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Rencontre avec 3D.FAB : une plateforme lyonnaise spécialisée dans la bioimpression

Née il y a plus de vingt ans déjà, la bioimpression est l’un des développements de l’industrie de l’impression 3D qui suscite le plus d’attentes. Appelé aussi bioprinting, ce procédé qui permet de créer des tissus biologiques par fabrication additive promet des progrès considérables en termes de médecine individualisée et régénératrice. Alors que le nombre de programmes de recherche sur le bioprinting a explosé à travers le monde, l’écosystème français prend lui aussi de l’ampleur. En témoignent les dernières avancées de la jeune pousse bordelaise Poietis, mais aussi l’arrivée de nouveaux acteurs tels que le lyonnais 3D.FAB (Fabric of Advanced Biology) spécialisé en impression 3D de tissus vivants et polymères. PRIMANTE3D est allé à la rencontre de Christophe Marquette, fondateur de cette nouvelle plateforme d’impression 3D née sur les bancs de l’université Lyon 1.

« Les applications prioritaires sont celles de la santé avec un accent fort mis sur la médecine régénérative »

Christophe Marquette

Christophe Marquette bonjour, pourriez-vous vous présenter ? Parlez-nous un peu de votre parcours.

Christophe Marquette, Docteur en Biochimie de l’Université de Lyon en 1999, ayant passé deux années de post doc à Montréal à l’Université Concordia sur le greffage d’ADN sur puce silicium. Entré au CNRS en 2001 et en charge depuis du Groupe Biopuce et Dispositifs Médicaux au sein de l’UMR 5246 (Institut de Chimie et Biochimie). J’ai aussi créé deux start-up basées sur ses brevets, l’une dans le domaine des nanoparticules pour la santé (NANO-h), l’autre dans le domaine des biopuces à ADN pour le diagnostic in vitro (AXOSCIENCE). Ma fonction actuelle est Directeur de Recherche CNRS, Directeur adjoint de l’Institut de Chimie et Biochimie (UMR4246) et directeur de la plateforme 3d.FAB.

Présentez-nous 3d. FAB. Comment est née cette plateforme ?

La plateforme est née d’un besoin du groupe pour le prototypage et d’un intérêt pour l’utilisation de la fabrication additive dans le domaine du diagnostic in vitro. Les première machines (photochimie) ont été achetées afin d’explorer les possibilités d’intégration de biomolécules dans des objets 3D (impression 4D).

L’expertise accumulée et le nombre croissant d’interaction avec le monde académique et industriel nous ont permis de sollicité une aide de la région AURA pour la création de la plateforme. La plateforme accueil des projets de tout horizon, publiques et privés, entre académiques, pour de jeunes pousses, pour des grands groupes.

Quelles applications visez-vous et à qui vous adressez-vous ?

Les applications prioritaires sont celles de la santé avec un accent fort mis sur la médecine régénérative. Cependant, un axe de la santé plutôt dédié aux modèles in vitro est en train de prendre une importance grandissante au sein de la plateforme. Les dispositifs médicaux implantables sont également une de nos priorités avec notamment des projets sur l’impression du silicone.

La seconde application prioritaire est le domaine des polymères techniques et l’étude des procédés permettant leur mise en œuvre. Enfin, une large partie de nos activités est dédiée au domaine du luxe mais reste confidentielle.

« Nous avons ainsi développé avec TOBECA pas moins de 4 machines spécifiques pour la bioimpression de tissus vivants »

Parlez-nous de votre parc machine et de votre partenariat avec le fabricant français Tobeca.

TOBECA est notre partenaire privilégié dès lors qu’un projet nécessite la mise au point ou le développement d’une nouvelle architecture de machine d’extrusion. Nous avons ainsi développé avec TOBECA pas moins de 4 machines spécifiques pour la bioimpression de tissus vivants, l’impression de silicone, l’impression de matériaux haute température et l’impression haute résolution grand format (1.6m3). Cette interaction privilégiée nous amène maintenant à tenter la création d’un laboratoire commun de recherche et développement.

