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Rencontre avec Constructions 3D : une start-up française qui veut révolutionner le bâtiment grâce à l’impression 3D

constructions 3d

Longtemps confinée à un usage très spécialisé, l’impression 3D est sortie de ses premières applications pour n’épargner aujourd’hui aucun secteur, y compris celui du bâtiment. Connu pour être particulièrement conservateur, ce segment qui ne représentait que 3,2% du marché mondial de la fabrication additive en 2016, prête une oreille de plus en plus attentive aux sirènes de la fabrication additive. Qu’il s’agisse de procédés d’impression directe ou indirecte, cette technologie gagne du terrain dans le BTP avec un nombre de projets et de réalisations en augmentation constante. En France, la construction 3D est particulièrement bien représentée avec plusieurs acteurs très prometteurs. Start-up basée à Valencienne dans la serre numérique, Constructions 3D et son système à grue hydraulique, compte parmi les prétendants les plus sérieux dans ce domaine. Co-fondateur de l’entreprise, Antoine Urquizar a accepté de lever le voile sur une solution à même de révolutionner le bâtiment.

« une imprimante 3D capable de réaliser des éléments de structures de formes plus complexes pour un coût marginal »

Antoine Urquizar – Crédit : Jessica Maciejewski

Antoine bonjour, pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Antoine URQUIZAR et j’ai 25 ans. Je suis le Co-fondateur de Constructions 3D où j’occupe la fonction d’Ingénieur de développement spécialisé en formulations des matériaux appliqués aux méthodes additives.

Il y a trois ans est né un projet très ambitieux baptisé Constructions 3D. Quelle est sa genèse et qui sont ses protagonistes ?

Le projet est né de l’imagination d’un designer belge et d’un ingénieur du bâtiment respectivement Gaël Collaro et Antoine Motte. Très vite une équipe technique a été constituée afin de faire des études de faisabilité, ainsi que des tests à différentes échelles. Au début le coup financier du projet est supporté par une société nommée Machines 3D, revendeur de solutions technologiques 3D. Par la suite la société Construction-3D a été fondée par 4 associés : Antoine Motte, Axel Théry, Didier Malbranque ainsi que Antoine URQUIZAR. Cette société basée à Valenciennes met sur le marché une imprimante 3D à l’usage du bâtiment / Travaux publique.

Membres de l’équipe Constructions 3D – De gauche à droite : Didier Malbranque, Antoine URQUIZAR, Axel THERY, Sylvain VALDENAIRE, Aymeric ALIXE et Corentin CASIER – Crédit photo : Jessica Maciejewski

À l’occasion du Machinarium, événement organisé par Machines 3D, le lancement commercial du Constructeur 3D a été officialisé. Que peux-tu nous dire sur cette machine ?

A la base notre machine est une grue hydraulique de levage que l’on a modifiée. Un nouveau système hydraulique, une nouvelle intelligence de pilotage ainsi que toute la chaîne logicielle de pilotage a été mise en place afin de rendre cette machine pilotable numériquement. Elle présente les caractéristiques suivantes :

Zone imprimable au sol : Cercle de diamètre 18m, 250m2 au sol

Matériaux imprimables : Ouvert à tous les matériaux ayant une rhéologie compatible. Bétons, mortiers, céramiques, argiles etc.

De base la machine est développée avec un système d’extrusion pour un mortier développé par notre société. En revanche le logiciel de pilotage est pensé pour être adaptable à un maximum de matériaux.

Crédit photo : Jessica Maciejewski

Dimensions machine pliée : 0,85 x 1,95 x 3,2m

Dépliée, Zone accessible la zone d’impression a la forme d’un dôme de 18m de diamètre et de 10 m de haut.

Poids : 2.4 T

​Vitesse d’impression : 50 mm/s à 400 mm/s en fonction de la complexité de l’impression.

Les applications sont très larges allant de la construction d’habitations, de mobiliers urbains, d’éléments de VRD (voirie et réseau divers) jusqu’à la réalisation d’éléments structuraux.

Crédit photo : Jessica Maciejewski

« La plus grande difficulté que nous ayons rencontrée a été de trouver des membres aux compétences variées et très pointues »

Qu’est ce qui a été le plus difficile au développement ? La partie matériau, mécanique, logicielle… ?

Etant donné qu’il a fallu partir d’une page blanche, chacun de ces sujets a pu apporter son lot de défis à relever. La plus grande difficulté que nous ayons rencontrée a été de trouver des membres aux compétences variées et très pointues. En effet, notre équipe est composée de spécialistes dans les domaines suivants : hydraulique, électronique, programmation, matériaux, bâtiment, mécanique, impression 3D.

