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Un lapin imprimé en 3D contenant ses propres instructions ADN pour se dupliquer

lapin imprimé en 3D contenant des données stockées dans de l'ADN

L’impression 3D n’en finit plus de surprendre par l’étendue de ses applications ; à fortiori lorsqu’elle touche à des concepts aussi disruptifs que la matière informée. Modifier les objets dans le temps (impression 4D) ou imprimer de la matière vivante (bio-impression), promet d’ouvrir des marchés bien plus immenses encore que le marché actuel de l’impression 3D. À lui seul le bioprinting pourrait engendrer plusieurs centaines de milliards de dollars de recettes chaque année. Des prévisions du même ordre sont avancées pour la nanofabrication, la microfluidique ou encore l’électronique par impression 3D.

Cette capacité à stocker l’information, le chercheur israélien en sciences informatiques Yaniv Erlich, et le Robert Grass, professeur en chimie et biosciences appliquées à l’ETH Zürich, l’on brillamment mis en exergue en imprimant un lapin de Stanford contenant toutes les instructions nécessaires à sa réimpression. Sous ses allures de jouet en plastique, l’objet renferme les instructions de sa fabrication stockées sous forme d’ADN.

Cette prouesse décrite dans la revue Nature, laisse entrevoir des perspectives passionnantes pour le stockage de nos milliards de données. Avec l’essor de l’internet des objets, des réseaux sociaux, encore du e-commerce, le volume de donnée générées à littéralement explosé ces dernières années. Il est donc devenu urgent et nécessaire de trouver de nouvelles solutions pour le stockage de ces données. Le Cloud consomme une quantité énorme d’énergie, auquel s’ajoute une empreinte carbone massive.

Le stockage des données numériques dans des brins d’ADN constitue l’une des pistes les plus sérieuses pour répondre à cette problématique. L’information est beaucoup plus compactée avec une molécule tridimensionnelle telle que l’ADN, qu’avec les systèmes actuels à deux dimensions. En théorie, il suffirait de 1 mm3 pour stocker un milliard de gigaoctet de données, ce qui équivaudrait à stocker toute la production informatique annuelle du monde dans un coffre de voiture.

Des nanofibres de verre qui s’agglomèrent avec les brins d’ADN

Schéma de l’architecture hiérarchique du lapin Stanford imprimé en 3D, qui contient toutes les instructions nécessaires pour réimprimer l’objet. Barre d’échelle, 1 cm. Crédit nature.com

Quand bien même l’ADN peut franchir les millénaires, en témoigne les analyses ADN effectuées en archéologie et en paléontologie, son exposition à des températures élevées, des variations de PH ou des rayons UV peuvent sérieusement le détériorer. C’est la raison pour laquelle le chercheur Robert Grass a mis au point des nanofibres de verre chargées positivement, qui s’agglomèrent avec les brins d’ADN chargés négativement pour former autour une enveloppe de protection.

En utilisant quatre bases d’ADN (adénine, cytosine, thymine et guanine), le lapin a été codé avec 45 kilos octets de données. Une fois la séquence d’ADN synthétisée, l’ADN a été placé dans des sphères microscopiques de verre, lesquels ont ensuite été intégrées dans le filament plastique. Non seulement le lapin contient l’information qui permet de le répliquer, mais ses données peuvent être transmises de génération en génération. La preuve a été faite par l’équipe de chercheurs qui a prélevé un morceau d’oreille pour en réimprimer un nouveau lapin avec. Une machine de séquençage d’ADN a permis de lire les bases d’ADN, qui ont ensuite été traduites dans les instructions de l’imprimante 3D. Quatre fois, la machine a pu imprimer un lapin complet contenant les mêmes sphères de verre d’ADN.

« Nous avons été extrêmement heureux une fois que nous avons pu lire nos premiers lapins », explique Robert Grass. « Toute application potentielle est encore loin dans les années à venir, mais cette étude est certaine d’inspirer des utilisations créatives que nous ne pouvons pas prévoir pour le moment », a déclaré Calin Plesa de l’Université de l’Oregon. « Il est intéressant de penser à un avenir lointain possible où les archéologues utiliseront l’ADN incorporé dans des objets fabriqués par l’homme pour en savoir plus sur notre civilisation. »

Alexandre Moussion