l’action des pouvoirs publics, quelles sont les raisons d’espérer ?

Les acteurs français de l’impression 3D sont plus que jamais aujourd’hui dans une démarche de mutualisation et construction d’un véritable écosystème fort pour le secteur. La crise du Covid-19 a joué un rôle fédérateur sans précédent, de nombreuses initiatives locales sont nées et les structures se connaissent de mieux en mieux. Elles sont aussi conscientes des nombreuses problématiques communes du secteur, notamment sur les questions d’intégration de l’impression 3D en entreprise et le besoin d’être reconnu et intégré dans les politiques industrielles et éducatives. Le secteur se structure et une association comme l’AFPR, qui existe depuis 28 ans et connaît aujourd’hui une vraie effervescence, est un bon signe des évolutions en cours.

En te projetant dans 10 ans, quels pourraient-être le titre et le sommaire de ton prochain livre sur l’impression 3D ?

Bonne question. Dans 10 ans, nous vivrons encore plus fortement au cœur du changement climatique, évolutions majeures des modes de production agricole et industriel, sécheresse et raréfaction de l’accès à l’eau, montée des océans et crises géopolitiques. Le titre pourrait bien être quelque chose comme « L’impression 3D, de la production à la régénération » avec un axe fort sur les changements des modes de fabrication et de consommation et je l’espère de nombreux exemples de produits repensés et produits à la demande en quantité raisonnée, à partir de matériaux issus de nouvelles filières fonctionnelles de réutilisation des ressources.

Alexandre Moussion