Le développement technique a été très compliqué car focalisé sur 3 axes : la machine, le matériau et le logiciel de pilotage. Chacun de ses 3 axes est une nécessité afin de réaliser une imprimante 3D telle que la nôtre. Techniquement, les difficultés sont équivalentes : réaliser le positionnement d’une machine de cette dimension, avec une précision suffisante pour empiler des couches n’est pas chose facile, mais il en est de même pour le développement d’un nouveau matériau ou pour la création d’un système de pilotage adapté. En revanche, dans l’équipe de Constructions 3D nous aimons les défis.

Chantier traditionnel

« Avec l’impression 3D il possible de se passer de coffrage »

Quels sont les avantages mais aussi les limites de cette technologie par apport aux techniques traditionnelles de construction ?

L’avantage certain de l’impression 3D est de pouvoir fabriquer des ouvrages en se passant de coffrage. Cela constitue un avantage majeur car la liberté de forme et de personnalisation de celles ci est complète. Aujourd’hui quand on désire réaliser une forme en béton, il est courant d’utiliser des coffrages. Plus cette forme est complexe plus le coffrage coutera cher. L’inconvénient majeur de cette technique est qu’une fois la pièce réalisée le coffrage devient inutile mise à part pour réaliser une série de pièces identiques.

Avec l’impression 3D il possible de se passer de coffrage, il devient donc possible de faire des pièces moins chères, car le coût du coffrage n’existe plus, mais aussi il devient donc plus facile de personnaliser les pièces : Ce qu’il faut noter c’est qu’avec l’impression 3D réaliser 2 pièces identiques, ou 2 pièces différentes n’a pas d’influence majeur sur le coût de la réalisation. Ce raisonnement est applicable à tout ce qui est imprimé en 3D qu’il s’agisse de mobilier urbain ou d’une maison individuelle.

Crédit photo : Jessica Maciejewski

Banc d’extérieur imprimé en 3D (en moins de 50 min) Crédit photo : Jessica Maciejewski

De plus à terme il sera aussi possible d’économiser de la matière, l’optimisation topologique est le moyen de construire des bâtiments avec une résistance mécanique maximisée, tout en ayant un coût financier et écologique minimisé. L’inconvénient de ce mode de conception est que jusqu’à aujourd’hui, il n’existait pas de machines ou de procédés capables de construire des bâtiments ou des éléments de structures de cette manière.

C’est pourquoi chez Constructions 3D nous proposons une imprimante 3D capable de réaliser des éléments de structures de formes plus complexes pour un coût marginal, permettant ainsi de se substituer à certains procédés de construction conventionnels actuellement énergivores.

« Notre projet est le premier à proposer la réalisation d’un compas d’impression 3D »

Quels sont vos atouts par apport à d’autres projets de construction 3D ?

Notre projet est le premier à proposer la réalisation d’un compas d’impression 3D, permettant de travailler à la fois sur de grandes dimensions avec une petite structure et dans tous les plans. La liberté géométrique est ainsi complète, l’optimisation coût/volume d’impression à son maximum.

Notre machine a pour base une grue hydraulique spécialement conçue pour résister sur les chantiers. Elle présente également l’avantage d’être mobile. Il devient ainsi très facile de l’amener et de la déployer sur un chantier.

A droite Antoine Motte à l’occasion du dernier Machinarium – Crédit photo : Jessica Maciejewski

Quel est votre modèle économique et votre cible clientèle ?

Nous visons le marché du BTP au sens large, notre clientèle va du constructeur de maison individuelle à l’entreprise générale du bâtiment.

Nous vendons notre solution sous forme d’un pack tout en un, contenu dans un container 20 pieds. Ce container contient tout le nécessaire à l’impression de structures / constructions en 3D. Cela permet un acheminement facile sur chantier, et une logistique réduite car le container est aménagé en base vie. Il contient une imprimante 3D grand format, un système complet d’extrusion de notre solution mortier.

Combien pourrait coûter une maison imprimée avec votre Constructeur 3D ?

Nous estimons l’impression d’une construction 3D de 75 m2 à 15 000 € tout compris (coût des techniciens, du matériau, de l’énergie, et amortissement de la machine).

L’objectif est de réaliser le gros œuvre personnalisé d’une maison de 75 m2 en quelques heures. Le coût de la réalisation peut être variable en fonction des formes en revanche il est certain que comparé à une construction classique le coût sera bien inférieur.

