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Des chercheurs imaginent des élastomères autoréparables et recyclables pour l’impression 3D

polymère pouvant s'autoréparer

Premiers matériaux à avoir été imprimés en 3D, d’abord sous la forme de résine liquide puis ensuite de filaments, les polymères ne cessent de progresser et d’apporter de nouvelles propriétés. Les thermoplastiques standards que sont l’ABS et le PLA, ont évolué vers des matériaux permettant des applications de plus en plus critiques. La dernière découverte du genre nous vient des Etats-Unis, où des chercheurs du Texas A&M et le laboratoire de recherche de l’armée américaine, ont collaboré pour créer des matériaux synthétiques recyclables et auto-réparables.

Les chercheurs expliquent dans un récente publication, comment en ajustant la chimie d’un seul polymère, ils sont parvenus à développer une famille de matériaux synthétiques capables d’aller de l’ultra-souplesse à l’extrême rigidité, tout en ayant la capacité d’adhérer naturellement les uns aux autres, aussi bien dans l’air que dans l’eau.

Il faut savoir que les polymères synthétiques sont constitués de longues chaînes de motifs moléculaires répétitifs, comparables à des perles sur une chaîne. Aussi, ces longues chaînes sont légèrement réticulées, ce qui leur confère des propriétés caoutchouteuses. Si on peut les rendre plus rigides en augmentant le nombre de réticulations, cela a aussi pour effet de les rendre non-recyclables. L’équipe du Texas A&M a donc cherché à développer une solution permettant d’obtenir un élastomère recyclable, et dont le nombre de réticulations pourrait être modifié.

Svetlana Sukhishvili, Professeur au département de science et d’ingénierie des matériaux et auteur de l’étude, explique : « Les réticulations sont comme les points de couture sur un morceau de tissu, plus il y a de points de couture, plus le matériau devient rigide et vice versa. Au lieu que ces « points » soient permanents, nous voulions obtenir une réticulation dynamique et réversible afin de pouvoir créer des matériaux recyclables.« 

« À l’heure actuelle, nous pouvons facilement atteindre 80% d’auto-réparation à température ambiante, mais nous aimerions atteindre 100% »

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La parade trouvée par l’équipe a été de modifier un polymère parent appelé prépolymère, sur lequel a été fixé deux molécules de réticulation, le furane et le maléimide. En augmentant la quantité de celles-ci, la résistance du matériau serait jusqu’à 1 000 fois supérieure à celle d’un polymère normal.

Plus intéressant encore, les molécules de furane et le maléimide qui participent à un type de liaison chimique réversible, pourraient changer d’état sous l’effet de la chaleur. À température élevée, les molécules pourraient ainsi se détacher des chaînes polymères et entraîner un ramollissement du matériau. Des conditions inverses permettraient au contraire d’obtenir un matériau plus dur, en reformant des liaisons transversales.

« Nous avons créé une famille de matériaux passionnants dont les propriétés peuvent être ajustées pour obtenir soit la souplesse du caoutchouc, soit la résistance des plastiques porteurs. » Commente Svetlana Sukhishvili. « Leurs autres caractéristiques souhaitables, comme l’imprimabilité 3D et la capacité à s’auto-réparer en quelques secondes, les rendent non seulement adaptés à des prothèses plus réalistes et à la robotique douce, mais aussi idéaux pour de larges applications militaires telles que les plates-formes agiles pour les véhicules aériens et les ailes d’avions futuristes auto-réparables. »

Les premiers tests effectués par l’équipe de chercheurs se seraient avérés très concluants. Ces derniers indiquent avoir observé que les différentes couches se joignaient de manière transparente, ce qui éviterait ainsi le besoin de recuire ou d’autres traitements chimiques. Les pièces imprimées en 3D pourraient être facilement être fondues en utilisant une chaleur élevée, puis recyclées comme encre d’impression.

Les protagonistes ajoutent que leurs matériaux sont reprogrammables. En d’autres termes, après avoir été mis en une seule forme, ils peuvent être amenés à se transformer en une forme différente en utilisant simplement la chaleur. À l’avenir, les chercheurs prévoient d’augmenter la fonctionnalité de leurs nouveaux matériaux en amplifiant leurs propriétés multiformes.

« À l’heure actuelle, nous pouvons facilement atteindre 80% d’auto-réparation à température ambiante, mais nous aimerions atteindre 100%. En outre, nous voulons rendre nos matériaux sensibles à d’autres stimuli autres que la température, comme la lumière », conclut Svetlana Sukhishvili. « Plus loin, nous aimerions explorer l’introduction d’une intelligence de bas niveau afin que ces matériaux sachent s’adapter de manière autonome sans avoir besoin d’un utilisateur pour lancer le processus. »

Alexandre Moussion