Les autres machines que nous hébergeons sont soit des machines de stéréolithographie (B9Creator ; Microlight 3D), soit des machines jet d’encre (OBJET PRO), soit des bras robotique 6 axes.

Que pouvez-vous nous dire sur le fonctionnement et les capacités des modèles T333 utilisés pour la bioimpression ?

Les modèles T333 utilisés pour la bioimpression sont des modèles modulables dans lesquels nous sommes capables, avec l’aide de TOBECA, de placer différents systèmes d’extrusion de matière biologiques vivantes. Il est alors possible d’extruder par pression mécanique, pneumatique, mixte, mais également de combiner les différentes techniques. Cela nous permet une agilité très grande dans nos différents projets de recherche.

« l’impression 3D nous permet d’envisager des systèmes bioactifs inaccessibles auparavant »

Qu’est-ce que l’impression 3D vous a apporté par apport aux techniques traditionnelles ?

L’impression 3D nous permet d’appréhender des phénomènes biologiques et des problématiques d’activité physiologique directement en mettant en forme les matériaux utilisés pour que leur aspect et leur forme soit au plus près des formes physiologiques. C’est un vrai atout lorsque l’on s’intéresse aux applications dans le domaine de la santé. Elle nous permet également d’envisager des systèmes bioactifs inaccessibles auparavant car trop complexe à fabriquer par des techniques de moulage ou d’assemblage.

Crédit photo : Fred Marie Photographer on VisualHunt / CC BY-NC-ND

« La capacité de régénération de peau sur brûlure est en cours dans une étude »

En février 2017, 3d.FAB annonçait le lancement d’un programme de recherche financé par l’Armée française (DGA) visant à fabriquer de la peau par impression 3D pour les grands brûlés. Quel est l’état de vos recherches aujourd’hui ?

Les recherches sur ce projet sont à un stade plus qu’avancé puisque nous avons fait la preuve de la capacité à imprimer avec notre bioencre sur des surfaces non planes grâce à l’utilisation de notre bioimprimante robotique 6-axes. Nous avons également fait la démonstration de l’utilisation de notre bioencre in vivo (résultats non publiés encore) grâce à sa reformulation en un grade médical implantable.

La capacité de régénération de peau sur brûlure est en cours dans une étude in vivo sur petit animal et nous espérons avoir les autorisations courant 2019 afin de tester notre technique sur un premier patient fin 2019-début 2020.

Bioimprimante 3D BioAssemblyBot à 6 axes

« les tissu bioimprimés seront de plus en plus complexes »

Comment voyez-vous évoluer la bioimpression dans les années à venir ?

La bioimpression dans les années à venir devra être couplée à des techniques de maturation 3D de tissus bioimprimés. En effet, les 5 dernières années ont été dédiées à l’étude de la fabrication d’objet 3D vivant, il faut maintenant que la communauté s’applique à générer au cœur de ces objets des fonctions complexes (vascularisation, tissus multiples). Ceci peut être effectué, comme certains groupes le montrent déjà, par l’application de champs et force 3D permettant d’influencer le devenir des cellules dans les objets bioimprimés. Je pense qu’ainsi, les tissus bioimprimés seront de plus en plus complexes pour enfin finir par être les organes que tant de chercheurs et chirurgiens souhaitent créer.

Une actualité à partager pour finir ?

Nous sommes dans de nouveaux locaux de 100 m2 totalement dédiés à l’impression 3D. Nous recevons ce mois-ci une machine CERAMAKER afin d’entamer un nouveau cycle de recherche sur la bioimpression de tissus mous à la surface de tissu de soutient en céramique. Nous sommes en plein développement d’une toute nouvelle technique d’impression 3D…mais là je ne peux rien dire avant le dépôt du brevet.

Alexandre Moussion