L’impression 3D appliquée au bâtiment suscite beaucoup d’interrogations notamment sur la fiabilité des constructions. Certains se demandent par exemple comment une maison imprimée en 3D peut tenir debout sans ferraillage et coffrage, ou remettent en doute sa capacité d’isolation. Ce sont des réactions que tu dois souvent entendre… Que réponds-tu là-dessus ? Que dit la législation en vigueur en France ?

Il n’existe pour le moment aucune législation en France ou dans le monde pour normaliser les constructions 3D, seuls des avis techniques ont pour l’instant été obtenus. Il y a en France un gros travail à réaliser de ce point de vue-là. Néanmoins si la construction 3D est par la suite remplie avec un béton fibré, on peut obtenir les normes NF et européennes, ce qui permet d’être éligible aux compagnies assurances. Ce procédé permet d’atteindre des résistances mécaniques équivalentes, et même supérieures comparé aux constructions traditionnelles.

« il est possible de jouer sur des paramètres comme la présence ou la taille d’alvéoles ou l’épaisseur des parois »

Concernant la question de l’isolation, il faut savoir que nos constructions ont l’avantage de ne pas avoir de limite standard (contrairement aux briques monoblocs et aux parpaings). Selon les propriétés de l’ouvrage que l’on veut réaliser, il est possible de jouer sur des paramètres comme la présence ou la taille d’alvéoles ou l’épaisseur des parois. Et ainsi améliorer l’isolation thermique ou acoustique de nos constructions 3D. Il est aussi possible de charger le matériau en éléments isolants naturels qui vont influer sur sa capacité d’isolation thermique. Quoi qu’il en soit des solutions existent et sont nombreuses pour s’adapter à tout type de problématiques concernant la résistance mécanique, ainsi que l’isolation qu’elle soit thermique ou acoustique.

« bons nombres d’acteurs du bâtiment se montrent intéressés »

En France comment la profession du bâtiment observe-t-elle votre projet et quels sont les retours ?

Les professionnels du bâtiment se montrent globalement enthousiastes, curieux et impatients. En raison des nouveaux usages que celle-ci permettra. Premier intérêt repose sur le fait qu’elle permet potentiellement aux entreprises de BTP de s’affranchir des contraintes de construction actuelles. Et donc de proposer aux architectes de réaliser leurs conceptions les plus exigeantes.

Le deuxième repose sur la possibilité de réaliser des économies énormes par rapport à certains procédés de fabrication actuels. En cela bons nombres d’acteurs du bâtiment se montrent intéressés pour inclure l’impression 3D dans leur mode de construction.

Premières constructions du chinois Winsun

A l’image de ses dernières constructions à Dubaï et autres bâtiments en Chine, le chinois Winsun a très largement occupé le terrain médiatique ces trois dernières années. Cela te semble-t-il injuste au regard de leur technologie qui ne propose pas vraiment de rupture par rapport à d’autres projets comme le vôtre, car s’agissant de préfabrication ?

La réussite de nos concurrents prouve que notre idée est bonne. Etant donné le potentiel de l’opportunité à laquelle nous faisons face, il serait inquiétant que nous soyons les seuls à l’avoir détecté. Un grand marché va se créer dans les prochaines années, celui-ci sera suffisamment important pour que chacun des acteurs y trouve sa place.

Nous avons choisi l’option de l’impression sur site de matériaux de proximité obtenus en cycle court. Le réemploi d’anciens matériaux est envisagé. Notre technologie place l’écologie au centre des préoccupations.

« nous pouvons prendre en compte vos besoins et adapter la machine »

Un dernier mot ? Quelle est votre feuille de route ?

La commercialisation de la machine est prévue pour fin 2017. Celle-ci est déjà disponible en précommande pour ceux qui désirent participer au développement du produit et obtenir une machine personnalisée. En effet si vous désirez appliquer les méthodes additives à votre activité, nous pouvons prendre en compte vos besoins et adapter la machine, de manière à ce qu’elle vous donne entière satisfaction.

Par exemple dans la cas ou vous souhaiteriez plutôt faire travailler la machine en usine afin de faire de la préfabrication de pièces complexes il est possible d’adapter le logiciel afin qu’il puisse correspondre à 100% à vos besoins. L’adaptation de la machine peut inclure la modification du logiciel, des matériaux utilisés, ainsi que des systèmes mêmes embarqués de la machine, système d’extrusion etc.

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